HISTOIRE
La France en Rhodésie

mai 2013

Ce nom, Rhodésie, a disparu des médias. Aujourd’hui on parle du Zimbabwe, pays d’Afrique australe transformé en mouroir par la gouvernance tyrannique de son Président, Robert Mugabe. Il n’en a pas toujours été ainsi. Dans les années 70, nous avons connu la Rhodésie prospère grâce à son sous-sol riche et son agriculture performante. Pourtant,
alors, des sanctions économiques internationales pesaient sur elle. Aspect resté occulté, si pour complaire aux Nations Unies la France avait fermé son ambassade, Paris jouait cependant un rôle important pour la survie du régime.

LE CONTEXTE

Devenue colonie auto-administrée depuis 1933, la Rhodésie du Sud vivait sous un gouvernement aux mains des Blancs, pour la plupart d’origine britannique. En 1953, une tentative de fédération avec la Rhodésie du Nord, future Zambie, et le Nyassaland, devenu depuis Malawi, se termina en 1963 avec les indépendances et la remise du pouvoir aux majorités noires.

Prenant le nom de Rhodésie, la Rhodésie du Sud refusa un tel transfert d’autorité et, se rebellant contre la volonté de Londres, proclama l’UDI (1). En d’autres termes, importante en nombre mais néanmoins minoritaire, la communauté blanche gardait le pouvoir. Sous l’égide des Nations Unies, le concert des États décréta alors un train de sanctions économiques contre la Rhodésie. Le régime blanc de Salisbury (2) allait pourtant tenir une quinzaine d’années.


UN HOMME DE CARACTÈRE


Né en Afrique du Sud en octobre 1920 mais élevé en Rhodésie, Jack Malloch était déjà un vétéran. Pilote dans la RAF
(3) pendant le Seconde Guerre mondiale, il fut descendu en territoire occupé par les Allemands et, blessé, sauvé par la résistance. C’est à cette époque que semble remonter sa relation avec les Français.

En 1960, il rejoint Moïse Tshombé qui, dans le Congo belge devenu indépendant, a fait sécession à la tête du Katanga. Il y retrouve Bob Denard, mercenaire connu pour ses activités, discrètes faute d’être totalement secrètes, au service du SDECE (4). Après la réintégration du Katanga dans le Congo par les Nations Unies, Malloch servira au Yemen en 1963 et 1964. On le retrouvera aussi au Biafra entre 1967 et 1970, pendant la guerre civile du Nigeria, aux côtés encore du camp soutenu par les services français et assurant pour eux des transports nocturnes d’armes destinées aux rebelles.

En Rhodésie, dès la proclamation de l’UDI, en 1965, et les sanctions des Nations Unies, il joue un rôle déterminant pour la survie du régime. Il fonde ATA (Air Trans Africa), une compagnie aérienne, et joue les briseurs de blocus. Sa connexion avec les services français s’avère très utile. Ce sont eux, en effet, qui assurent le lien avec les autorités des pays africains où se posent ses avions : le Gabon, le Maroc, la Côte d’Ivoire etc... Entre autres choses, il transporte de la viande rhodésienne avec des appareils enregistrés au Gabon.


LA FRANCE AUX CÔTÉS DE LA RHODÉSIE

La France n’en reste pas là. Dans l’armée rhodésienne, on reconnaît parfois des caisses de munitions fabriquées dans l’Hexagone : des grenades à fusil, par exemple. Les soldats, pour leur part, sont tous équipés d’un camping-gaz Bleuet.

Difficile de connaître tous les équipements livrés par la France. Il en est néanmoins une catégorie qui ne peut échapper à aucun visiteur : les automobiles. Dans tout le pays, les chauffeurs de taxis roulent avec des Renault 4, les particuliers préférant les Peugeot. Les automobiles britanniques, respect des sanctions oblige, sont absentes du marché du neuf.

LES PAYS AFRICAINS AUSSI

Certains critiqueront ce double jeu de la France. Qu’ils sachent: elle n’était pas seule. En outre, parmi les pays africains les plus fermes dans le discours contre la Rhodésie blanche, quelques-uns ne craignaient pas non plus de contourner les sanctions.

Ainsi n’était-il pas rare de voir une locomotive poussant des wagons sur le pont qui traverse le Zambèze, entre la Rhodésie et la Zambie. Au bout de quelques minutes, surgissait un tracteur côté zambien qui récupérait la rame abandonnée. Des trains entiers de maïs passaient ainsi d’un pays à l’autre.

À la fin, néanmoins, on se demande ce qui valait mieux pour la population, noire ou blanche : un pays administré où tout le monde était assuré du minimum vital ou le Zimbabwe de la pénurie de Mugabe

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Alain Chevalérias

 
Notes

(1) « Unilateral Declaration of Independance », Déclaration unilatérale d’Indépendance.
(2) Capitale de la Rhodésie, devenue Harare.
(3) La « Royal Air Force » des Britanniques.
(4) L’ancêtre de la DGSE.

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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