EN IRAK :
LES OBLIGATIONS
AMÉRICAINES

septembre 2010

Nouvel attentat spectaculaire à Bagdad. Le 17 août, à 7 heures 30 du matin, un kamikaze se faisait sauter devant un centre de recrutement de l’armée irakienne. Des centaines de jeunes attendaient, tentant leur chance pour décrocher un salaire dans un pays en plein chômage. On relevait une soixantaine de corps privés de vie. La veille, un autre attentat visait un car de pèlerins chiites, à 80 km au nord-est de la capitale. Il faisait cinq morts. Certes, on en est plus aux chiffres record de plusieurs milliers de morts civils par mois, comme en 2006. Néanmoins, on assiste à une recrudescence de la violence terroriste qui n’a jamais disparu. Au mois de juillet, on comptait 497 décès civils du fait des attaques armées, contre 127 en juin.

Les conflits se nourrissent de l’animosité entre sunnites et chiites et de la présence résiduelle d’éléments inféodés à Al-Qaïda, mais aussi du rejet par un grand nombre d’Irakiens d’un pouvoir jugé illégitime.

Or, il faut craindre une nouvelle exacerbation des affrontements quand, depuis les élections législatives de mars dernier, les deux principaux concurrents, Nouri Al-Maliki, Premier ministre sortant, et Iyad Allaoui, se disputent l’accès au gouvernement. Il faut savoir, Maliki est le préféré de l’Iran, quand Allaoui bénéficie du soutien des États-Unis.

Derrière ce conflit d’intérêts, après l’échec sécuritaire de Washington, se cache une autre faillite des Américains : la montée en puissance de l’Iran dans un Irak à majorité chiite, quand ils prétendaient contenir l’antique Perse en renversant Saddam Hussein.

A tout cela s’ajoute une situation économique désastreuse. Profitant de l’occupation et au détriment de l’Irak, les compagnies étrangères, principalement américaines, se sont octroyées des contrats avantageux sur les ressources pétrolières. D’autres part, la production ne parvient pas à retrouver son ancien niveau en raison des destructions causées par la guerre.

Enfin, liées à ces dernières, les fuites d’hydrocarbures ont pollué les terres et les eaux provoquant un effondrement de la production agricole et des difficultés d’approvisionnement pour la population.

Dans un pays arrivé, sous Saddam Hussein, à un niveau de prospérité élevé, comparé à la Syrie ou à la Jordanie, quatre personnes sur dix y vivent aujourd’hui en dessous du seuil de pauvreté. On estime à 30% le chômage au sein de la population en âge de travailler et, dans un pays détenteur de 10% des réserves mondiales de pétrole, le PIB par habitant n’est que de 3891 $, soit un peu plus de 300 $ par mois.

A cela s’ajoute l’exode d’une partie de la population. Les "cerveaux" comme les médecins, vont chercher à l’étranger une vie moins chaotique. Quant aux chrétiens, plus d’un million avant la guerre lancée par les Américains, ils ne sont plus que 600 000. 400000 ont fui les persécutions, s’entassant dans les camps de réfugiés en Syrie ou, pour les plus chanceux, rejoignant la Turquie, voire des pays occidentaux.

À la vue de ce bilan catastrophique, on comprend l’appel de Tariq Aziz à Washington. Ancien membre du gouvernement sous Saddam, aujourd’hui emprisonné, il a dit l’intention des Américains, dans son premier interview depuis 2003, à : « Quand vous avez commis une erreur, vous devez la corriger. N’abandonnez pas l’Irak à sa mort ». Le général Babakir Zebari, le chef de l’armée irakienne, n’est pas loin de penser la même chose. Début août, il déclarait : « L’armée américaine doit rester jusqu’à ce que l’armée irakienne soit prête, en 2020 ».

Le grand nombre en convient : l’attaque contre l’Irak était inutile et injuste. Barack Obama n’y est pour rien. Mais il a aujourd’hui, au nom de la continuité du pouvoir, l’obligation de réparer ce que son prédécesseur a détruit et de restaurer la sécurité dans le pays. Il semble l’oublier. Le 31 août, il ne restera que 50 000 soldats américains en Irak. Ils ne seront plus que quelques centaines, se consacrant à l’entraînement des troupes irakiennes, à la fin de l’année 2011. L’Oncle Sam semble se laver les mains du désordre qu’il a créé.

 

 

 Le prix de la «victoire» en Irak

Dans le « Washington Post » du 2 septembre, Anne Applebaum dresse un tableau des conséquences de l’intervention américaine en Irak.

« Mis à part les pertes humaines et financières de cette guerre, remarque t-elle, le conflit a induit d’autres coûts difficiles à évaluer et à classer, au premier rang desquels figure la réputation d’efficacité de l’Amérique ». « L’occupation de l’Irak s’est révélée impopulaire même dans des pays réputés proaméricains, comme l’Italie ou la Pologne », constate-t-elle. Aussi, « à l’avenir, il sera plus difficile de convaincre les ex-membres de la « coalition des volontaires » de se battre à nouveau à nos côtés ».

D’autre part, « le chaos en Irak a manifestement renforcé l’Iran » et « l’intervention n’a eu aucun impact positif sur le conflit israélo-palestinien », enfin « en contribuant à augmenter le prix du pétrole pendant quelques années, ce chaos a également renforcé l’Arabie Saoudite, le régime qui a produit 15 des 19 terroristes du 11 septembre 2001 ».

Encore la journaliste veut-elle considérer le résultat global de la guerre en Irak comme une victoire. Mais une victoire contre qui et avec quels résultats ? Écraser un allié, Saddam Hussein, sous les bombes, et démolir un pays sans en tirer aucun profit mais en n’enregistrant que des pertes, est-ce bien cela gagner une guerre ?

Certes, Saddam exerçait un pouvoir dictatorial. On peut donc, dans une certaine mesure se réjouir de son éviction. Il ne représentait cependant pas un danger pour les États-Unis. Quant à l’insécurité qui règne aujourd’hui en Irak, non seulement elle était inexistante sous Saddam, mais elle tend à contaminer les pays voisins. Drôle de victoire !

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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