CUBA et les Américains |
Le 17 décembre
2014, Barack Obama et Raul Castro, respectivement autorités
supérieures des États-Unis et de Cuba, annonçaient
la réconciliation de leurs pays dans deux discours prononcés
simultanément à près de 2000 km de distance.
Bientôt, des relations diplomatiques normales vont être
rétablies entre Washington et La Havane et lembargo
américain contre lîle, déjà
assoupli, va être démantelé. Le pape François
a joué un rôle primordial dans cette affaire en
écrivant à Obama et à Castro pour les inviter
à se rapprocher. Si, par ailleurs, les États-Unis
ne relançaient pas la guerre froide avec Moscou et si
les radicaux islamistes ne nous ramenaient pas plusieurs siècles
en arrière, braquant les projecteurs de lactualité
sur Cuba, nous pourrions croire à lémergence
dune nouvelle ère de paix. Cuba, cest en effet plus de cinquante ans de tension avec les États-Unis. |
Les États-Unis manifestent depuis longtemps un intérêt déclaré pour Cuba. Déjà, à la fin du XIXe siècle, à loccasion de la guerre dindépendance contre les Espagnols, les nord-Américains occupèrent lîle de 1898 à 1902, et de 1905 à 1909. Puis ils exercèrent un véritable protectorat, relayé à partir de 1934 par une colonisation de la mafia américaine, maîtresse des maisons de jeu et de la prostitution. Cest dans ce climat de corruption que le colonel Batista sempara du pouvoir par la force le 10 mars 1952, bénéficiant de la sympathie de Washington. Le 26 juillet 1953, lavocat Fidel Castro entre en rébellion et, à la tête de quelques centaines dhommes tentent de semparer dune caserne. Vaincu, il est gracié à la demande de larchevêque de Santiago et exilé. Mais, profitant du mécontentement de la population, il revient en 1956 et, avec ses guérilleros installés dans la Sierra Maestra, parvient à chasser Batista du pouvoir le 1er janvier 1959. Washington reconnaît dabord le nouveau gouvernement dont Castro est le Premier ministre. Mais, cinq mois après le renversement de Batista, le maître du pays décide la nationalisation des entreprises étrangères, principalement américaines, dont le fleuron est lUnited Fruit Co. En réponse, deux ans plus tard, le Président Kennedy ordonne une tentative de renversement du régime. Le 17 avril 1961, la CIA fait débarquer une armée de 1400 réfugiés cubains dans la Baie des Cochons. Cest un échec. Isolé à lextérieur, Castro se rapproche de plus en plus de lUnion Soviétique, en même temps quil accentue sa dépendance du parti communiste cubain dont son frère, Raoul, est membre. Le 27 octobre 1962, les États-Unis découvrent la construction en cours de sites destinés à installer des missiles soviétiques à têtes nucléaires. Sestimant menacés, ils enclenchent un siège naval de lîle afin dinterdire le passage des armes russes. On est à deux pas dune guerre nucléaire. Finalement, Krouchtchev, le chef de lUnion Soviétique, cède en échange de la promesse de Washington de ne plus attaquer Cuba. Demeure néanmoins un embargo dune rigidité redoutable interdisant à La Havane de sapprovisionner chez son voisin et aux Américains de consommer des produits cubains, en particulier les cigares. Plusieurs fois, la CIA tente aussi dassassiner Castro. À cela sajoutent les campagnes de propagande orchestrées des deux côtés du golfe du Mexique, sans parler des arrestations dagents de ladversaire, réels ou supposés, dans les deux camps. Mais il faut bien vivre ! Cuba devient la vitrine caraïbe des Soviétiques quils approvisionnent , versant en outre 4 à 6 milliards de dollars par an pour soutenir une économie de crise. À partir de 1990, avec leffondrement de lURSS, Moscou met cependant un terme à son aide. Les États-Unis, sous George Bush père, renforcent alors les sanctions. Lintensité de la crise oblige néanmoins à un desserrement de létau. En 1998, le Président Clinton déclare que Cuba nest plus une menace pour son pays. En 2006, les États-Unis sont déjà les 3ème fournisseur de Cuba. Aujourdhui, ils vendent à lîle la plus grosse partie de ses importations agro-alimentaires. Mais il faudra attendre mars 2009 pour que, graduellement, sur décision de Barak Obama, lembargo soit véritablement assoupli. Le 17 décembre 2014 est une étrange victoire partagée : pour le Vatican qui a su rapprocher des adversaires, pour Cuba qui a résisté pendant 50 ans, mais aussi pour Washington qui a fini par être bon perdant.
Jean Isnard |
www.recherches-sur-le-terrorisme.com |