Sur les trois jeunes
israéliens assassinés
Aucune méthode de combat
ne peut justifier le meurtre délibéré de
trois garçons âgés de 16 ans et 19 ans. Leurs assassins nont même pas
lexcuse de les avoir trouvés sous luniforme.
Quant à leur résidence dans une colonie du Goush
Etzion, illégale comme toutes les colonies en territoire
palestinien au regard du droit international, on ne peut même
pas le leur reprocher, compte tenu de leur âge puisquils
dépendaient de leurs parents.
Les recherches des
autorités israéliennes étaient-elles légitimes
?
Répondre négativement
reviendrait à nier le droit à un État dassurer
la sécurité de ses citoyens.
Néanmoins, Israël a dépassé les bornes
en arrêtant 420 Palestiniens qui, pour sûr, ne pouvaient
pas tous être impliqués dans ces crimes. De plus,
la recherche na pas été conduite comme une
opération de police mais par larmée selon
des méthodes militaires. Logique doccupation dira-t-on.
Certes, mais qui prouve une fois de plus que lÉtat
de droit sarrête aux limites dIsraël.
Encore peut-on se demander si laction dIsraël
naurait pas été plus efficace en collaborant
étroitement sur ce dossier avec Mahmoud Abbas,
le Président palestinien. Ce dernier, du reste, a vivement
dénoncé les trois assassinats (2).
Connaît-on
les auteurs, voire les commanditaires, des trois assassinats
?
Les Israéliens accusent
Hamas. Mais ils nont donné aucune preuve, aucun
nom même. Ils agissent
comme si, plus que la vérité, ils voulaient un
coupable, quelquun à qui faire porter le chapeau
pour calmer leur opinion. À la réflexion, on peut
même douter que le Hamas soit le responsable. En effet,
depuis avril 2014, ce parti est entré dans un processus
de réconciliation avec le Fatah de Mahmoud Abbas, autre
composante politique exerçant une autorité sur
les Palestiniens. Les deux mouvements ont même formé
un « gouvernement de consensus ». Lâché
par tous ses alliés passés (3),
Hamas na pas intérêt à couper les ponts
avec son ultime partenaire. Au contraire, pour sortir de lisolement,
il vaut mieux pour lui préserver le lien avec le Fatah.
Or, commanditer une action aussi intolérable que le meurtre
de sang-froid de trois adolescents naurait pu que mettre
un terme à la nouvelle relation avec Mahmoud Abbas
et son parti. Certes, Hamas peut être dans la logique
du scorpion (4), mais tous les signaux
donnent à penser le contraire. Cest plutôt
Benyamin Nétanyahou qui nous joue la fable du Loup
et de lAgneau : « Si ce nest toi, cest
donc ton frère ». On peut imaginer des dissidents
du Hamas ou les membres dun autre mouvement ayant
perpétré ces crimes. Mais, le principal, aux yeux
du Premier ministre israélien, est de se donner une raison
pour attaquer.
Quelles sont la
ou les raisons de lattaque contre Gaza ?
Israël a proclamé son
droit à se défendre. Droit que personne ne peut
contester. Mais les Israéliens tiennent-ils compte du
droit parallèle des Palestiniens à se défendre
eux aussi, contre une occupation
injuste ou pour leur sécurité ? Ils parlent comme
si les Arabes sous leur domination navaient pas
de droits. Aussi avancent-ils comme prétexte du déclenchement
de loffensive les tirs de roquettes partant de Gaza.
Pourtant, avant lopération militaire israélienne,
ces tirs de roquettes, étaient peu nombreux et navaient
pas causé de décès. De plus, ils avaient
été provoqués par les recherches conduites
agressivement des trois disparus. Sil est vrai quen
réponse aux bombardements israéliens les tirs de
roquettes ont augmenté, compte tenu de leur imprécision,
le 11 juillet ils navaient fait que 9 blessés
légers (5). Les Palestiniens
comptaient déjà 100 morts. En clair, les tirs à
partir de Gaza sont plus une réaction à
lattaque israélienne que linverse. Il faudrait
donc parler de légitime défense des Palestiniens.
Les Israéliens ont-ils perçu la faiblesse de leur
argumentation ? En tout cas, au gré de loffensive,
une nouvelle raison est invoquée : la destruction des
moyens militaires du Hamas et, surtout, celle de tunnels
qui peuvent menacer la sécurité dIsraël.
Reste à se demander pourquoi, si cest le véritable
objectif, les Israéliens pilonnent des sites situés
à plusieurs kilomètres de la frontière et
donc des tunnels. Pourquoi, aussi, ils détruisent des
écoles et des hôpitaux de lONU ? Si
les hommes de Hamas se sont vraiment placés à
proximité de ces bâtiments pour tirer, il faut savoir
leurs armes extrêmement mobiles. Ils auraient déjà
déguerpi quand la réponse arrive.
La réponse
dIsraël est-elle proportionnée ?
Même si Israël sestime
en état de légitime défense il doit, selon
les codes en vigueur dans le monde, mener une offensive proportionnée
à lattaque quil a subie. Les chiffres à eux seuls donnent une
idée de la disproportion. Le 20 août, on
comptait 67 morts côté israélien :
3 civils tués par des roquettes et 64 militaires
tombés au cours de loffensive terrestre contre Gaza.
Les Palestiniens, pour leur part, avaient 2075 morts
(6). Pire, les Nations Unies affirmaient
les victimes palestiniennes pour la plupart des civils.
Existe-t-il une
raison cachée à ces attaques répétées
dIsraël ?
On peut limaginer quand on
entend les propos tenus par certains Israéliens et certains
juifs de la diaspora partisans inconditionnels de lÉtat
hébreu. Ces extrémistes
ne reconnaissent pas le moindre droit à la terre des Palestiniens.
Pour eux, la terre est juive de la Méditerranée
au Jourdain. Il existe des musulmans pour interpréter
leur religion dans la déraison. Il y a aussi des juifs
qui affichent les symptômes de ce syndrome. Publié
dans « Actualité Juive », de la «
mitsva », ou règle, n° 190 il est dit :
« Cest le commandement nous incombant concernant
la guerre contre dautres peuples, ce que lon appelle
la guerre facultative. Nous avons le devoir, si nous les combattons,
de conclure une alliance avec eux pour épargner leurs
vies, à condition quils fassent la paix avec nous
et nous cèdent leurs terres » (7).
« Et nous cèdent leurs terres » ! Tout
est dit. Pour qui suit cet ordre divin, les Palestiniens nont
quun seul tort, ne pas donner leurs terres aux Israéliens.
Si tous les Juifs ne sont pas à mettre dans le même
sac, admettons quil en existe quelques-uns qui aimeraient
bien se débarrasser des Palestiniens.
Notes
(1) « Le Point » du 30
juin 2014.
(2) « Le Nouvel Observateur » du 22 juin 2014.
(3) Hamas a perdu le soutien de lIran en raison de son
positionnement contre le régime syrien depuis mars 2011,
il est aussi en difficulté avec lÉgypte qui
lui reproche sa proximité avec les Frères musulmans
ennemis déclarés du nouveau régime.
(4) Nous faisons allusion à la fable du scorpion tuant
la grenouille qui le transporte pour lui faire traverser la rivière.
Il agit contre son intérêt, parce que, dit-il, «
cest ma nature ».
(5) Daprès « Haaretz », journal
israélien.
(6) Daprès « Le Monde » du 20
août 2014.
(7) Voir « Actualité juive », hebdomadaire
de la communauté en France, du 31 janvier 2013.
|
Charles
Cogan, ancien responsable de la CIA, parle
Charles Cogan a dirigé
lantenne de la CIA à Paris de 1984 à 1989.
En plein conflit afghan. Il a accordé une interview de
qualité au Figaro*.
À propos de
léchec des négociations entre Palestiniens
et Israéliens en avril dernier, il dit : « Implicitement,
les États-Unis imputent léchec de ces négociations
à Israël,
pour navoir pas relâché la dernière
tranche des prisonniers palestiniens. Le problème des
colonies aussi est toujours là. Les conséquences,
cest une frustration croissante des Palestiniens, une lassitude
des États-Unis... »
Au plus fort des bombardement
sur Gaza, avant loffensive terrestre, il dit : «
Il faut cesser les tirs car le nombre de morts côté
israélien est nul alors que côté palestinien,
il est très important. Le déséquilibre est
trop fort. Mais comme le Hamas continue de lancer des
roquettes, cest difficile de pointer du doigt Israël
».
A propos du Premier
ministre israélien, il a des propos très durs.
Il ose : « Pour moi, tant quil y aura Nétanyahou,
il ny aura pas de solution au conflit. Car cest loccupation
de la Cisjordanie le problème ! »
Cogan nest pas plus tendre
à lendroit des son propre pays. Il avoue : «
La guerre en Irak est certainement la plus grande erreur
de lhistoire des États-Unis. On en voit les conséquences
aujourdhui ! Quant à lAfghanistan,
nous aurions dû partir fin 2001, au moment où Al-Qaïda
sest réfugié au Pakistan ».
Monsieur Cogan vous
nous redonnez un peu despoir dans les Américains...
* In «
Le Figaro » du 15 juillet 2014.
|