ISRAËL ET LIRAN FACE À FACE |
Le 14 juillet 2015 à Vienne, les cinq puissances nucléaires militaires déclarées (États-Unis, Russie, Chine, France et Royaume-Uni), plus lAllemagne et lIran, parvenaient à un compromis sur le nucléaire iranien. Les négociations duraient depuis douze ans. Cet accord ne permet pas la destruction des capacités militaires nucléaires de lIran mais gèle pour des années, avec son consentement, ses capacités à fabriquer une bombe. Israël dénonce avec virulence cet agrément, sen prenant aux États-Unis quil accuse de labandonner face à « lennemi ». Quest-ce qui se cache derrière les courbettes diplomatiques et les admonestations israéliennes ? Pris à la gorge économiquement par les embargos, de plus en plus remis en question par lopinion interne et obligé de maintenir leffort de guerre sur plusieurs fronts, principalement en Syrie et en Irak, sauf à renoncer à ses ambitions, lIran ne pouvait plus faire face. Après la période de ce chien fou dAhmadinejad, un accord était quasi certain sous la présidence du sage et calculateur Hassan Rohani. Les décideurs occidentaux nont apparemment pas compris que si, eux, pouvaient dire oui ou non, lIran, lui ne pouvait pas refuser. Certes, dun côté il y a cette arrogance des cinq puissances nucléaires qui refusent aux autres une arme quelles se sont donnée. Plus grave encore, avec laccord tacite des grandes puissances, on voit Israël jouant les donneurs de leçons et voulant à tout prix empêcher Téhéran de se doter dun moyen de destruction que lui, État hébreu, détient tout en refusant de ladmettre ouvertement. Mais lIran, faut-il avouer, nest pas un pays comme les autres. Héritier dempires prestigieux, de celui des Achéménides à celui des Safavides, il se perçoit comme une puissance impériale amputée de ses provinces. Ses ambitions sétendent aux pays baignés par les eaux du Golfe arabopersique jusquà lIrak et au Liban. Profitant du vide créé par les Américains en chassant Saddam Hussein, sappuyant sur les communautés chiites, il sest implanté militairement et politiquement dans une zone qui, partant de ses frontières, rejoint la Méditerranée. On lappelle le Croissant chiite. LIran ne sarrête pas là. Sous prétexte de soutenir les minorités chiites du Yémen, de lArabie Saoudite, de Bahreïn ou de lAfghanistan, il les aide financièrement et militairement, ajoutant la guerre à la guerre ou suscitant des troubles. Plus loin, en Afrique noire,comme nous lavons vu au Sénégal ou au Niger, achetant les consciences, il pousse des sunnites à se convertir au chiisme et prépare ainsi des conflits ethnos religieux dont il nous faudra écoper les conséquences. Or, tout cela, Téhéran le fait avec de largent. Plus nous augmentons ses ressources, plus il sera actif et « envahissant». Les Arabes le savent et voit dun mauvais oeil laccord passé par les puissances avec lIran. Parce quils sont les premières victimes potentielles des ambitions iraniennes. Mais il y a plus grave. Comme nous
lavons vu plus haut, cet accord Sur ce plan, donc, Israël na pas tort. Seul problème, comme nous allons le voir, il est lui-même mal placé pour critiquer. Samy Cohen est directeur de recherche au CERI à Sciences Po. Nous lui reconnaissons un certain talent. Il sert néanmoins à loccasion à faire passer auprès de ses élèves et de lopinion française, voire des autorités de notre pays, un peu de lidéologie du pouvoir israélien. Certes avec doigté, mais quand même. Pour lui, laccession au nucléaire militaire de lIran ferait que, dans la région, « Israël perdrait son monopole de larme atomique ». Voila qui est martelé mais sans que ce soit par un officiel israélien. Plus loin : « Le moyen suprême de la dissuasion est la dissuasion nucléaire, mais cela implique que lon soit les seuls à la détenir... » Car « Si Israël lutilisait, il risquerait une deuxième frappe immédiate. Je pense que cela explique quIsraël bloque, à raison, la perspective dun Iran nucléarisé ». Cohen le dit clairement. Israël na pas peur que lIran ouvre le premier le feu nucléaire contre lui. Mais Israël a peur que lIran puisse répondre par le feu nucléaire à une attaque nucléaire quil aurait lancé contre les ayatollahs. Arrivé à ce point, il faut dénoncer le mythe dIsraël petit État vulnérable, entouré dennemis prêts à le dépecer. Tout le monde tremble devant lui. Et lÉtat hébreu ne veut pas que cette situation prenne fin lIran accédant au nucléaire militaire. Car il faut comprendre. Ces deux pays se ressemblent dans leurs profondeurs culturelles. Une véritable transfusion a eu lieu à Babylone, sous lempire achéménide. Mieux, tous les deux ont la même ambition : dominer les Arabes. LIran en recourrant aux moyens militaires, fut-ce sous forme de menace, et en sappuyant sur la religion chiite ; Israël, en se servant lui aussi de la menace militaire, mais en utilisant pour sa part la force du business. Par une forme de colonialisme économique en somme. Dans ce cadre, on comprend à quel chantage pourrait se livrer lIran au Moyen Orient. Comme les Israéliens, il deviendrait inattaquable, sanctuarisant son territoire grâce à larme atomique. Les pays arabes nauraient plus que la solution de se doter à leur tour de larme nucléaire. Un cauchemar pour le monde entier mais surtout pour Israël qui perdrait définitivement lavantage et serait à coup sûr obligé den rabattre et daccepter de vraies négociations avec les Palestiniens. Voila pourquoi, même si Benyamin Netanyahou na pas tort de dénoncer le danger du nucléaire iranien, ses raisons ne sont pas forcément la raison. Car à la fin, pour préserver la stabilité régionale, cela pour le bien général, il faut interdire à tous le contrôle de la terreur nucléaire. En particulier à lIran mais aussi à Israël. Nous voyons avec regret la proposition saoudienne oubliée de tous. Car à plusieurs reprises, cest exactement la solution quavait proposée ce pays en offrant la dénucléarisation militaire de tous les pays du Moyen-Orient. |
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