L’ARME ATOMIQUE
ISRAËL ET L’IRAN
FACE À FACE

septembre 2015

Le 14 juillet 2015 à Vienne, les cinq puissances nucléaires militaires déclarées (États-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni), plus l’Allemagne et l’Iran, parvenaient à un compromis sur le nucléaire iranien. Les négociations duraient depuis douze ans. Cet accord ne permet pas la destruction des capacités militaires nucléaires de l’Iran mais gèle pour des années, avec son consentement, ses capacités à fabriquer une bombe. Israël dénonce avec virulence cet agrément, s’en prenant aux États-Unis qu’il accuse de l’abandonner face à « l’ennemi ». Qu’est-ce qui se cache derrière les courbettes diplomatiques et les admonestations israéliennes ?

Pris à la gorge économiquement par les embargos, de plus en plus remis en question par l’opinion interne et obligé de maintenir l’effort de guerre sur plusieurs fronts, principalement en Syrie et en Irak, sauf à renoncer à ses ambitions, l’Iran ne pouvait plus faire face. Après la période de ce chien fou d’Ahmadinejad, un accord était quasi certain sous la présidence du sage et calculateur Hassan Rohani. Les décideurs occidentaux n’ont apparemment pas compris que si, eux, pouvaient dire oui ou non, l’Iran, lui ne pouvait pas refuser.

Certes, d’un côté il y a cette arrogance des cinq puissances nucléaires qui refusent aux autres une arme qu’elles se sont donnée. Plus grave encore, avec l’accord tacite des grandes puissances, on voit Israël jouant les donneurs de leçons et voulant à tout prix empêcher Téhéran de se doter d’un moyen de destruction que lui, État hébreu, détient tout en refusant de l’admettre ouvertement.

Mais l’Iran, faut-il avouer, n’est pas un pays comme les autres. Héritier d’empires prestigieux, de celui des Achéménides à celui des Safavides, il se perçoit comme une puissance impériale amputée de ses provinces. Ses ambitions s’étendent aux pays baignés par les eaux du Golfe arabopersique jusqu’à l’Irak et au Liban.

Profitant du vide créé par les Américains en chassant Saddam Hussein, s’appuyant sur les communautés chiites, il s’est implanté militairement et politiquement dans une zone qui, partant de ses frontières, rejoint la Méditerranée. On l’appelle le Croissant chiite.

L’Iran ne s’arrête pas là. Sous prétexte de soutenir les minorités chiites du Yémen, de l’Arabie Saoudite, de Bahreïn ou de l’Afghanistan, il les aide financièrement et militairement, ajoutant la guerre à la guerre ou suscitant des troubles. Plus loin, en Afrique noire,comme nous l’avons vu au Sénégal ou au Niger, achetant les consciences, il pousse des sunnites à se convertir au chiisme et prépare ainsi des conflits ethnos religieux dont il nous faudra écoper les conséquences.

Or, tout cela, Téhéran le fait avec de l’argent. Plus nous augmentons ses ressources, plus il sera actif et « envahissant». Les Arabes le savent et voit d’un mauvais oeil l’accord passé par les puissances avec l’Iran. Parce qu’ils sont les premières victimes potentielles des ambitions iraniennes.

Mais il y a plus grave. Comme nous l’avons vu plus haut, cet accord
n’empêchera pas l’Iran de se doter un jour de l’arme nucléaire. D’abord par ceque son savoir en la matière et ses sites de fabrication restent intacts. Ensuite parce qu’il lui suffira de dénoncer l’accord quand il le veut après avoir profité un moment de la cessation des sanctions.

Sur ce plan, donc, Israël n’a pas tort. Seul problème, comme nous allons le voir, il est lui-même mal placé pour critiquer.

Samy Cohen est directeur de recherche au CERI à Sciences Po. Nous lui reconnaissons un certain talent. Il sert néanmoins à l’occasion à faire passer auprès de ses élèves et de l’opinion française, voire des autorités de notre pays, un peu de l’idéologie du pouvoir israélien. Certes avec doigté, mais quand même.

Pour lui, l’accession au nucléaire militaire de l’Iran ferait que, dans la région, « Israël perdrait son monopole de l’arme atomique ». Voila qui est martelé mais sans que ce soit par un officiel israélien.

Plus loin : « Le moyen suprême de la dissuasion est la dissuasion nucléaire, mais cela implique que l’on soit les seuls à la détenir... » Car « Si Israël l’utilisait, il risquerait une deuxième frappe immédiate. Je pense que cela explique qu’Israël bloque, à raison, la perspective d’un Iran nucléarisé ».

Cohen le dit clairement. Israël n’a pas peur que l’Iran ouvre le premier le feu nucléaire contre lui. Mais Israël a peur que l’Iran puisse répondre par le feu nucléaire à une attaque nucléaire qu’il aurait lancé contre les ayatollahs.

Arrivé à ce point, il faut dénoncer le mythe d’Israël petit État vulnérable, entouré d’ennemis prêts à le dépecer. Tout le monde tremble devant lui. Et l’État hébreu ne veut pas que cette situation prenne fin l’Iran accédant au nucléaire militaire.

Car il faut comprendre. Ces deux pays se ressemblent dans leurs profondeurs culturelles. Une véritable transfusion a eu lieu à Babylone, sous l’empire achéménide. Mieux, tous les deux ont la même ambition : dominer les Arabes. L’Iran en recourrant aux moyens militaires, fut-ce sous forme de menace, et en s’appuyant sur la religion chiite ; Israël, en se servant lui aussi de la menace militaire, mais en utilisant pour sa part la force du business. Par une forme de colonialisme économique en somme.

Dans ce cadre, on comprend à quel chantage pourrait se livrer l’Iran au Moyen Orient. Comme les Israéliens, il deviendrait inattaquable, sanctuarisant son territoire grâce à l’arme atomique. Les pays arabes n’auraient plus que la solution de se doter à leur tour de l’arme nucléaire.

Un cauchemar pour le monde entier mais surtout pour Israël qui perdrait définitivement l’avantage et serait à coup sûr obligé d’en rabattre et d’accepter de vraies négociations avec les Palestiniens.

Voila pourquoi, même si Benyamin Netanyahou n’a pas tort de dénoncer le danger du nucléaire iranien, ses raisons ne sont pas forcément la raison. Car à la fin, pour préserver la stabilité régionale, cela pour le bien général, il faut interdire à tous le contrôle de la terreur nucléaire. En particulier à l’Iran mais aussi à Israël.

Nous voyons avec regret la proposition saoudienne oubliée de tous. Car à plusieurs reprises, c’est exactement la solution qu’avait proposée ce pays en offrant la dénucléarisation militaire de tous les pays du Moyen-Orient.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 

Retour Menu
Retour Page Accueil