HISTOIRE
« CHRONOLOGIE
d’une tragédie gaullienne »

octobre 2012

Dans son dernier ouvrage, Henri-Christian Giraud se place en observateur pour relater la fin de la présence française en Algérie, de 1958 à 1962, sous la gouvernance du général De Gaulle. Une chronologie dépassionnée dans un livre qui aurait pu s’appeler « Algérie, le double jeu de De Gaulle ». Insistant sur les années 1958 et 1959, c’est sur le fond desintentions gaulliennes que nous nous sommes penchés. Un livre à lire pour comprendre le drame algérien (1)

13 mai 1958 : Giraud : « La foule s’empare du Gouvernement général, siège du pouvoir à Alger. S’ensuit la formation d’un Comité de salut public présidé par le général Massu (qui) lance un appel au général De Gaulle pour constituer un gouvernement de salut public ».


15 mai : Devant la foule à Alger, le général Salan conclut son discours par les mots : « Vive la France ! Vive l’Algérie française ! » et « Vive le général De Gaulle ! »


1er juin : De Gaulle devient président du conseil.


4 juin : Giraud : « À Alger, sur le Forum, faisant sien l’élan du 13 mai et proclamant haut et fort la souveraineté française sur l’Algérie, De Gaulle déclare : « Je vous ai compris » ». C’est la liesse. « Au soir, au Palais d’Été, De Gaulle demande au général Alain de Boissieu (son gendre) : « Alors qu’en pensez-vous ? Est-ce que je ne me suis pas trop engagé ? » » Ce qui prouve, qu’au mieux, le nouveau président du conseil louvoie.


6 juin : A Mostaganem, De Gaulle ose pourtant dire à la fin de son discours devant une majorité de musulmans : « Vive l’Algérie... française ! » Mais, étrangement, cette intervention ne figure pas parmi les discours officiels. A-t-il dit alors un mot de trop ?


1er juillet : À nouveau en Algérie, De Gaulle « reçoit plusieurs personnalités musulmanes. Il confère aussi avec Massu, nommé préfet d’Alger, mais il refuse d’accorder à une délégation du Comité de salut public, dont font pourtant partie deux de ses fidèles, Léon Delbecque et Lucien Neurwirth, l’audience sollicitée », dit Giraud.


13 juillet : Dans un discours aux Français, De Gaulle dit vouloir bâtir une Communauté française formée de ses territoires et colonies. « La place de l’Algérie, si chère et si déchirée, est marquée dans cet ensemble, et c’est une place de choix », affirme-t-il. Comme le remarque Giraud : « Une place de choix non pas dans la France proprement dite, mais dans une Communauté d’allure fédérale ».


25 août : De Gaulle dit à Jean Mauriac : « La Communauté française c’est de la foutaise ! Ces gens-là vont à l’indépendance. A peine rentrés dans la Communauté, ils n’auront qu’une idée, c’est d’en sortir... » On lui prête le mot, selon Giraud, d’avoir osé : « C’est pour l’Algérie que je fais la Communauté ».


28 septembre : Pourtant, au référendum, « la population musulmane se déplace en masse : 82% des électeurs d’Algérie participent au vote. Le résultat est sans appel : 3 357 763 oui, contre 118 631 non ». À ce moment, les musulmans d’Algérie veulent rester français.


21 décembre : De Gaulle est élu Président de la République.


5 mars 1959 : De Gaulle dit à Alain Peyrefitte : « L’Algérie française est une fichaise et ceux qui préconisent l’intégration sont des jean-foutre (...) Qu’on ne se raconte pas d’histoire ! Les musulmans, vous êtes allé les voir ? Vous les avez regardés avec leurs turbans et leurs djellabas ? Vous voyez bien que ce ne sont pas des Français ! »


25 mars : Le général Allard rapporte son message de De Gaulle aux Pieds Noirs : « Vous pouvez leur dire que jamais nous ne négocierons, que jamais la France ne les abandonnera ».


27 août : De Gaulle dit à Jean Mauriac, « Voilà ce que je leur propose : je leur donne l’indépendance s’ils la veulent ».


16 septembre : De Gaulle annonce un nouveau référendum. Il propose la sécession, la francisation ou l’association à la France. Il ne parle pas d’intégration. C’est une manipulation pour se débarrasser de l’Algérie. Giraud : « L’orateur utilise à dessein le terme de francisation dans lequel les musulmans ne peuvent que voir l’obligation de renoncer au statut coranique, alors que l’intégration, qui préserve le statut personnel islamique, ne heurte pas leurs sentiments religieux ».


On connaît la suite et les drames que la décision de De Gaulle va produire.


Jean Isnard


(1)« Chronologie d’une tragédie gaullienne, Algérie : 13 mai 1958, 5 juillet 1962 » édité par Michalon en juin 2012. 320 pages, 20 €.

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

Retour Menu
Retour Page d'Accueil