HISTOIRE
MOÏSE
mythe ou réalité ?

Pour toute personne raisonnable, qu’elle fût croyante ou non, à la lecture de l’Ancien Testament, la Thora des juifs, se pose la question de la véracité des faits relatés. En effet, même animés par une foi sans faille, forts de quelques
connaissances universelles de base, il est des évocations de la Bible que le bon sens nous force à mettre en doute.
Ainsi, s’appuyant sur l’étude du texte, la tradition rabbinique situe « la création » du monde à l’an 3761 avant l’ère chrétienne, quand l’existence de l’Homo sapiens remonte à plus de 200 000 ans. Quant aux dinosaures, on sait qu’ils peuplaient la terre il y a plusieurs millions d’années. Le croyant peut retenir le sens symbolique du texte biblique sans tout prendre au pied de la lettre. Cependant, croyant ou non, reste à l’historien à extraire du mythe la part de vérité qu’il contient. Dans cet esprit, nous allons émettre quelques hypothèses autour de Moïse.

Selon la Bible, estimant les Hébreux vivant en Égypte trop nombreux, un pharaon aurait ordonné de mettre à mort leurs enfants mâles à la naissance. Une femme de la tribu de Lévi cacha d’abord le sien pendant trois mois.

Puis, continue le texte, « ne pouvant le cacher plus longtemps, elle lui trouva une corbeille en papyrus, l’enduisit de bitume et de poix, y mit l’enfant et le déposa dans les joncs sur le bord du Fleuve » (1). On connaît la suite, la fille du pharaon trouve l’enfant, lui donne sa mère pour nourrice et l’élève au palais.

Pourquoi pas ? Nous doutons cependant, car une aventure trop semblable est décrite dans les tablettes mésopotamiennes. Selon ces textes, Sargon 1er, le conquérant des cités sumériennes(2), aurait été abandonné bébé aux eaux de l’Euphrate (3) par sa mère « dans un couffin d’osier scellé par du bitume ». La motivation est différente, sa génitrice, une prêtresse, ayant voulu dissimuler le fruit d’une liaison illicite avec un inconnu. La méthode est cependant identique.

Or le règne de Sargon 1er, placé par les historiens entre 2335 et 2279 av. JC, est de mille ans antérieur à Moïse qui aurait vécu vers 1300 av. JC. En clair, s’il y a emprunt du mythe, il ne peut être le fait que des juifs. Encore faut-il qu’ils en aient eu connaissance.

La Bible elle-même nous donne la réponse. Les Hébreux, savons-nous, appartenaient à la vague sémite venue du désert de l’actuelle Arabie sous le nom d’Amorites (4). Certes, il existe un mythe d’Abraham et il est difficile d’affirmer l’existence de ce patriarche. Dans la Genèse on lit néanmoins qu’il a quitté « l’Our des Chaldéens pour aller au pays de Canaan » (5) sur l’ordre de Dieu.

Tout donne à penser que ceux que l’on nommera les Hébreux ont séjourné plusieurs années à Our, avec leurs frères amorites, dans ce qui deviendra la Chaldée, nom donné plus tard au sud de la Mésopotamie. Il existe du reste d’autres traces de la relation entre les Hébreux et cette région du monde. L’épisode du déluge et de l’arche de Noé, par exemple, n’est qu’une servile copie de tablettes sumériennes (6).

Pour ces raisons, il est possible de penser la description de l’abandon de Moïse aux eaux du Nil une mystification destinée à cacher l’origine égyptienne du futur guide des Hébreux. Mais à quelles fins ?

Nous l’avons vu, Moïse aurait vécu vers 1300 av JC. Il serait donc contemporain du pharaon Akhenaton qui régna de 1353 à 1331, avec son épouse Néfertiti. Or, et c’est là un point capital, Akhenaton, suscitant des troubles, échoua à substituer le polythéisme au profit du culte d’un seul dieu, Aton.

On est dès lors en droit de se demander si le départ des Hébreux d’Égypte n’est pas lié à cette tentative de mutation religieuse et le conflit, plus une guerre civile que la simple exclusion d’un peuple d’origine immigrée. On est aussi amené à s’interroger sur les sources du monothéisme des Hébreux, qui pourrait bien être né en Égypte.

Jean Isnard

Notes

(1) Nous avons retenu le texte de la « traduction oecuménique ».
(2) Sumer, la première civilisation mésopotamienne, précède d’un siècle celle de l’Égypte.
(3) Le Tigre et l’Euphrate sont les deux grands fleuves de la Mésopotamie.
(4) Les invasions amorites précèdent celles des Araméens, puis des Arabes, eux aussi des Sémites venus du désert d’Arabie.
(5) Our, cité sumérienne conquise par les Chaldéens. Quant au pays de Canaan, il deviendra la Palestine.
(6) Les Sumériens écrivaient sur des tablettes d’argile. Pendant plus de 2000 ans, leur religion servit de modèle à leurs vainqueurs. À la veille du christianisme, on utilisait encore le sumérien, devenu langue morte, dans l’enceinte des temples.

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