Le Bon profil de Saddam Hussein

En Occident, quand on parle de Saddam Hussein, le plus souvent la cause est entendue d'avance. L'homme est un dictateur. Mais, quand on a dit cela, on a rien dit. Car si Saddam n'appartient pas aux légions angéliques, il n'est pas le seul.
Rappelons les noms de quelques autres: Fidel Castro, les généraux algériens, Mouammar Kadhafi ou osons, Ariel Sharon. Tous n'ont pas que des torts. Alors, pour une fois comme on le fait d'habitude pour eux, essayons de voir chez Saddam quelques vertus.

L'Irak pouvait s'enorgueillir d'une chose: il était le pays du premier coup d'Etat militaire commis dans le monde arabe. Les Irakiens cherchant sans doute à ajouter le nombre au précédent historique, entre le 29 octobre 1936, date de ce premier haut fait, et le 17 juillet 1968, quand Saddam arriva au pouvoir avec ses amis, pas moins de douze coups d'Etat se succédèrent.

Depuis cette dernière date, calme plat, ou presque. Certes, dans les allées du pouvoir, on liquidait les concurrents éventuels. On organisait aussi des procès staliniens à coups de preuves fabriquées. Mais, le régime perdurait et sa stabilité rassurait l'Occident. Reconnaissant, celui-ci ne voyant alors plus que vertus chez Saddam Hussein.

Il y avait pour cela quelques autres raisons.

Le parti unique irakien, le Baath (Baas), à sa manière y avait participé. Il prônait une forme de laïcité, dont les chrétiens, 8% de la population, profitaient. Ces derniers jouissaient pleinement de leur liberté de culte. Surtout, les avanies, pire parfois les persécutions, dont ils étaient victimes dans le passé, cessèrent avec l'arrivée au pouvoir de Saddam. Celui-ci alla jusqu'à nommer l'un d'entre eux au gouvernement, Tarek Aziz.

Cette neutralité, sinon cette faveur, manifestée à l'égard des chrétiens, Saddam savait en faire une pièce maîtresse de sa politique étrangère.
A la fin des années 80, quand la guerre ensanglantait le Liban, il envoya par bateaux entiers des armes et des munitions aux forces chrétiennes. Même si, dans cette affaire, son animosité à l'égard de la Syrie pesait de tout son poids, il faut ajouter à son crédit qu'il fit de son mieux pour réconcilier les frères ennemis:d'un côté l'armée du général Michel Aoun, de l'autre, les milices des Forces libanaises de Samir Geagea.

Il faut aussi mesurer le bond effectué sur le plan économique et, pour cela, comparer l'Irak à un pays proche par la religion et l'importance du revenu pétrolier. Nous pensons à l'Iran, l'ennemi séculaire. En 1975, le PIB par habitant s'élevait à 1222 $ en Irak et 1607 $ en Iran.

A la veille de 1991, quand les effets de l'embargo n'avaient pas encore mis le pays à genoux, l'Irak générait 3652 $ par habitant, contre seulement 2450 $ en Iran.
En matière de PIB, non seulement l'Etat dirigé par Saddam Hussein avait rattrapé le retard par rapport à son voisin, mais il avait aussi inversé la différence en sa faveur.

Or, cette relative richesse avait des effets bénéfiques pour tous. En 1991, quand l'Iran n'envoyait que 6,9% de ses jeunes gens de 20 à 24 ans en troisième cycle d'études, l'Irak atteignait le chiffre de 13,8%. En proportion, le double. D'une moyenne de 103 enfants sur mille mourant en bas âge en 1970, l'Irak était passé à 56 décès pour mille en 1991. De 55 ans en 1970, l'espérance de vie avait bondi à 66 ans en 1991. Dans la même période, le nombre de médecins avait triplé.

En outre, négligeable pour l'étranger, mais important aux yeux des Irakiens, Saddam a redonné du lustre à son pays.
Niant les grandeurs de l'antiquité, l'islam rigoriste fait commencer l'Histoire avec Mahomet. Avant, il faut parler de la "jahiliyyah," en arabe le temps de l'ignorance. Dépassant cette bigoterie, Saddam a ordonné de relever les ruines de Sumer et Babylone, de redonner aux palais et aux temples leur apparence passée.

Il a aussi modernisé le pays. Dans les années 60, le réseau routier s'étendait sur une dizaine de milliers de kilomètres. Aujourd'hui, il dépasse les 45 000. Dans la même période, Saddam a fait construire 500 kilomètres de voies ferrées et multiplié par quatre le nombre des aéroports.

Plus controversable au regard des événements, il a encore flatté l'orgueil de ses compatriotes en bâtissant, après Israël, la première armée de la région. En 1983, la Syrie possédait un peu plus de 4000 chars de bataille. L'Irak en avait 2900. Six ans plus tard, à la veille de la guerre du Golfe, Bagdad alignait 5500 chars quand les moyens de Damas n'avaient pas bougé.
De même pour les avions de combat. Surclassés par les Syriens en 1983 avec 360 aéronefs de ce type, en 1989, les irakiens dépassaient de quelques unités les 500 dont disposaient les Syriens. Mais, pris de la folie des grandeurs, Saddam cherchait à doter son pays de l'arme nucléaire. Il produisait aussi des armements chimiques et bactériologiques.

Se croyait-il alors invulnérable?

Il pouvait en tout cas se croire intouchable. L'Occident tout entier l'avait soutenu pendant ses huit ans de guerre contre l'Iran. En 1983, pour combattre Téhéran, la France lui avait même livré cinq Super Etendard, prélevés d'urgence sur ses propres forces armées.

Mais la relative puissance de l'Irak faisait peur aux autres Etats. C'était oublier en outre que l'Occident n'a pas d'amis, mais des clients.

Dans ce contexte, le viol du Koweït apparut comme l'erreur fatale. Brusquement, l'Occident décida de ne plus voir que le mauvais profil de Saddam.

 

Alain Chevalérias

(Nous reprenons cet article publié par l'auteur au printemps 2003 dans la presse française).

 
 
 
 
 
 
 
 
Saddam lors de son procés.
Procés jugé inéquitable par les ONG
des Droits de l'homme.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Zigourat d'Our, vestige de l'antiquité mésopotamienne.
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Quand Saddam était fréquentable!
Rumsfeld rencontrant Saddam à Bagdad en décembre 1983.
Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001

 www.recherches-sur-le-terrorisme.com
 
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