Dans Le Monde du 26 juillet 2005, Jean-Marie Colombani publiait un éditorial sur le terrorisme. Ehsan Naraghi lui répond. Il a été le conseiller spécial du Directeur général de l'UNESCO et est l'auteur de plusieurs livres dont : " Du palais du Chah aux prisons de la Révolution " (Éditions Balland) et "Islam et laïcité " (Éditions des sciences de l'Homme). |
Certes, comme le dit Jean Marie Colombani, la haine de l'Occident, " survivra à l'évacuation de Gaza. " Oui, encore, l'intervention américaine en Irak a servi de " sergent recruteur du terrorisme. " Oui, enfin, " le lien entre les attentats de Londres et l'implication britannique aux côtés de Georges Bush est une forte probabilité. " Pour notre part, nous allons jusqu'à parler de certitude relevant de l'évidence. |
Nous l'admettons aussi " Les sunnites de l'islam radical ont en effet l'indignation sélective : le martyre des chiites ou des Kurdes de l'Irak de Saddam Hussein ne leur a jamais tiré une larme, " du moins pas beaucoup, nuancerons-nous. Les sunnites ne sont cependant pas les seuls à s'émouvoir en priorité du sort de ceux dont ils se sentent les plus proches. En Occident, sauf incitation médiatique, on réagit de même. A Orléans ou à Bordeaux, on a préféré la cause des Polonais catholiques à celle des Russes orthodoxes, celle des Québécois contre les Canadiens anglophones. Dans le Sentier, on pleure le départ des colons de Gaza et s'émeut assez peu des souffrances endurées par les réfugiés palestiniens. M. Colombani prend par contre un risque en évoquant l'Occident " des Lumières... " Comme d'autres, autrefois, il ne prête de vertus civilisatrices qu'à sa culture. Il désigne l'autre comme un barbare. Par réaction contre la frustration qu'il génère, nous craignons ce comportement une cause bien plus réelle du terrorisme. Il aura du reste bien du mal à
nous persuader que les bombardements, à Falloujah, ou
les incarcérations, sur le modèle de Guantanamo,
sont les plus représentatifs de nos " lumières.
" Nous tremblons par contre lorsqu'il affirme que " la question posée est celle de la pédagogie de la modernité, " pour s'opposer au terrorisme. " Il n'y aura pas de salut en dehors de la modernisation, de la vivification des idéaux républicains, " assène-t-il. C'est d'abord ne voir d'autre modèle que la République. Oublier en somme que la majorité des démocraties fondatrices de l'Europe sont des monarchies. Mais passons. C'est aussi passer d'un intégrisme à l'autre, en sacrifiant sur l'autel de la modernité. Car, enfin, qu'est-ce la modernité
? La nouveauté, l'éphémère. Elle
change avec le temps. M. Colombani nous propose de remplacer
le repère des valeurs par celui de la mode. Il veut substituer
la girouette à la boussole. Comment ? Il suffit d'aiguiser leur colère contre les injustices auxquelles nous assistons, à l'égard des Palestiniens ou des Irakiens. Répéter les mensonges de la bonne cons-cience, de droite comme de gauche, provoque de véritables électrochocs sur des esprits révoltés. Certes, le terrorisme, en l'occurrence islamiste, est là pour durer. Les chefs, Ben Laden, Ayman Zawahiri, Abou Moussab Al Zarqaoui sont des cas psychologiques. On en comptera toujours quelques-uns. Mais ils seraient réduits à peu de chose sans recrues. Or, ces dernières, comme on l'a vu à Londres, notre société les génère. Combattre le terrorisme, c'est aussi s'interroger sur notre société. Bien sûr, comme le remarque M. Colombani, l'offensive anti-terroriste passe en outre par une réforme de l'islam. Mais pour accompagner les sociétés musulmanes sur ce chemin, encore faut-il être respectés. Pour cela annihiler les injustices les plus criantes. D'abord en Palestine. Ehsan Naraghi |
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