La Shoah des Tziganes |
Certains se diront scandalisés de lutilisation du terme «shoah» pour des non-juifs. En hébreu, il signifie «catastrophe». Lanalogie pour les Tziganes est évidente et la catastrophe, pour eux, tout aussi cruelle. Aussi ne voyons-nous pas mot plus exact pour exprimer cette réalité. |
La politique de répression des Tziganes commença dès 1899 en Allemagne avec louverture dun « Bureau de lutte contre lactivité des Tziganes ». En 1925, plusieurs années avant larrivée dHitler au pouvoir, la Bavière vota même une loi pour « lutter contre les Tziganes, les vagabonds et les rétifs au travail ». Preuve sil en faut dun ressentiment germanique ancien contre cette population. Dès 1933, les Allemands entamèrent sa « stérilisation eugénique ». Puis, en 1936, Hitler ayant définitivement assis son pouvoir, ils commencèrent à regrouper les Tziganes, principalement dans le camp de Dachau. Par un décret intitulé « lutte contre le fléau tzigane », le 8 décembre 1938, enfin, Himmler ordonna leur recensement intégral. Leur déportation vers des camps de la mort installés en Pologne débuta dès 1939 sur son initiative. Le 27 avril 1940, lordonnance dite de « transplantation » permit leur envoi par milliers vers ces camps. La même année, 250 enfants de Tziganes inaugurèrent tristement lusage du zyklon B, en servant de cobayes pour lexploitation de ce gaz mortel. Commencèrent alors les expériences à prétention scientifiques sur les détenus. Le 16 février 1942, Himmler procéda à linternement des Tziganes et des personnes issues de mariages mixtes dans le camp dAuschwitz-Birkenau. Selon les statistiques, 63% des gens de cette population internés dans cette structure venaient dAllemagne ou dAutriche. Au regroupement des Tziganes dans les camps à des fins dextermination ou les vouant à la mort compte tenu des conditions de travail, sajoutaient les massacres auxquels se livraient la Wehrmacht et les Einsatzgruppen (1) sur le front de lEst. Pour ces derniers à partir de lété 1941. Une polémique, convient-il dajouter, animait cependant les rangs du parti nazi à propos du sort à réserver aux Tziganes. Les uns voyaient en eux des êtres déchus appartenant aux « races inférieures » et destinés à la disparition. Les autres, mettant en avant leur origine indienne et leur ancien cousinage avec les « Aryens », les estimaient « récupérables » (2). Les premiers finirent par lemporter. Certains alliés européens des nazis leur emboîtèrent le pas. Ainsi, en Roumanie, Ion Antonescu, imitateur local dHitler, fit procéder à la stérilisation des Tziganes pour éviter « la dégénérescence de la race roumaine ». Puis il les fit déporter massivement vers la province roumaine de Transnistrie. Victimes de la faim, du froid et du typhus, 30 000 à 50 000 seraient morts. Dans la Croatie, déclarée indépendante de la Yougoslavie, les Oustachis dAnte Pavelic, un autre dictateur fasciste, procédèrent à lextermination dune quarantaine de milliers de Tziganes, entre 1941 et 1945, dans le camp de Jasenovac. La France néchappa pas totalement à cette folie. Sur ordre de loccupant, environ 3000 Tziganes furent internés en 1940, dans les camps dArgelès-sur-Mer et du Barcarès, dans les Pyrénées Orientales. Si, chez nous, il ny a pas eu déportations systématiques, le 15 janvier 1944, faut-il rappeler, 145 Tziganes, porteurs de la nationalité française, furent déportés de Belgique vers le camp dAuschwitz-Birkenau. Les nazis, fiers de leur oeuvre, affirmèrent avoir exterminé la moitié des Tziganes vivant en Europe. Les historiens parlent de 240 000 morts. Pourtant, au procès de Nuremberg, on ne mentionna même pas cette « autre » Shoah. Sans entrer dans une compétition mémorielle, pourquoi parle-t-on toujours, jusquau harcèlement, de la « catastrophe » des uns et jamais de celle des autres ? Jean Isnard
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