GÉNOCIDE ARMÉNIEN |
En ce mois davril
2015, Erevan célébrait en grande pompe le centenaire
du génocide des Arméniens. Le terme de génocide
est pertinent car, comme nous le verrons, et reprenant les termes
du dictionnaire, il y a eu de la part de lEmpire turc volonté
« dextermination systématique dun
groupe humain ». Historiquement, les Arméniens
se sont formés à partir du mélange dun
groupe venu au VIIe siècle av. JC des Balkans et des habitants
du royaume de lOurartou, dans la région du lac Van
en Anatolie. Les Arméniens se sont convertis au christianisme
au IVe siècle de notre ère, mais constituèrent
avec le temps une branche spécifique de cette religion,
souvent confondue avec lorthodoxie. Le royaume dArménie a été à plusieurs reprises occupé, jusquà ce quau XVIe siècle les Ottomans semparent de sa partie occidentale et, quen 1828, la Russie prenne le contrôle du nord, la future République dArménie. |
Les minorités non musulmanes, principalement les différents groupes chrétiens, ont souffert de ségrégations sous lEmpire ottoman, de persécutions même, comme les massacres perpétrés contre eux en 1860 à Damas et sur le Mont Liban. Elles ont néanmoins survécu, jouissant dune reconnaissance à lexistence garantie par le droit islamique. Mais au XIXe siècle, lEmpire se sclérosant, les peuples assujettis sagitent. Cest dabord la Grèce, qui se soulevant en 1821, obtient son indépendance en 1830. Puis viennent le tour de la Roumanie, en 1851, et de la Serbie en 1878. Au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle, les Arméniens exigent des réformes, réclamant légalité avec les musulmans. Cela déplaît en haut lieu. De plus, écrasées par les impôts, plusieurs villes arméniennes se révoltent. Le sultan Abdulhalmid II les mate au cours de massacres perpétrés de 1894 à 1896. Point important, la Russie fait cesser ces derniers en octobre 1896, armant sa flotte de la Mer noire. Les Arméniens se souviendront. Mais le 14 juillet 1889, référence à la prise de la Bastille, un groupe dopposants nationalistes au sultan est né sous le nom de CUP (Comité Union et Progrès). Il est formé des « jeunes-turcs », au sein de larmée une faction révolutionnaire dont les accents modernistes suscitent la sympathie des mouvements représentant les minorités de lEmpire, dont le Dashnak arménien. La relation tourne cependant au vinaigre car il est hors de question pour le CUP daccepter lautonomie, encore moins lindépendance, de lArménie. La tension avec les jeunes-turcs va croissante suivant la montée de ceux-ci au pouvoir, à partir de 1908. En avril 1909, sous leur autorité, éclateront même les massacres anti-arméniens dits de Cilicie, dans la région dAdana. Il faudra la menace des flottes occidentales, dont celle de la France, pour y mettre un terme. On comptera néanmoins près de 30 000 morts. La Seconde Guerre mondiale va encore attiser les ressentiments quand une faction de la communauté arménienne sengage dans des unités de volontaires qui rejoignent larmée russe. Pire, à partir doctobre 1914, des réseaux arméniens pro-russes organisent la contrebande pour armer les habitants de la région de Van. Il convient de noter que la majorité des notables arméniens désapprouve ces comportements. La réaction de lautorité turque ne se fait cependant pas attendre. La circulaire 3052 de ladministration ottomane, datée du 24 avril 1915, ordonne larrestation des élites arméniennes. Soldats et gendarmes arméniens sont désarmés, les intellectuels de la communauté raflés. Puis commence la déportation vers les déserts de Syrie et de Mésopotamie. Entre avril et décembre 1915, 306 convois, comprenant un total de 1 040 782 personnes sont recensées. Les hommes sont massacrés dès le départ, les plus belles femmes et les enfants revendus comme esclaves. Les autres meurent de soif ou sont éliminés par petits groupes. Des prisonniers de droit commun sont
libérés pour participer aux massacres. Les Kurdes
mettent la main à la pâte. Ils sempareront
ensuite des maisons et des terres des Arméniens.
Dans son carnet personnel, Talaat Pacha estime à 1 247 200 le nombre dArméniens assassinés : 77% de cette population vivant en Turquie. Les coupables sont les fondateurs de la Turquie moderne. On loublie, mais 500 000 à 750 000 chrétiens assyriens, 350 000 orthodoxes et des Yézédis ont été assassinés par la même occasion. Jean Isnard |
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