Droits des juifs et des chrétiens dans lislam |
Selon la charia,
les droits et devoirs des juifs et des chrétiens sont
régis par la « dhimma » (ou zimma),
le pacte qui définit leur place juridique dans la société
musulmane. Ce statut nest plus aujourdhui pratiqué
par aucun État musulman, pas même lIran ou
lArabie Saoudite. Même si, disons-le, dans beaucoup
de pays subsistent des traces de cette législation. Par
exemple, on condamne à mort des non musulmans pour de
prétendus blasphèmes, comme au Pakistan, ou lon
interdit aux chrétiens dhériter dun musulman, comme au Maroc. La « dhimma » dans sa pleine application nest donc plus quun fait historique avec, tout en tenant compte du décalage temporel, ses aspects positifs mais aussi ses abominations. Cest donc en tant que fait historique que nous en parlons dans cette page. |
Tout a commencé à Médine. En 631, une délégation chrétienne du Najran (1) sy étant rendue pour rencontrer Mahomet. Reçus avec courtoisie, fait assez incroyable pour être noté, ils purent même dire la messe dans la mosquée de leur hôte. À lépoque, le camp des musulmans semparait progressivement de lArabie par les armes et les conversions. En réalité, pensons-nous, ces chrétiens venaient négocier pour éviter la guerre et garder leur religion. Deux-mêmes, semble-t-il, ils offrirent de payer un impôt désigné par le mot de capitation (2) ou jizya en arabe. Le statut de dhimmi, ou dhimma, en principe réservé « aux gens du Livre », (3) était né. Au début, il sagit en fait dun tribut permettant à des non musulmans de sauto administrer tout en ayant fait allégeance à lautorité islamique. Cela leur garantissait la protection de cette dernière et la liberté de culte. On est dans un cadre juridique très proche de celui du protectorat français accordé, ou plutôt imposé, autrefois aux Marocains. Après la mort de Mahomet, cependant, le territoire contrôlé par les musulmans allait inclure des pays immenses comme la Perse, la Mésopotamie ou lÉgypte. Or, si la conversion forcée des polythéistes était légitimée par le Coran, en principe, les gens du Livre devaient rester libres de leur choix. Résultat, à laube de lislam, les musulmans de lempire étaient moins nombreux que les chrétiens. De plus, il nexiste dans le Coran quune seule contribution financière aux besoins de la société, la « zakat », en fait considérée comme une aumône religieuse due par les seuls musulmans. Contournant la difficulté, la jeune autorité islamique se servit du précédent des chrétiens de Najran pour instituer deux impôts : la jizya et le kharaj, une taxe foncière, imputés aux non musulmans. On est alors dans le bricolage juridique dun État émergeant sans traditions administratives. Le premier document de référence est le pacte dOmar, sans doute rédigé sous le calife Omar II (682-720). Il sagit dune lettre adressée aux chrétiens de Syrie pour définir les conditions de la dhimma. Mais, selon les chercheurs, celles-ci ne seront définitivement fixées quau IXe siècle (4). Outre le régime fiscal, la dhimma devint rapidement un système discriminatoire et plus ou moins oppressif en fonction de lautorité en place. Certaines règles furent même parfois oubliées, souvent parce quelles contrariaient les intérêts du pouvoir. Par exemple linterdiction pour les dhimmis de porter des armes ou de servir dans ladministration. En revanche, chrétiens et juifs, sils jouissaient dune totale indépendance en matière de droit familial, ne pouvaient pas témoigner contre un musulman devant les tribunaux de lÉtat, par conséquent se défendre avec efficacité sils étaient lésés. Ils devaient aussi porter des vêtements distinctifs. Voilà pourquoi, le 6 mars 2017, le grand imam dAl-Azhar (5) a déclaré la dhimma inapplicable au XXIe siècle. Parce que « ladoption des notions de citoyenneté, dégalité et de droits exige nécessairement la condamnation des actes qui sopposent au principe de citoyenneté (comme) ces pratiques qui reposent sur la discrimination entre le musulman et le non musulman, qui conduisent à des pratiques de mépris, de marginalisation, de double mesure... » Il fallait du courage pour le dire. Jean Isnard
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