On identifie mal lUkraine, ancienne République de lUnion Soviétique, confondue avec la Russie depuis le XVIIIème siècle. Elle jouit pourtant dune identité propre, comme le prouve son indépendance retrouvée en 1991 Principalement occupée par des peuples indo-européens depuis des millénaires, la partie orientale de lEurope, alors dominée par les peuples slaves, subit les assauts des Huns, de races turco-mongoles, à partir du IVème siècle après J-C. Ils seront suivis par les Khazars, les Petchenègues et les Polovtses, autres tribus asiatiques turque par le sang. Jusque-là livrée à la domination des nomades, la région connaît le premier État digne de ce nom avec lémergence de la principauté de Kiev, au IXème siècle, sous lautorité des pirates-marchands vikings (1), qui assuraient la liaison par les fleuves entre les pays nordiques et les empires musulmans. Le jeune État va sétendre des Carpates jusquà la mer de Barents, débouchant sur lOcéan glacial arctique. Il se donne au christianisme, dans sa forme byzantine, dès 988, sous le règne de Vladimir. A partir du XIIème siècle, cependant, lÉtat se désintègre petit à petit sous la pression des principautés avides dindépendance. La première Russie, la « Rous de Kiev », seffondre et, à partir de 1276, la principauté de Moscou sidentifie désormais à la Russie. Autour de son centre, Kiev, lUkraine va développer sa propre personnalité. Plus exposés que les territoires de la Russie et de la Biélorussie actuelles, ceux qui entourent la capitale de lUkraine subissent de plein fouet la domination des Tatars Mongols aux XIIème et XIIIème siècles. Kiev est elle-même ravagée. Le foyer de civilisation slave et orthodoxe se replie alors à louest, en Galicie, région qui tire son nom dune ancienne occupation gauloise. A partir du XIVème siècle, le territoire de la future Ukraine est lenjeu de percées annexionnistes émanant du grand duché de Lituanie, qui va sétendre jusquà la Mer noire, tandis que la Pologne prend le contrôle de la Galicie. Puis en 1385, lunion des couronnes polonaise et lituanienne, suscite le renforcement de la « polonisation » de lensemble de lUkraine. Mais, entre 1500 et 1503, lÉtat moscovite sempare de la région de Tchernigov. Pour un temps, lUkraine se voit partagée entre deux influences : à louest la Pologne catholique qui permet linstallation de nombreuses communautés juives venues du nord, et à lest la Russie moscovite. Cette double empreinte est encore visible aujourdhui entre lest, plus favorable à Moscou, et louest, qui se veut proche de lOccident européen. Au XVIème siècle, les Cosaques, mi-bandits de grands chemins, mi-héros de légende, sidentifient à la nation ukrainienne, soutiennent les révoltes paysannes contre la Pologne et demandent la protection de Moscou. La Russie va alors annexer par étape tout le pays et tenter de réduire ses différences culturelles. Résultat, en 1918, lUkraine sallie à lAllemagne. Si cette dernière est défaite, lUnion Soviétique ne soumettra le pays quen novembre 1920. La revanche est terrible : une fois repris le contrôle de lUkraine, en 1931 et 1933, Staline instrumentalise la famine pour punir la population. Au moins trois millions de personnes en meurent. Aussi, en 1941, quand les Allemands entrent en Ukraine, ils sont dabord reçus en libérateurs. Il faudra le racisme anti-slave des nazis pour retourner contre eux nombre dUkrainiens. Après la guerre, les Soviétiques devront néanmoins combattre les indépendantistes jusquen 1954. Russes par lhistoire, le sang et la religion, les Ukrainiens se veulent aussi différents. Leur langue, proche mais non point semblable au russe des Moscovites, est le noeud gordien de ce paradoxe. Jean Isnard
(1) Cette vision de lhistoire est contestée par les Russes qui estiment le premier Etat kiévien purement slave. |
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