HISTOIRE
MEURTRE D’UN PRÊTRE

avril 2016

À la suite de la montée de la gauche aux élections municipales et de manifestations de rue, le roi Alphonse XIII abandonna le trône d’Espagne en avril 1931. Sans attendre, le 14 avril, naissait la Seconde République espagnole. Elle s’illustra dès ses débuts par des tensions entre modérés et extrémistes, comme les anarcho-syndicalistes. Des massacres de prêtres, pour la plupart opposés au nouveau régime, éclatèrent. Le gouvernement ne contrôlait plus la situation.
Le 13 juillet 1936, José Calvo Sotelo, un député de la droite monarchiste, fut assassiné par les Républicains. Le général Francisco Franco rejoignit alors un projet de putsch. Les 17 et 18 juillet, une tentative de coup d’État menée par des généraux marqua le début de la guerre civile. Elle dura trois ans. Certes, le camp nationaliste, dont Franco prit la tête, a commis des excès. L’erreur est cependant de croire cette faction seule coupable de crimes. Celle des Républicains, associée aux communistes et soutenue par Moscou, est responsable de nombreux massacres. Nous rapportons l’histoire de l’une de leurs victimes, le Père Joseph Samsó, exécuté le 1er septembre 1936... Parce qu’il était prêtre.

Né le 17 janvier 1887 à Castellbisbal, dans la province de Barcelone, son père exerce le métier de pharmacien. Avec sa soeur, ils le perdent sept ans plus tard. Leur mère se rapproche alors de sa soeur pour mieux élever ses enfants.

Le petit Joseph entre d’abord à l’école chez les Maristes puis, répondant à son inclination, sa mère l’inscrit au séminaire. En 1909, il obtient la licence en théologie puis devient le secrétaire de l’évêque de Barcelone. Mais ce n’est pas là sa véritable aspiration et il obtient d’être envoyé dans une paroisse.

Joseph Samsó exerce tout d’abord à Sant Julià de Argentona, pour venir en aide à un curé épuisé par l’âge. Il se taille alors une grande réputation pour sa proximité de la population, son humanité et son sens pédagogique. Ce qui va de soi, il se fait aussi remarquer par sa piété. Déjà, il révèle sa force de conviction et sa capacité d’amener à sa croyance, les plus rétifs à la religion.

Le 11 janvier 1917, après un concours conforme à la tradition, le nouvel évêque lui confie la cure de San Joan de Mediona, une petite paroisse rurale. Là encore, il fait merveille, mais en août 1919, décède le curé de Mataró, ville côtière à une trentaine de km de Barcelone. Joseph Samsó se voit confié la redoutable mission de réconcilier la vingtaine de prêtres divisée en deux groupes hostiles qui forment l’équipe paroissiale. Là encore il remplit sa mission, de plus faisant preuve d’une grande empathie pour les catégories sociales les plus démunies.

Dans ses démarches, point de prises de position politique. Il exerce son magistère appliquant d’instinct, semble-t-il, le distinguo entre le domaine religieux et celui du pouvoir temporel. De plus, son souci du soin des plus pauvres aurait dû le protéger.

Pourtant, le 6 octobre 1934, des hommes armés, membres de milices sans doute, pénètrent dans la basilique de Mataró. Ils menacent de leurs armes le Père Samsó, qui est là en compagnie d’un autre prêtre et de deux laïcs, et leur ordonnent de mettre le feu à l’église. Se voyant opposer un refus déterminé, la petite bande exécute elle-même la tâche avant de s’enfuir. Le bâtiment sera sauvé par l’arrivée de fidèles qui éteignent l’incendie.

Dans la nuit du 18 au 19 juillet 1936, nouvelle alerte : des policiers, cette fois, frappent à la porte du presbytère. Ils viennent fouiller les lieux à la recherche d’armes, soupçonnant tous les prêtres de conspirer pour le renversement de la République. Bien sûr, les forces de l’ordre ne trouvent ni armes, ni munitions.

Mais la tension va croissante. De plus, les groupes extrémistes échappent de plus en plus au contrôle du gouvernement en place. Se sentant menacé, le Père Samsó finit par se réfugier chez des amis. Mais il craint de les compromettre et de les exposer à un sort fatal. Alors, le 30 juillet, il prend congé d’eux, décidé à quitter la ville.

Il se déguise en homme d’affaires. Les cheveux teints, affublé d’une fausse moustache et de lunettes noires, il se plante une cigarette entre les lèvres. Il se dirige vers la gare. Là, il demande à une femme l’heure du prochain train. Mais celle-ci reconnaît sa voix et le dénonce auprès de miliciens de passage.

Il est emmené pour être jugé par un pseudo « Comité antifasciste ». Le 1er septembre, on vient le chercher pour son exécution. Sur les lieux du supplice, il pardonne à ses bourreaux et s’approche pour les embrasser. L’un des trois hommes se dérobe. Il sera le seul à tirer. Plus tard, il dira : « Si je l’avais touché, je n’aurais pas pu tirer ».

Non, décidément, la droite, même fasciste, n’a pas le monopole du crime.

Jean Isnard

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
www.recherches-sur-le-terrorisme.com
     
     
 
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