ISRAËL,
LA TENTATION FASCISTE

mai 2009

Le 10 février 2009, on le sait, des élections législatives anticipées se déroulaient en Israël. Le résultat ne manque pas de surprendre : les trois partis arrivant en tête sont de droite : le Kadima, le Likoud et Israël Beytenou. Ensemble, ils obtiennent 70 députés sur 120 sièges. Ils laissent derrière eux le Parti travailliste (socialiste) avec une représentation de 13 députés. Qu’est-ce que cela signifie, dans un pays où les repères se brouillent ?

Rappelons : Ariel Sharon a créé le Kadima en novembre 2005, le Likoud est le parti historique de la droite israélienne et, dissident du Likoud, Avigdor Lieberman a lancé Israël Beytenou en 1997, cherchant à attirer à lui l’important électorat juif d’origine russe.

On connaît Ariel Sharon qui, commandant de compagnie dans l’armée israélienne, reprochait à ses chefs de faire preuve de trop « de retenue face aux Arabes ». Un reproche que l’on ne saurait lui faire. Le 14 octobre 1953, à la tête des hommes de la Force 101, une unité spéciale, il rasait le village palestinien de Qibya, en guise de représailles, à la suite d’un attentat commis dans la banlieue de Tel Aviv.

69 civils étaient tués, écrasés sous les décombres des habitations dynamitées par les hommes de Sharon. Tirant sur les maisons sur son ordre, les soldats avaient empêché les habitants d’en sortir, les livrant ainsi à une mort certaine.

On doit aussi à Sharon le massacre de 452 civils du camp palestinien de Sabra et Chatila, selon la Croix-Rouge, les 16 et 17 septembre 1982, au Liban. Il a lui-même donné l’ordre de « nettoyer les lieux » à des miliciens chrétiens ivres de rage, à la suite de l’assassinat de leur chef, Béchir Gemayel.

Dans le coma, depuis le 4 janvier 2006, à la suite d’une attaque cérébrale, il sera resté jusqu’à la fin quelqu’un de retors et d’impitoyable dont la vie aura été consacrée à la grandeur d’Israël. En bref, Sharon apparaît comme un ultra-nationaliste, et non pas un nationaliste ou un patriote.

Netanyahou n’est pas non plus un inconnu en Occident. Depuis 1988, il totalise près de dix années comme ministre dans les différents gouvernements israéliens.

Il jouit d’un pedigree remarquable. Son père, Bension Netanyahou, a été le secrétaire de Zeev Vladimir Jabotinsky, le fondateur du Bétar, un mouvement ultra-sioniste violent. En 1935, souhaitant les juifs hors d’Europe, Mussolini a dit à David Prato, futur grand rabbin de Rome : « Pour que le sionisme réussisse, il vous faut un État juif, avec un drapeau juif et une langue juive. La personne qui comprend vraiment cela, c’est votre fasciste, Jabotinsky ».

Dans son livre, « Le Mur d’acier », Jabotinsky a aussi écrit : « Nous ne pouvons offrir aucune compensation pour la Palestine... Toute colonisation, même la plus réduite, doit se poursuivre au mépris de la volonté indigène. Et elle ne peut donc se poursuivre et se développer qu’à l’abri du bouclier de la force, ce qui veut dire un Mur d’acier que la population locale ne pourra jamais briser. Telle est notre politique arabe... » Ces mots mettent bien en évidence la filiation qui unit Jabotinsky aux dirigeants israéliens d’aujourd’hui.

Netanyahou s’inscrit mieux qu’un autre dans cette lignée idéologique. Le 22 juillet 2006, il participait à la cérémonie de commémoration du 60ème anniversaire de l’attaque sioniste, de 1946, contre l’hôtel King David, alors état-major de l’occupant britannique. Cette opération a coûté la vie à 92 personnes, dont de nombreux civils et 17 Juifs (1). Sous les auspices de Netanyahou, une plaque a été scellée à la gloire des activistes de l’Irgoun (2), l’organisation responsable de l’attaque.

Comment s’étonner qu’un pareil homme soit hostile à la création d’un État palestinien et veuille s’assurer, pour le compte d’Israël, le contrôle de la Cisjordanie.

Le 17 décembre 2008, il séjournait à Paris pour rencontrer Nicolas Sarkozy. « Son ami », comme il dit. Ce que sous-tend cette relation ne nous rassure pas.

Liberman n’a pas les références militaires d’un Sharon ou politiques d’un Netanyahou. Il pourrait néanmoins faire passer ces deux-là pour de grands humanistes.

Né en Moldavie le 5 juin 1958, il n’a immigré en Israël qu’en 1978 et s’est contenté d’un service militaire sans éclat. Il a milité au Likoud et ses capacités d’organisateur lui permirent d’accéder à la direction du parti, de 1993 à 1996.

Intégré au gouvernement en tant que chef de cabinet, il donne sa démission en 1997 en raison de la préparation de l’accord de « Wye River Memorandum » (3), signé en octobre 1998 entre Israël et l’Autorité palestinienne.

En 1999, il crée son propre parti, Israël Beytenou, et se fait élire à la Knesset avec trois autres membres. De mars 2001 à mars 2002, il obtient même un portefeuille au gouvernement mais une fois encore démissionne. Aux élections législatives de 2003, son parti conserve cependant ses quatre sièges de député.

En mai 2006, cette fois, il remporte onze sièges. Il fait plusieurs entrées dans les alliances gouvernementales, suivies de sorties spectaculaires. Les raisons sont radicales : Liberman refuse de négocier avec les Palestiniens et dénonce l’entrée d’un ministre arabe au gouvernement comme « un danger pour la sécurité d’Israël ».

En janvier 2008, sa dernière sortie du gouvernement lui valait une déconvenue : les autorités lançaient une enquête pour corruption, contre lui et sa fille. Cette procédure avait pourtant été mise sous le boisseau depuis des années. Entre Israéliens aussi on sait se faire de mauvais coups.

Comme nous avons vu, cela n’a pas empêché la formation de Liberman de remporter 15 sièges aux élections législatives de février 2009. Plus fort que le Parti travailliste, Israël Beytenou est devenu incontournable. Aussi, désigné pour former le gouvernement, Netanyahou, son ancien patron au Likoud, a pris Liberman comme ministre des Affaires étrangères.

Dans n’importe quel autre pays qu’Israël, on y aurait regardé à deux fois avant de confier pareille responsabilité à cet homme.

Le 13 janvier 2009, par exemple, au cours d’une intervention à l’Université de Tel-Aviv, il a suggéré de « combattre HAMAS comme les États-Unis ont combattu les Japonais... » Pour être sûr d’être bien compris, il ajoutait : « Les Américains ont vaincu le Japon sans invasion terrestre, rendant une occupation superflue ».

En 2003, évoquant le sort de prisonniers palestiniens libérés, il avait invité les autorités à les « transporter en autocar vers la mer Morte pour y être noyés ». On l’a même entendu dire : « Je suis en faveur de la démocratie, mais quand il y a une contradiction entre la démocratie et les valeurs juives, les valeurs juives et sionistes sont plus importantes... » (4)

Pour sa dernière initiative, il veut obliger les Arabes israéliens à prêter serment à l’État juif pour pouvoir garder leur nationalité. On imagine, en France, les hurlements que provoquerait l’obligation d’un pareil serment de la part des Juifs et des Arabes nés sur notre territoire !

L’an dernier, avec un franc-parler inquiétant pour un chef de la diplomatie, il priait Hosni Moubarak, le Président égyptien, « d’aller au diable » pour avoir refusé de se rendre en visite officielle en Israël.

Reste le plus inquiétant, ce ministre des Affaires étrangères israélien refuse de rendre le Golan à la Syrie et rejette le processus d’Annapolis (5), tardive tentative de George Bush pour régler le conflit israélo-palestinien.

À la lecture de ces détails, on voit la majorité de la société israélienne tombée dans un travers que cette nation, souvent, croit identifier chez ses détracteurs : la tentation fasciste.

 

Notes

(1) À la suite de la Première Guerre mondiale, les Britanniques ont reçu mandat de la Société des Nations sur la Palestine. Les organisations sionistes ont conduit de nombreuses attaques terroristes contre les Britanniques.
(2) L’Irgoun est une organisation clandestine juive, créée en Palestine en 1937 pour combattre les Arabes et les Britanniques. Ses membres ont été intégrés à l’armée israéliene, à la naissance de l’État juif, en 1948.
(3) Il s’agissait d’une énième tentative, sous l’égide de Bill Clinton, pour arriver à un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens. L’accord a fini par être signé le 23 octobre 1998, à l’Institut Aspen, à côté de la rivière Wye, dans le Maryland (États-Unis).
(4) « Le Figaro » du 14 et du 15 février 2009.
(5) Le processus d’Annapolis a été lancé en novembre 2007

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 
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