LE NOUVEAU DJIHADISME

octobre 2009

Fin 2006, trois jeunes Français volontaires djihadistes ont été arrêtés à la frontière irakienne. Ils voulaient combattre les Américains. Remis à la France, ils viennent d’être condamnés à des peines de deux à quinze mois de prison ferme. Leur histoire commence à Tours, en Indre et Loire.

Depuis cette affaire, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), fusion de la DST et des RG, est particulièrement attentive à « l’autoradicalisation » de certains musulmans vivant en France.

Selon un informateur proche de l’enquête, en France, les trois jeunes gens évoluaient dans un contexte dit d’« imprégnation islamique modérée ». En d’autres termes ils vivaient dans un environnement caractérisé par le repli communautaire et religieux, se coupant de la population dite « de souche ». En outre, dans ses propos, le groupe se révélait particulièrement virulent à l’égard d’Israël et des États-Unis.

Moustapha El Sanharrawi, le chef du groupe, élève en classe « prépa » au lycée Descartes, achevait un parcours scolaire exemplaire, même s’il vivait dans le quartier sensible du Sanitas, à Tours. Ses professeurs brossent de lui un portrait flatteur. Ils le trouvaient « discret, aimable et performant ». Pour la rentrée 2007, il avait été admis à l’École nationale supérieure de techniques avancées (ENSTA), dépendante du ministère… de la Défense.

Son père, Égyptien naturalisé Français, est cardiologue au CHU de Blois. Mais sa mère est intégralement voilée et donne gratuitement des cours d’arabe aux défavorisés du quartier. Cependant, même s’il jugeait les imams trop modérés, El Sanharrawi fréquentait les mosquées officielles et évitait les barbus du Tabligh (1).

Avec Nasr Eddine Berradja, un camarade de collège devenu plombier, il fréquentait un groupe salafiste (2) tourangeau. Là, ils rencontraient des radicaux, dont Abdelhamid Sakhi, 31 ans, d’origine algérienne, résidant également à Tours. Marié, père de trois enfants, ce dernier alternait les périodes de chômage avec des activités de commerçant forain.

Véritable chef des salafistes locaux, Sakhi se faisait prêter une salle par Salah Merabti, président de la communauté islamique de Touraine. Mais intellectuellement mieux formé, c’est Moustapha El Sanharrawi qui prit de l’ascendant sur le groupe. D’autant plus que son frère, interne des hôpitaux en Ile-de-France, dirigeait les réunions avec Sakhi.

Rapidement, le trio « s’est autoradicalisé ». Internet a joué un rôle important dans ce processus. Puis il a fini par décider de passer à l’action.

Toujours grâce à Internet, les trois jeunes gens se sont informés sur le moyen d’atteindre les maquis islamistes irakiens. Puis, le 15 octobre 2006, munis de visas touristiques, les trois aspirants djihadistes débarquaient à Damas, où des centres religieux organisent le transit vers l’Irak.

Mais El Sanharrawi va commettre une erreur. Parti sans prévenir sa famille, il veut la rassurer. Il lui envoie un courriel dans lequel il prétend être en voyage pour faire un pèlerinage à La Mecque. Ses parents paniquent et informent les autorités françaises et syriennes.

Le 18 novembre 2006, la section antiterroriste du parquet de Paris ouvre une enquête. Les trois hommes sont repérés à Deir ez Zor, à 150 km de la frontière irakienne. La police syrienne des frontières n’a plus qu’à les cueillir.

Remis à la DST fin novembre, ils sont incarcérés dans des prisons différentes. Le juge antiterroriste Marc Trévidic les a mis en examen pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ». Durant leur procès, ils n’ont pas nié les faits : « Nous sommes partis en Irak pour faire le djihad contre les Américains, mais pas pour devenir kamikazes », insistent-ils néanmoins.

À la DCRI, on estime à 300 individus les djihadistes français qui sont partis combattre en Irak ou en Afghanistan. La plupart sont « autoradicalisés », comme les trois Tourangeaux, c’est à dire qu’ils n’ont pas été recrutés. D’autre part, le plus souvent, ils ont rejoint les zones de combat sans recourir à une filière mais en s’informant sur Internet.

Depuis l’arrestation de Moustapha et de ses amis, près de 100 jeunes ayant le même profil ont été repérés sur notre territoire et mis sous surveillance par les gendarmes ou les policiers tapis sur Internet ou disposant d’un réseau d’informateurs dans les mosquées. La question demeure néanmoins. Plus difficilement repérables que leurs aînés, qui s’appuyaient sur des réseaux, combien de ces « nouveaux djihadistes » passent sous le radar et échappent à la surveillance de nos services ?


Patrick Cousteau

 

Notes

(1) Le Tabligh est une organisation islamiste née en Inde, aujourd’hui basée au Pakistan dans la région de Lahore. Elle s’est donnée pour mission de « réislamiser » les populations jugées par lui insuffisamment musulmanes. Il y a une vingtaine d’années, les prédicateurs du Tabligh affirmaient séparer le religieux du politique. Il semble être aujourd’hui passé à un niveau supérieur et servir beaucoup plus facilement de passerelle vers le radicalisme.
(2) Les salafistes se désignent eux-mêmes comme des puristes de l’islam, trouvant dans le modèle des compagnons du prophète Mahomet leur source d’inspiration. En arabe « salaf » signifie les anciens.

 

 

 

 Islamisme
et banditisme
en Val-de-Loire

« Le Val-de-Loire, nous dit un informateur, est une région où l’islamisme est actif. » On y dénombre une centaine de « militants ». Ils sont néanmoins étroitement surveillés par les services de police !

A Tours, l’on trouve essentiellement des prédicateurs du Tabligh, un mouvement « traditionaliste » tourné vers le prosélytisme.

Officiellement, la communauté musulmane de la région est dirigée par l’imam franco-algérien Salah Merabti. Il est payé par l’État algérien. Ce dernier a aussi été le principal financier de la future grande mosquée de Tours. Merabti est connu pour son intransigeance, ses combats contre une association laïque tourangelle et… le soutien qu’il a accordé aux salafistes locaux en leur prêtant une salle de conférence.

Selon la DCRI, dans cette salle, on prêchait en arabe, traitant de sujets politiques et séculiers. C’est là que furent en partie initiés les trois djihadistes en partance pour l’Irak et arrêtés en 2006 en Syrie (voir l’article précédent).

Si l’islamisme tourangeau n’a guère de liens avec le grand banditisme, ce n’est pas le cas de villes du Val de Loire comme Blois ou Angers, où le trafic de drogue, de cigarettes de contrebande, la prostitution et même un peu de trafic d’armes alimentent des clans criminels qui se réclament d’une idéologie islamiste.

Commentaire : Dans cette affaire, on voit l’Algérie se servant de l’islamisme pour miner la France. Le double jeu d’Alger n’est pas nouveau. Bientôt 50 ans après l’indépendance, la haine des dirigeants de ce pays nous poursuit.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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