LA DÉMOCRATIE SELON GBAGBO |
décembre 2010
Le 28 novembre 2010, encore convaincu de lemporter,
Laurent Gbagbo, Président sortant de Côte dIvoire,
laisse se dérouler le deuxième tour des élections.
Toutes les instances de la communauté internationale, Nations Unies en tête, soutiennent Ouattara, le musulman élu à la majorité. Gbagbo sentête, ferme les frontières et interdit la diffusion des médias étrangers. Pire, le 2, huit personnes sont tuées dans lattaque nocturne dune permanence de Ouattara à Abidjan. Pour comprendre le fonctionnement de Gbagbo, il faut savoir la Côte dIvoire née du soutien de la France aux populations animistes en guerre contre lempire de Samory, conquérant esclavagiste musulman. En 1898, nos troupes mirent un terme à ses ambitions. Mais la jeune Côte dIvoire nen englobait pas moins, au nord, une forte minorité musulmane, au sud et à lest, une population animiste en voie de christianisation. A cette réalité, sen juxtapose une autre, celle des tribus. Installé dans le sud et lest, le groupe des Akans, fortement christianisés, constitue 40% de la population et compte dans ses rangs la puissante tribu des Baoulés (25% des Ivoiriens). Jusquà sa mort en 1993, la Côte dIvoire bénéficia de la sagesse de son Président et « père » de lindépendance, Félix Houphouët-Boigny. Il sut à la fois faire de son pays le plus riche de la région, en misant sur le développement, et éviter les conflits interethniques. Gbagbo na pas les mêmes scrupules. Élu à la Présidence en octobre 2000, il instrumentalise les différends tribaux et religieux. Ainsi, converti, comme sa seconde épouse, Simone, au protestantisme des missionnaires américains, il est aussi lenfant chéri du Parti socialiste français. On peut penser son radicalisme anti-musulman destiné à se rallier les Akans, pour compenser la faiblesse numérique de sa tribu dorigine, les Bétés, qui ne représentent que 5,7% de la population du pays. Ce comportement suscitera une rébellion du Nord, à majorité musulmane, en septembre 2002. Il faudra lintervention diplomatique de la France et lenvoi de 4 600 soldats français placés en force dinterposition pour ramener la paix. Va alors apparaître lanimosité de Gbagbo à légard de la France. Le 6 novembre 2004, le bombardement de nos soldats par deux avions de combat Sukhoï, volant sous les couleurs de larmée ivoirienne, cause la mort de neuf de nos hommes. TF1, « Le Monde » et même le très pro-israélien « Valeurs Actuelles » ont alors évoqué la participation déléments venu de lÉtat hébreu pour guider les pilotes contre les positions françaises*. Étrangement laffaire sera enterrée, suscitant la colère des familles des victimes. Il est vrai que Gbagbo bénéficiait de la protection des États-Unis. Il dispose aussi dun autre argument : la présence de 35 000 Français expatriés, otages entre ses mains. Après une opération de représailles perpétrée par nos forces contre son aviation, le Président ivoirien lâche la foule contre eux, obligeant des milliers de nos compatriotes à fuir le pays, perdant ainsi le fruit dannées de travail en quelques jours. Après avoir repoussé les élections pendant cinq ans, jouant toujours de la haine et des tensions, Gbagbo comptait bien sur lanimosité des Akans, plus particulièrement des Baoulés, contre les musulmans, pour se faire réélire. Mais, ancien Président et dethnie Baoulé lui-même, Konan Bédié, un candidat vaincu au premier tour, ne lentendait pas de cette oreille. Il a appelé ses électeurs à voter pour Ouattara. Certes, la situation est préoccupante en Côte dIvoire. On la encore vu le 16 décembre 2010, quand des manifestations pacifiques de partisans de Ouattara ont essuyé des tirs à balles réelles, causant la mort dau moins vingt personnes. Mais, dune part, pour une fois dans un pays dAfrique noire, le Président nest pas élu avec 95% des suffrages, voire plus. Dautre part, des électeurs ont dépassé leurs clivages ethniques, en votant pour un représentant de lennemi du passé, un musulman. Nous voyons là une avancée, modeste mais réelle, de ce quen Occident on appelle avec emphase démocratie. Enfin, faut-il noter, renonçant à lalliance morbide quils avaient conclue avec lui, les Etats-Unis ne soutiennent plus Gbagbo. Reste que lamour du pouvoir, qui guide ce dernier au point de saliéner la planète entière, expose son pays à une nouvelle guerre civile. * Nous avons révélé cette affaire en 2004 et à nouveau en avril 2007 sous le titre : « Des Israéliens ont-ils tué des soldats français en Côte dIvoire ?» Les affirmations de la presse nont pas été démentis. |
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