USMAN DAN FODIO |
Avec lAqmi
et le Mujao au Mali, Boko Haram au Nigeria, le jihadisme en Afrique
apparaît pour beaucoup dimplantation récente en Afrique de lOuest. En réalité un islam conquérant et combattant sest autrefois souvent manifesté sur cette partie du continent. Pour mémoire, les Almoravides, puritains surgis des régions situées au nord du Sénégal, semparèrent de lAfrique du nord et de lAndalousie au XIe siècle pour imposer un islam rigoriste. Il convient aussi de rappeler lépopée dUsman Dan Fodio, fondateur du sultanat de Sokoto au Nigeria au début du XIXe siècle. |
Usman Dan Fodio est né en 1754 à Maratta, près de Galmi. Son village dépendait alors du royaume de Gobir, monarchie haoussa * au nord de lactuel Nigeria et au sud du Niger. Il appartient à lethnie peuhle, peuple semi nomade, éleveur de boeufs et guerrier implanté dans le Sahel jusquau Sénégal. Eduqué, parlant et écrivant larabe, Dan Fodio simpose comme prêcheur itinérant. Professant un islam purifié, il se constitue un auditoire de fidèles et sinstalle à Degel, à une quarantaine de kilomètres au nord de Sokoto. Il veut ce village un modèle de gestion sociale et politique musulmane, par opposition à la monarchie haoussa quil qualifie de corrompue. Déjà, on parle de jihad. Prudent, Dan Fodio répond en invitant ses partisans à prier pour linstauration de la loi islamique. Sentant le danger, le roi de Gobir,
pour lamadouer, lui confie léducation de ses
enfants et va jusquà lui accorder un droit de gouvernance
à Degel. Il décrète labolition de lautonomie de Degel et tente de faire assassiner Dan Fodio. Avec ses partisans, ce dernier senfuit, imitant Mahomet quand il quitta La Mecque pour Médine, mais pour sinstaller lui à Gudu, le 21 février 1804. Là, Dan Fodio est proclamé « Sarkin Musulmi », roi ou chef des musulmans, par ses adeptes. Empires islamistes dAfrique de lOuest vers 1860 Les rapports de lépoque manquent de clarté. On ne sait si Dan Fodio, déclarant le jihad, entre le premier en guerre ou si Yunfa lance une offensive préventive avec le soutien des autres royaumes haoussas. Lancien professeur sétait néanmoins bien préparé. Assemblant autour de lui les redoutables cavaliers peulhs, il envahit le pays haoussa. Puis, ralliant les paysans écrasés par les impôts, il les soulève contre le pouvoir. La victoire ne se fait pas attendre. Le 21 juin 1804, Dan Fodio lemporte sur larmée de Yunfa à Tabkin Kwato. Il confie alors des étendards bénis à ses douze plus fidèles disciples et les envoie à la conquête des pays voisins. Entre 1804 et 1808, il constitue le plus grand empire dAfrique, lempire de Sokoto, étendant son autorité jusque sur le nord de lactuel Cameroun. Parmi les cinq principes de gouvernement quil édicta, on lit : « Le pouvoir ne doit pas être confié à celui qui cherche à lobtenir ». On ne peut nier à Dan Fodio une certaine honnêteté et de la cohérence entre ses idées et sa conduite. Dès 1811, il prend ses distances des affaires de lÉtat et en 1814 remet le titre de sultan à son fils Mohammed Bello qui lui succède, se consacrant pour sa part à lécriture de livres. Le rigorisme religieux de Dan Fodio, sa chasse aux pratiques ancestrales mêlées à lislam, autant que les raids de lempire de Sokoto pour convertir de force les tribus animistes suscitent néanmoins de solides inimitiés. Jusquen 1903, quand les Britanniques semparent de la région, les successeurs de Dan Fodio ne cesseront pas de ferrailler pour maintenir en place un système théocratique oppressant en décalage avec les coutumes africaines. Depuis 1727, existait un émirat islamiste né à la suite dun jihad au Fouta Djalon (Guinée). Cependant, Dan Fodio inspira des fondations islamistes plus récentes : en 1818, Sékou Amadou lança le jihad et fonda lempire Macina sur une partie du Mali. En 1850, Oumar Tall, parti du Fouta-Toro, au Sénégal, et créa un empire qui sétendait jusquà Tombouctou (actuel Mali). Entre autres mérites, il avait épousé une petite fille de Dan Fodio. Ces leaders, comme Dan Fodio, étaient Peulhs. Pour comprendre ce qui se passe au Mali et au Nigeria, il faut aussi envisager la dimension historique. Comprendre en outre quil existe des réseaux transcontinentaux, méconnus des Occidentaux, qui véhiculent une idéologie dangereuse. Jean Isnard * Ethnie de race noire parlant une langue chamito sémite. |
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