Oussama
Ben Laden en personne occupe sans doute pour la dernière
fois la première place de lactualité.
A
cinq heures trente, heure française,
Barack Obama
annonçait la mort du chef d'Al-Qaïda. D'après les informations, il a été
tué par un commando américain, dans un bâtiment
où il se cachait à côté d'Abbotabad,
ville pakistanaise située à une soixantaine de
kilomètres d'Islamabad.
Les habitants de la localité
ont été réveillés par le vrombissement
des hélicoptères, suivi de tirs nourris pendant
une heure. Une photo, présentée comme celle du
visage de Ben Laden, a été publiée. C'est
un faux, fabriqué par on ne sait qui. Une manipulation
qui sème la confusion.
Confusion qui, s'ajoutant au peu d'informations
dont l'on dispose, soulève des questions. Obama a affirmé
avoir donné l'ordre de capturer le chef d'Al-Qaïda
vivant. Les soldats américains auraient-ils pourtant reçu
l'ordre de le tuer ou Ben Laden, décidé à
ne pas tomber vivant aux mains de ses ennemis, a-t-il, comme
il est dit, été tué d'une balle parce qu'il
résistait ?
En outre, le corps aurait été
jeté en mer, sans doute pour éviter qu'un lieu
d'inhumation terrestre ne devienne un site de pèlerinage.
Néanmoins, cette procédure réduit les possibilités
d'analyses génétiques, pour confirmer l'identité
du mort, comme son décès interdit un procès,
au cours duquel nous aurions pu avoir des réponses à
nos interrogations. De plus, aucune photo du mort n'avait été
publiée au moment ou nous écrivons ces lignes.
Parmi les interrogations, on peut aussi
se demander pourquoi Ben Laden résidait dans une
ville et depuis quand. Sa santé, précaire, l'avait-elle
obligé à rejoindre un endroit plus proche de structures
médicales ? Ou,
plus simplement, trouvait-il là une protection assurée
par une faction des services de sécurité pakistanais,
à quelques centaines de mètres d'une académie
militaire ?
L'opération, menée par
les Américains sur le sol d'un État souverain,
pose en outre un problème en matière de droit international
et, avec ou sans l'accord du Pakistan, met le gouvernement d'Islamabad
en difficulté, face à une opinion en partie acquise
à la cause d'Al-Qaïda.
Certes, l'on comprend la satisfaction
des Américains de se voir vengés des attaques du
11 septembre perpétrées sur leur sol. Il aura quand
même fallu dix ans à la puissante Amérique
pour y parvenir. On se demande aussi pourquoi, une filière
permettant de localiser Ben Laden, depuis août dernier,
selon Obama, n'aura permis qu'une conclusion aussi tardive.
Maintenant, quant à croire le
terrorisme islamiste vaincu à cause de la mort de sa figure
la plus charismatique, il ne faut pas rêver. D'abord, d'autres
sont là pour prendre la relève, ensuite la raison
principale de la colère musulmane, l'affaire palestinienne,
demeure. Enfin, au moins dans un premier temps, il faut s'attendre
à la volonté des partisans de Ben Laden de le venger.
Néanmoins,
concernant l'avenir d'Al-Qaïda, tout dépend de la
capacité de ses différents responsables à
s'entendre. Ou bien l'un d'eux, probablement Ayman Al-Zawahiri,
prend la direction des affaires, s'assurant ainsi l'accès
aux réseaux de collecte de fonds. Ou bien une guerre des
chefs va éclater, provoquant l'éclatement de l'organisation
en plusieurs factions ennemies, mais néanmoins dangereuses
pour le reste du monde.
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