LA CRIMÉE |
mars 2014
Le 3 mars, des soldats sans insignes didentification surgissaient en Crimée, prenaient le contrôle des accès de site stratégiques et bloquaient lentrée des casernes des forces ukrainiennes. Il faut savoir en effet la Crimée faisant partie de lUkraine mais abritant une importante base navale russe. Les soldats « non-identifiés » savéraient du reste très vite appartenir à larmée russe et seraient entrés à la demande du gouvernement de Crimée. Pas impossible, du fait de la composition de la population, à 60% russe, et de la force de lHistoire. |
Pour faire court, au XIIIe siècle, les Tatars semparent de la Crimée, soumettent les villes marchandes de la côte et, rapidement, constituent lessentiel de la population. Aux XIVe siècle, les conquérants se donnent à lislam. Au XVIe siècle, enfin, la suzeraineté de lempire turc simpose sur le khanat (1) de Crimée passé aux mains dune chefferie mongole. Avec ses musulmans liés à lEmpire turc, les Russes, cependant, perçoivent la péninsule de Crimée comme un poignard pointé vers le coeur de leur domaine. Ce dautant plus quils ont dû se battre à plusieurs reprises contre les redoutables guerriers tatars. Mais en 1783, sous Catherine II, la Russie annexe la Crimée retournant la menace contre la Sublime Porte. Il faut dire la péninsule de Crimée occupant une place particulière. Elle commande le nord de la mer Noire, protégeant les accès au fleuve Dniepr et à Kiev, et représente la position la plus avancée face à lEmpire turc. Mieux, elle fait face au détroit du Bosphore qui permet laccès à la Méditerranée. De plus, cest une position protégée par la mer. Carte historique de l'Ukraine Rapidement commence une politique dexpulsion des Tatars, perçus comme un danger. Elle ne cessera pas et saccentuera même sous Staline, au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale. Les Tatars sont remplacés par des Russes, si bien quils deviendront une minorité (2). Dès 1783, première année de lannexion, les Russes fondent le port de Sébastopol, principale base navale de leur empire en mer Noire. La Russie va vouloir exploiter son avantage. Elle exige un protectorat sur les chrétiens orthodoxes de lEmpire turc. Face au refus de ce dernier, elle attaque et coule la flotte adverse le 30 novembre 1853. La Grande-Bretagne et la France de Napoléon III craignent de voir les Russes semparer de Constantinople qui ouvre le passage de la mer Noire sur la Méditerranée. Arrivant à la rescousse des Ottomans, le 27 mars 1854, les deux puissances européennes déclenchent les hostilités. Cest la guerre de Crimée. En mai, elles prennent Varna, dans lactuelle Bulgarie. Après une épidémie de choléra et quelques revers, les alliés finissent par semparer de Sébastopol le 8 septembre 1855. Leurs effectifs auront atteint 220 000 hommes et lon comptera 240 000 tués répartis dans les deux camps. Au lendemain de la guerre de Crimée, la péninsule se reconstruit devenant la Riviera de lEmpire russe avec Liviada, Massandra et... Yalta. En 1921, avant même la création officielle de lURSS (3), est instituée la République socialiste autonome de Crimée. Intégrée sous cette forme à la Russie, elle perdra son titre de République en 1945 pour devenir une simple région de cette même Russie. Elle na pourtant aucune continuité territoriale avec cette dernière, son isthme la rattachant au contraire à lUkraine. Une décision va cependant faire date. Le 19 février 1954, Nikita Khrouchtchev offre la région de Crimée à la République dUkraine. Action imprudente, doit penser aujourdhui Vladimir Poutine. Même si elle répond à une logique géographique. Néanmoins, de manière très significative, Sébastopol, qui abrite la base navale, jouit alors dun statut particulier. Si à la chute de lURSS, la ville est maintenue dans lUkraine, elle fait désormais partie dune République autonome de Crimée ressuscitée. Reste à régler les détails, en particulier le partage de la flotte soviétique. Finalement, lUkraine obtient 17% des navires contre 83% pour la Russie qui bénéficie dun bail sur Sébastopol pour jusquen 2042. Cest dans ces perspectives historiques et stratégiques quil faut aussi penser la politique de Poutine.
Jean Isnard |
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