DES CORBEAUX
SUR LA FRANCE

L'affaire Clearstream

mai 2006

De quoi s'agit-il ? En mai 2004, un correspondant anonyme, dit " le Corbeau, " transmet au juge Van Ruymbeke les listings d'une organisation financière luxembourgeoise, " Clearstream, " sur lesquels figurent les noms de plusieurs personnalités dont celui de Nicolas Sarkozy. Ces gens, faudrait-il en conclure, disposent de comptes secrets à l'étranger et ont touché des commissions occultes dans l'affaire de la vente des frégates à Taïwan. C'est le retour au scandale Elf et à Alfred Sirven, condamné à la prison et aujourd'hui décédé. Pas assez compliqué. On reproche à Dominique de Villepin d'avoir fait enquêter sur Sarkozy en jouant les super agents secrets. Au printemps 2006, on assiste à une déferlante de perquisitions : chez Jean-Louis Gergorin, vice-président de la société EADS et proche de Villepin, chez le général Philippe Rondot, haut responsable du contre espionnage mêlé à l'enquête, chez Alain Juillet, ancien patron des Renseignements extérieurs, et même au cabinet de Michèle Alliot-Marie, notre ministre de la Défense. En 2001, j'ai écrit un livre sur les affaires Elf sous le titre " Les 7 femmes d'Alfred Sirven. " Aujourd'hui je vois dans ces rebondissements beaucoup de maladresses et, pire, une machination contre la France. Ci-dessous, quelques-uns des éléments dont nous disposons.

  Alain Chevalérias

 Cette nouvelle affaire " Clearstream " ressemble à un piège, tendu pour prendre Dominique de Villepin, et dans lequel ce dernier serait tombé avec complaisance. Pourquoi ?

" Clearstream, " société basée au Luxembourg, n'est pas une super-banque, mais une sorte de notaire international. Comme il en existe une par pays, cette structure gère les ventes et les achats d'actions ou d'obligations sur le marché financier. Elle enregistre, confirme la validité des cessions et transfère les actes de propriété de la banque du vendeur à celle de l'acheteur.

" Clearstream " n'a rien d'un voyou de la finance internationale. Elle est à 100% une filiale de la bourse allemande. Une vitrine, pas une cachette.

Par contre, dans l'opinion, Clearstream jouit d'une réputation sulfureuse. En 2001, un écrivain, Denis Robert, a affirmé avoir découvert que des comptes étaient détenus par des particuliers chez Clearstream. Une surprise puisque Clearstream ne travaille qu'avec des banques et des établissements financiers. La Justice luxembourgeoise a démenti, mais le mal est fait.

En outre, dans les affaires Elf, en raison des transferts bancaires, le nom de Clearstream a été cité. Pour ceux qui se limitent à une lecture rapide de l'actualité, cela suffit. Mais le banquier est-il coupable des malversations de son client ?

On passe alors au niveau supérieur.

On sait, par ailleurs, Villepin amateur d'actions à panache mâtinées d'un peu d'OSS 117. On se souvient, en juillet 2003, de sa tentative de libération d'Ingrid Betancourt des mains des FARC, mouvement marxiste colombien. Elle avait été son étudiante quand il enseignait. Dans l'avion envoyé au Brésil, pour la sauver, il y avait deux agents de la DGSE et le chef adjoint de cabinet de Villepin, alors ministre des Affaires étrangères.

On connaît en outre la détestation, notoire et réciproque, de Villepin pour Sarkozy. Il suffisait, pour faire réagir le premier, de lui tendre le collet parfumé à l'odeur d'un scandale touchant son rival pour le faire réagir. Un peu, comme autrefois, on poissait de la graisse de leurs congénères les pièges destinés au renards.

On a vu en tout cas Villepin se saisir d'un avatar des affaires Elf sans précaution. Il a ordonné une enquête, ce qui est légitime. Mais il était ministre des Affaires étrangères et il l'a fait exécuter par un officier des services dont ce n'était pas le travail, le général Philippe Rondot. Ils étaient tous les deux à contre-emploi. La faute est là et pour y pousser Villepin il fallait bien le connaître. Encore ne suffisait-elle pas. La maladresse devait devenir un crime d'État et, pour cela, être présentée comme telle.

On se pose des questions sur l'unanimité de la presse, quand on la voit toute, de droite, comme de gauche, donner tant d'importance à une affaire qui en a bien peu comparée à d'autres. On ne l'avait pas vu si féroce pour critiquer les écoutes téléphoniques ordonnées par François Mitterrand ou dans une affaire d'une gravité internationale : l'attaque d'un pays, l'Irak, sur la base d'un dossier fabriqué.

Mais qui et pourquoi aurait intérêt à monter pareille cabale contre l'État français ?

La question paraît naïve. Sarkozy semble dire la logique. Pas si sûr. Certes, le ministre de l'Intérieur tire avantage de la situation. Il se pavane dans le rôle de la victime. On l'entend dénoncer de " misérables machinations. " Celles des autres bien sûr. Il oublie les siennes :

 LES " MISÉRABLES " MACHINATIONS DE SARKOZY

Ò Même si nous n'en pleurons pas, la manière dont il a pris la place de Charles Pasqua, en 1983, à la mairie de Neuilly quand ce dernier était son parrain politique.

Ò La façon peu honorable dont il s'est servi de Claude, la fille de Chirac, pour pénétrer l'intimité familiale, trahissant plus tard son mentor, aux élections présidentielles de mars 1993, par son ralliement au camp d'Édouard Balladur.

Ò La scène de provocation, dont il fut l'auteur en octobre 2005, cause du déclenchement en novembre de la vague de violence des banlieues *.

Ò Plus significatif encore, en mars 2003, quand George Bush cherchait à entraîner la France dans la guerre contre l'Irak, Sarkozy annonçait la découverte de traces de ricine dans une consigne de la gare de Lyon.

 

 L'AFFAIRE DE LA RICINE

Il faut replacer dans son contexte l'incident de la ricine, un poison violent utilisable, à grande échelle, par des terroristes.

Le 5 février 2003, Colin Powell, secrétaire d'État américain, fait une intervention aux Nations unies pour décrire en détail les armes de destruction massive qu'il accuse l'Irak de détenir. Néanmoins, au Conseil de sécurité des Nations unies, la France, la Russie et l'Allemagne font front et refusent l'entrée en guerre. Pendant plus d'un mois, les Américains et leurs alliés vont chercher à faire basculer l'opinion publique occidentale en faveur de la guerre, présentant l'Irak comme une menace terroriste. Ceci jusqu'au 20 mars, date du déclenchement des hostilités.

Le 20 mars 2003, comme par hasard, un communiqué du ministère de l'Intérieur, alors dirigé par Sarkozy, annonce la découverte, trois jours plus tôt, dans une consigne de la gare de Lyon à Paris, de flacons contenant " des traces de ricine dans un mélange qui s'est révélé être un poison très toxique, " . Le 21 mars 2003, Sarkozy en personne reprenait l'information sur Europe 1. Le 18 avril 2003, les laboratoires de la police déclaraient : "Les flacons de la gare de Lyon ne contenaient pas de ricine. "

On comprend pour qui Sarkozy travaille : le camp au pouvoir aux États-Unis. Georges Bush lui-même a fait son éloge, comme José-Maria Aznar, cet autre tenant du parti de la guerre.

Gardons-nous des conclusions hâtives.

Mais, même avec prudence, il convient de se poser la question. Oui ou non un état étranger, les Etats-Unis ou un autre,cherche-t-il, affaiblissant Chirac et Villepin, à privilégier Sarkozy aux élections présidentielles. Si oui, ont-ils joué un rôle dans l'affaire " Clearstream " ? Il s'agirait d'ingérences dans les affaires d'un État souverain. Pour nous, plus grave, le nôtre. On voit à quel point il est vital, pour la France, une fois identifiés les corbeaux, de remonter avec célérité les filières du complot.

* L'affaire du 25 octobre 2005, quand Sarkozy se rendit en pleine nuit avec projecteurs et cameras de télévision sur la Dalle d'Argenteuil, haut lieu d'insécurité urbaine.

 

 

 

 

"Les sept femmes d'Alfred Sirven", les affaires Elf
par Alain Chevalérias
Editions du Rocher

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

sarkozy

Nicolas Sarkozy

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dominique de Villepin , prononçant son discours à l'ONU le 14 février 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Banlieues parisiennes,
novembre 2005

 

Lire aussi: Clreastream, les données occultées. Qui est Imad Lahoud ?

 

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