HISTOIRE
QUI SONT NOS ANCÊTRES ?

septembre 2015

Qui étaient nos ancêtres ? Nous sommes habitués à une légende qui fait des Gaulois, autrement appelés Celtes, les ancêtres de tous les Français. Dès les premières classes de l’école primaire, c’est ce mythe qui est enseigné. Il en faut peu pour réduire cette croyance. D’une part les Gaulois venaient d’ailleurs. D’autre part, depuis peu, on admet que les Néandertaliens, supposés disparus bien avant l’arrivée des Gaulois, ont survécu métissés avec d’autres envahisseurs (2). En peu de mots, on entrevoit toute la complexité de nos origines, sorte de « terra incognita » dont nous n’avons
exploré que les abords. Or, si l’adage de Fernand Braudel
(1), « Il faut savoir d’où l’on vient pour savoir où l’on va », est devenu un poncif, il n’en perd pas pour autant sa pertinence. De plus, c’est en cherchant à éclairer nos origines que nous comprendrons mieux les autres, balisant avec plus d’exactitude ce que nous avons en commun comparé à ce dont nous avons hérité en particulier.

L’homme serait arrivé en Europe il y a 1,5 million d’années. Vers 300 000 avant notre ère, surgit l’homme de Neandertal dont les traces n’ont été découvertes qu’en Asie et sur notre continent. On le croyait disparu il y a seulement 25 000 ans. Enfin, il y a 40 000 ans, apparut l’homme de Cro-Magron, ou homme moderne ou Homo-sapiens, dont on fait remonter les origines à l’Afrique (3). Cela suppose une longue cohabitation avec le Néandertalien sur le continent européen et en Asie. On recherche ce qui reste de ce dernier dans l’humanité actuelle

Homo-sapiens lui-même se subdivisa en groupes humains et, croient les chercheurs, diversifièrent leurs caractéristiques physiques s’adaptant aux différences climatiques. Ce n’est qu’une théorie. Elle est aujourd’hui dominante et affirme qu’il n’existe pas de races humaines mais une seule race, l’Homme. Admettons !

On est alors au Paléolithique, période de la préhistoire pendant laquelle l’homme vit de la chasse et de la cueillette des végétaux sauvages. Le climat est alors plus froid qu’aujourd’hui. La calotte glacière descend jusqu’à l’actuel Pas-de-Calais. L’homme faut-il constater, ne vit pas au nord de la ligne des glaces permanentes, en gros la latitude de Bruxelles.

Un événement important se produit alors qui, croyons-nous, va révolutionner le cours de l’humanité : le réchauffement climatique, il y a 10 à 12 000 ans.

On assiste à une remontée de l’eau des océans et, surtout, à une avancée de la végétation sur les neiges et les glaces. Les Européens et les Asiatiques auront alors deux réflexes : suivre le gibier qu’ils connaissent en remontant vers le nord pour continuer de vivre dans un climat dont ils ont apprivoisé la rudesse ; ou rester où ils sont et s’adapter aux nouvelles conditions tout en profitant d’une nature moins avare de ses dons.

Les premiers auront longtemps, certains jusqu’à nos jours, le renne pour animal de référence. Ils continueront de le chasser, d’abord, et le domestiqueront ensuite. Les autres, bénéficiant du réchauffement, grâce à la nourriture devenue plus abondante vont croître en nombre jusqu’à former des clans, puis des tribus et enfin des peuples. Les coutumes vont se diversifier jusqu’à constituer des cultures différentes. Puis, en quête d’espace pour se nourrir, les groupes humains vont se diviser et transporter plus loin leurs coutumes. On est entré dans la période du Néolithique, aube véritable de l’humanité.

Dans certaines régions, plutôt que de suivre le gibier, les hommes pensent à apprivoiser certaines espèces, les ayant ainsi à portée de main pour se nourrir, boire leur lait, utiliser leur cuir et leur ivoire. Ils deviennent nomades et guerriers pour protéger leurs troupeaux.

D’autres, sous des latitudes aux températures plus clémentes et aux terres bien arrosées, s’intéressent au cycle végétal et sèment des graines devenant les premiers cultivateurs. On les trouve le long des fleuves, comme le Nil, le Tigre et l’Euphrate, mais aussi dans les petites criques protégées du bassin méditerranéen.

Parmi tous ces peuples, l’un d’eux nous intéresse particulièrement, les Indo-Européens. Ce nom est conventionnel puisqu’il est lié au maximum de leur extension par migrations successives jusqu’à l’ère chrétienne. Les hommes et les femmes de leur appartenance culturelle étaient en effet présents de l’Inde à l’ouest de l’Europe. Cela peut paraître surprenant compte tenu des diversités d’apparences rencontrées. Il faut s’imprégner du mécanisme répétitif qui se met en place pendant le Néolithique pour comprendre ce qui s’est passé.

Les Indo-Européens nomadisaient dans la steppe d’Asie centrale. L’hypothèse aujourd’hui la plus étayée voit dans la culture des Kourganes, ou des Tumulus,l’origine des Indo-européens (4). Les nombreux points communs sont pour le moins troublants allant de l’usage du cheval à une continuité dans la décoration sans oublier une communauté de pratiques, comme l’incinération des défunts. La culture kourgane s’est développée au nord de la Mer noire et de la Mer caspienne, entre le Dniepr et la Volga.

En tout cas, les Indo-européens étaient des éleveurs de vaches. Ils furent aussi les premiers à domestiquer le cheval, semble-t-il vers 4500 avant notre ère. Guerriers redoutables, ils disposaient d’une cavalerie, attelant leur chevaux à des chars de guerre sur deux roues. Un homme dirigeait l’attelage, pendant qu’un autre servait les armes : arc, lance, épée ou casse-tête.

Les conditions de vie étant devenues meilleures par rapport au Paléolithique, les clans et les tribus ne cessaient de croître en nombre. Aussi, pour nourrir tout le monde, il fallait des troupeaux de plus en plus importants. Il arrivait toujours un moment auquel le nombre de bêtes devenait ingérable, autant pour leur trouver de la nourriture que parce que l’on augmentait les risques d’épidémies. Alors le groupe se partageait les richesses, principalement les animaux, les guerriers et les femmes et se scindait, un peu comme les essaims d’abeilles le font.

Ces migrations partaient principalement vers l’ouest, l’Europe, et vers le sud, la Perse, l’Afghanistan actuel et l’Inde. Rarement vers l’est, encore moins vers le nord. Un peu comme si le soleil avait été leur guide.

Néanmoins, ces mouvements de populations, avec armes et bagages, n’avaient rien de pacifiques. Quand ils tombaient sur des régions qui leur plaisaient et pouvaient couvrir leur besoin en eau et en fourrage, les Indo-européens s’y installaient sans autre forme de procès. Que ces régions fussent habitées ne les gênait pas. Forts de leur supériorité militaire, grâce à leurs chevaux, ils se mettaient en ordre de bataille et soumettaient les habitants des lieux.

À travers les écrits de Georges Dumézil (5), on a une idée assez précise de la manière dont les choses se passaient après le choc guerrier, voir après la soumission sans combat. Les vaincus entraient dans la nation du vainqueur en étant inclus dans sa société, le plus souvent cooptés dans l’ordre (ou caste) des producteurs, les gens qui travaillaient de leurs mains. Les Indo-européens d’origine formaient les castes minoritaires, celle des guerriers et celle des prêtres, dans lesquelles pouvaient cependant être inclus quelques notables parmi les vaincus.

Règle fréquente dans le cadre de ce système d’annexion, le peuple soumis adoptait la langue, les usages et la religion du dominant. Si bien qu’au bout de quelques siècles, le vaincu finissait par s’identifier au vainqueur donnant l’illusion de la disparition physique de l’ancien peuple (6).

Résultat, la langue indo-européenne du départ s’est répandue en même temps qu’elle se diversifiait, s’enrichissant de vocables locaux et évoluant avec le temps. Ainsi surgirent des dizaines de langues indo-européennes, différentes mais ayant la même origine. Ceci est particulièrement perceptible quand on étudie les racines des mots et la syntaxe.

Quand les premiers indo-Européens arrivèrent-ils sur le territoire aujourd’hui appelé la France ? Difficile de répondre.

Sont-ils identifiables à la « Culture de la céramique cordée » ou « Civilisation de la hache de combat », attestée entre 3000 et 2200 avant notre ère ? On sait néanmoins que le couloir du Danube servit de passage aux Indo-européens vers l’Europe.

La dernière vague de ces envahisseurs indo-européens, avant les Romains puis l’ère moderne, on le sait, furent les Celtes. Ils arrivèrent par le massif alpin qu’ils occupaient au moins depuis un millier d’années avant Jésus-Christ. Eux mêmes allaient reproduire le système d’acculturation des vaincus, imposant leur langue et leur religion. Si bien que Jules César, quand il arriva chez nos ancêtres, ne vit devant lui que des Celtes surnommés Gaulois.

Jean Isnard

Notes

(1) Fernand Braudel (1902-1985) est un historien français de renom qui a pensé les cultures comme des ensembles vivant dans le temps mais identifiables à des objets et des concepts intellectuels.
(2) À ce propos, lire « L’homme de Kostenki précise le métissage Sapiens-Néandertal » publié par l’agence Reuters le 7 novembre 2014 et « L’humanité actuelle recèle quelques gènes de son cousin disparu » in « Le Figaro » du 6 mai 2010. Ces deux articles reprennent les conclusions de découvertes récentes alors que, semble-t-il pour des raisons idéologiques, on croyait le métissage de ces deux espèces impossible jusqu’à maintenant. Les scientifiques ne parlent pas de métissage mais d’hybridation.
(3) Ce n’est qu’un schéma d’une réalité complexe dont les recherches sur l’ADN vont sans doute nous surprendre dans un avenir proche.
(4) Assemblage de pierres et de terre recouvrant une sépulture de dignitaire.
(5) Georges Dumézil (1898-1986) était professeur au Collège de France et membre de l’Académie française. C’est tout d’abord un linguiste qui, travaillant sur le comparatisme des langues indo-européennes actuelles et anciennes, avait étendu sa méthode à l’histoire et aux religions des peuples dits Indo-européens. Ses travaux sont fondamentaux pour comprendre le fonctionnement de cet univers sur plusieurs millénaires.
(6) Le phénomène d’acculturation et d’identification au vainqueur n’est pas propre aux conquêtes indo-européennes. Il est même fréquent. Par exemple, dans l’univers présenté comme arabe, du Maroc à l’Irak, beaucoup de gens ont plus de sang des anciens peuples soumis par les cavaliers arabes que de sang de ces derniers. Ils se croient pourtant Arabes, parlent arabe et ont adopté la religion du vainqueur. À la différence près que les Indo-européens avaient fait un système de l’assimilation.

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001
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