QUI SONT NOS ANCÊTRES ? |
Qui étaient
nos ancêtres ? Nous sommes habitués à une
légende qui fait des Gaulois, autrement appelés
Celtes, les ancêtres de tous les Français. Dès
les premières classes de lécole primaire,
cest ce mythe qui est enseigné. Il en faut peu pour
réduire cette croyance. Dune part les Gaulois venaient
dailleurs. Dautre part, depuis peu, on admet que
les Néandertaliens, supposés disparus bien avant
larrivée des Gaulois, ont survécu métissés
avec dautres envahisseurs (2). En peu de mots, on entrevoit toute la
complexité de nos origines, sorte de « terra
incognita » dont nous navons exploré que les abords. Or, si ladage de Fernand Braudel (1), « Il faut savoir doù lon vient pour savoir où lon va », est devenu un poncif, il nen perd pas pour autant sa pertinence. De plus, cest en cherchant à éclairer nos origines que nous comprendrons mieux les autres, balisant avec plus dexactitude ce que nous avons en commun comparé à ce dont nous avons hérité en particulier. |
Lhomme serait arrivé en Europe il y a 1,5 million dannées. Vers 300 000 avant notre ère, surgit lhomme de Neandertal dont les traces nont été découvertes quen Asie et sur notre continent. On le croyait disparu il y a seulement 25 000 ans. Enfin, il y a 40 000 ans, apparut lhomme de Cro-Magron, ou homme moderne ou Homo-sapiens, dont on fait remonter les origines à lAfrique (3). Cela suppose une longue cohabitation avec le Néandertalien sur le continent européen et en Asie. On recherche ce qui reste de ce dernier dans lhumanité actuelle Homo-sapiens lui-même se subdivisa en groupes humains et, croient les chercheurs, diversifièrent leurs caractéristiques physiques sadaptant aux différences climatiques. Ce nest quune théorie. Elle est aujourdhui dominante et affirme quil nexiste pas de races humaines mais une seule race, lHomme. Admettons ! On est alors au Paléolithique, période de la préhistoire pendant laquelle lhomme vit de la chasse et de la cueillette des végétaux sauvages. Le climat est alors plus froid quaujourdhui. La calotte glacière descend jusquà lactuel Pas-de-Calais. Lhomme faut-il constater, ne vit pas au nord de la ligne des glaces permanentes, en gros la latitude de Bruxelles. Un événement important se produit alors qui, croyons-nous, va révolutionner le cours de lhumanité : le réchauffement climatique, il y a 10 à 12 000 ans. On assiste à une remontée de leau des océans et, surtout, à une avancée de la végétation sur les neiges et les glaces. Les Européens et les Asiatiques auront alors deux réflexes : suivre le gibier quils connaissent en remontant vers le nord pour continuer de vivre dans un climat dont ils ont apprivoisé la rudesse ; ou rester où ils sont et sadapter aux nouvelles conditions tout en profitant dune nature moins avare de ses dons. Les premiers auront longtemps, certains jusquà nos jours, le renne pour animal de référence. Ils continueront de le chasser, dabord, et le domestiqueront ensuite. Les autres, bénéficiant du réchauffement, grâce à la nourriture devenue plus abondante vont croître en nombre jusquà former des clans, puis des tribus et enfin des peuples. Les coutumes vont se diversifier jusquà constituer des cultures différentes. Puis, en quête despace pour se nourrir, les groupes humains vont se diviser et transporter plus loin leurs coutumes. On est entré dans la période du Néolithique, aube véritable de lhumanité. Dans certaines régions, plutôt que de suivre le gibier, les hommes pensent à apprivoiser certaines espèces, les ayant ainsi à portée de main pour se nourrir, boire leur lait, utiliser leur cuir et leur ivoire. Ils deviennent nomades et guerriers pour protéger leurs troupeaux. Dautres, sous des latitudes aux températures plus clémentes et aux terres bien arrosées, sintéressent au cycle végétal et sèment des graines devenant les premiers cultivateurs. On les trouve le long des fleuves, comme le Nil, le Tigre et lEuphrate, mais aussi dans les petites criques protégées du bassin méditerranéen. Parmi tous ces peuples, lun deux nous intéresse particulièrement, les Indo-Européens. Ce nom est conventionnel puisquil est lié au maximum de leur extension par migrations successives jusquà lère chrétienne. Les hommes et les femmes de leur appartenance culturelle étaient en effet présents de lInde à louest de lEurope. Cela peut paraître surprenant compte tenu des diversités dapparences rencontrées. Il faut simprégner du mécanisme répétitif qui se met en place pendant le Néolithique pour comprendre ce qui sest passé. Les Indo-Européens nomadisaient dans la steppe dAsie centrale. Lhypothèse aujourdhui la plus étayée voit dans la culture des Kourganes, ou des Tumulus,lorigine des Indo-européens (4). Les nombreux points communs sont pour le moins troublants allant de lusage du cheval à une continuité dans la décoration sans oublier une communauté de pratiques, comme lincinération des défunts. La culture kourgane sest développée au nord de la Mer noire et de la Mer caspienne, entre le Dniepr et la Volga. En tout cas, les Indo-européens étaient des éleveurs de vaches. Ils furent aussi les premiers à domestiquer le cheval, semble-t-il vers 4500 avant notre ère. Guerriers redoutables, ils disposaient dune cavalerie, attelant leur chevaux à des chars de guerre sur deux roues. Un homme dirigeait lattelage, pendant quun autre servait les armes : arc, lance, épée ou casse-tête. Les conditions de vie étant devenues meilleures par rapport au Paléolithique, les clans et les tribus ne cessaient de croître en nombre. Aussi, pour nourrir tout le monde, il fallait des troupeaux de plus en plus importants. Il arrivait toujours un moment auquel le nombre de bêtes devenait ingérable, autant pour leur trouver de la nourriture que parce que lon augmentait les risques dépidémies. Alors le groupe se partageait les richesses, principalement les animaux, les guerriers et les femmes et se scindait, un peu comme les essaims dabeilles le font. Ces migrations partaient principalement vers louest, lEurope, et vers le sud, la Perse, lAfghanistan actuel et lInde. Rarement vers lest, encore moins vers le nord. Un peu comme si le soleil avait été leur guide. Néanmoins, ces mouvements de populations, avec armes et bagages, navaient rien de pacifiques. Quand ils tombaient sur des régions qui leur plaisaient et pouvaient couvrir leur besoin en eau et en fourrage, les Indo-européens sy installaient sans autre forme de procès. Que ces régions fussent habitées ne les gênait pas. Forts de leur supériorité militaire, grâce à leurs chevaux, ils se mettaient en ordre de bataille et soumettaient les habitants des lieux. À travers les écrits de Georges Dumézil (5), on a une idée assez précise de la manière dont les choses se passaient après le choc guerrier, voir après la soumission sans combat. Les vaincus entraient dans la nation du vainqueur en étant inclus dans sa société, le plus souvent cooptés dans lordre (ou caste) des producteurs, les gens qui travaillaient de leurs mains. Les Indo-européens dorigine formaient les castes minoritaires, celle des guerriers et celle des prêtres, dans lesquelles pouvaient cependant être inclus quelques notables parmi les vaincus. Règle fréquente dans le cadre de ce système dannexion, le peuple soumis adoptait la langue, les usages et la religion du dominant. Si bien quau bout de quelques siècles, le vaincu finissait par sidentifier au vainqueur donnant lillusion de la disparition physique de lancien peuple (6). Résultat, la langue indo-européenne du départ sest répandue en même temps quelle se diversifiait, senrichissant de vocables locaux et évoluant avec le temps. Ainsi surgirent des dizaines de langues indo-européennes, différentes mais ayant la même origine. Ceci est particulièrement perceptible quand on étudie les racines des mots et la syntaxe. Quand les premiers indo-Européens arrivèrent-ils sur le territoire aujourdhui appelé la France ? Difficile de répondre. Sont-ils identifiables à la « Culture de la céramique cordée » ou « Civilisation de la hache de combat », attestée entre 3000 et 2200 avant notre ère ? On sait néanmoins que le couloir du Danube servit de passage aux Indo-européens vers lEurope. La dernière vague de ces envahisseurs indo-européens, avant les Romains puis lère moderne, on le sait, furent les Celtes. Ils arrivèrent par le massif alpin quils occupaient au moins depuis un millier dannées avant Jésus-Christ. Eux mêmes allaient reproduire le système dacculturation des vaincus, imposant leur langue et leur religion. Si bien que Jules César, quand il arriva chez nos ancêtres, ne vit devant lui que des Celtes surnommés Gaulois. Jean Isnard (1) Fernand Braudel (1902-1985) est un historien français
de renom qui a pensé les cultures comme des ensembles
vivant dans le temps mais identifiables à des objets et
des concepts intellectuels. |
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