DE MAHOMET AU CALIFAT |
novembre 2014
Quand Mahomet mourut le 8 juin 632, il ne laissait derrière lui ni descendant mâle, ni héritier désigné pour lui succéder à la tête de la jeune communauté musulmane. Les membres de cette dernière, ressentant le besoin de se donner un chef, élirent lun dentre eux, Abou Bakr, premier, après lépouse de Mahomet, Khadija (1), à sêtre converti à lislam. On le reconnut sous le titre de calife, de « successeur » en arabe. Deux ans plus tard, à la mort de son prédécesseur, Omar fut élu, puis Othman et enfin Ali, cousin et gendre de Mahomet. |
La transmission du titre et de lautorité, politique et religieuse, ne se passait cependant pas aisément le nouveau pouvoir suscitant beaucoup de convoitise. Quand vint le tour dAli, soutenu par une partie de la communauté, le gouverneur de Syrie, Muawiyah, prétendit au titre et une guerre éclata. Elle se termina par un arbitrage, dont Ali fut la dupe, remettant le pouvoir à son concur-rent en 658. Muawiyah sempressa de désigner son successeur, Yazid, son propre fils, rendant le califat héréditaire. La première dynastie musulmane était née que lon nomma omeyyade, du nom du clan tribal dont elle était issue. Puis Muawiyah établit de siège de son pouvoir à Damas, ville au passé prestigieux auquel il voulait rattacher lislam. Au VIIIe siècle cependant, contestant le gouvernement des Omeyyades, une rébellion éclata. Vaincus sur le fleuve Zab en 750, ces derniers laissèrent la place à une nouvelle dynastie, les Abbassides, du nom de son fondateur, Abou Abbas As-Saffah. Son successeur, Al-Mansur, fonda Bagdad dont il fit la capitale de lempire. Pour éviter toute remise en question de sa suprématie, As-Saffah fit assassiner tous les Omeyyades. Lun deux néanmoins, Abd Ar-Rahman, parvint à séchapper et, rejoignant Cordoue, islamisée depuis 711, prit le pouvoir sur lEspagne et le Maroc, y créant un califat concurrent. Celui-ci seffondrera à partir du XIe siècle, affaibli par les conflits internes puis sous les coups des conquérants almoravides et almohades (2). Par ailleurs, senrichissant de lhéritage culturel perse, mais aussi grec et chrétien, les Abbassides sortirent le monde musulman de son contexte primitif et tribal, le hissant à cette époque au niveau des grandes civilisations. Leur pouvoir restait néanmoins fragile. Surtout, otages de leur garde prétorienne constituée de mercenaires turkmènes, ils durent même se contenter dune autorité symbolique quand les Bouyides, un autre peuple dorigine turc, sempara de lIran et de la Mésopotamie de 932 à 1062. Car si les Bouyides préservèrent linstitution califale, ils se servirent de son prestige pour exercer la réalité du pouvoir. À cette érosion de lautorité des Abbassides sajoutait la remise en question de leur légitimité par les chiites qui, refusant la destitution dAli au VIIe siècle, sétaient donné une dynastie dimams concurrente des califes. Un long moment, une autre branche chiite, les Fatimides, parvint même à semparer dun territoire allant de la Tunisie à la Palestine (567 à 1171) et y décréta un autre califat au Caire. Puis vint linvasion mongole. Déferlant sur Bagdad, en 1258, elle tua le calife abbasside, Al-Mustasim. Mais les Mamelouks, corps militaire qui dominait alors la scène musulmane, stoppa lavancée mongole à Aïn Jalut en 1260 et ramena un oncle dAl-Mustasim, Al-Mustansir, au Caire où ils exerçaient la réalité du pouvoir. Là, pour utiliser le prestige attaché au titre et renforcer leur autorité, les Mamelouks déclarèrent Al-Mustansir calife tout en le gardant sous leur contrôle. Après sa mort, dautres reçurent le titre califal devenu purement formel. Jusquà ce quen 1517 les Turcs Ottomans, ayant fondé un empire en Anatolie sur les ruines de celui des Byzantins, semparassent du Caire. Selim 1er, le sultan ottoman prétendit alors que le dernier des califes abbassides, Al-Mutawakkil III, lui avait cédé le titre. À partir de cette transmission que lon imagine forcée, les sultans Ottomans se proclamèrent califes saffirmant ainsi chefs politiques et religieux. Jusquà ce quen 1924, avec lémergence de la République en Turquie, Atatürk décréta labolition du califat. Cest ce titre de calife quAbou Bakr Al-Baghdadi prétend réincarner à la tête du prétendu État islamique (Daech). Jean Isnard |
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