LA TENTATION FASCISTE |
mai 2009
Le 10 février 2009, on
le sait, des élections législatives anticipées
se déroulaient en Israël. Le résultat ne manque
pas de surprendre : les trois partis arrivant en tête sont
de droite : le Kadima, le Likoud et Israël Beytenou. Ensemble,
ils obtiennent 70 députés sur 120 sièges.
Ils laissent derrière eux le Parti travailliste (socialiste)
avec une représentation de 13 députés. Quest-ce
que cela signifie, dans un pays où les repères
se brouillent ? On connaît Ariel Sharon qui, commandant de compagnie dans larmée israélienne, reprochait à ses chefs de faire preuve de trop « de retenue face aux Arabes ». Un reproche que lon ne saurait lui faire. Le 14 octobre 1953, à la tête des hommes de la Force 101, une unité spéciale, il rasait le village palestinien de Qibya, en guise de représailles, à la suite dun attentat commis dans la banlieue de Tel Aviv. 69 civils étaient tués, écrasés sous les décombres des habitations dynamitées par les hommes de Sharon. Tirant sur les maisons sur son ordre, les soldats avaient empêché les habitants den sortir, les livrant ainsi à une mort certaine. On doit aussi à Sharon le massacre de 452 civils du camp palestinien de Sabra et Chatila, selon la Croix-Rouge, les 16 et 17 septembre 1982, au Liban. Il a lui-même donné lordre de « nettoyer les lieux » à des miliciens chrétiens ivres de rage, à la suite de lassassinat de leur chef, Béchir Gemayel. Dans le coma, depuis le 4 janvier 2006, à la suite dune attaque cérébrale, il sera resté jusquà la fin quelquun de retors et dimpitoyable dont la vie aura été consacrée à la grandeur dIsraël. En bref, Sharon apparaît comme un ultra-nationaliste, et non pas un nationaliste ou un patriote. Netanyahou nest pas non plus un inconnu en Occident. Depuis 1988, il totalise près de dix années comme ministre dans les différents gouvernements israéliens. Il jouit dun pedigree remarquable. Son père, Bension Netanyahou, a été le secrétaire de Zeev Vladimir Jabotinsky, le fondateur du Bétar, un mouvement ultra-sioniste violent. En 1935, souhaitant les juifs hors dEurope, Mussolini a dit à David Prato, futur grand rabbin de Rome : « Pour que le sionisme réussisse, il vous faut un État juif, avec un drapeau juif et une langue juive. La personne qui comprend vraiment cela, cest votre fasciste, Jabotinsky ». Dans son livre, « Le Mur dacier », Jabotinsky a aussi écrit : « Nous ne pouvons offrir aucune compensation pour la Palestine... Toute colonisation, même la plus réduite, doit se poursuivre au mépris de la volonté indigène. Et elle ne peut donc se poursuivre et se développer quà labri du bouclier de la force, ce qui veut dire un Mur dacier que la population locale ne pourra jamais briser. Telle est notre politique arabe... » Ces mots mettent bien en évidence la filiation qui unit Jabotinsky aux dirigeants israéliens daujourdhui. Netanyahou sinscrit mieux quun autre dans cette lignée idéologique. Le 22 juillet 2006, il participait à la cérémonie de commémoration du 60ème anniversaire de lattaque sioniste, de 1946, contre lhôtel King David, alors état-major de loccupant britannique. Cette opération a coûté la vie à 92 personnes, dont de nombreux civils et 17 Juifs (1). Sous les auspices de Netanyahou, une plaque a été scellée à la gloire des activistes de lIrgoun (2), lorganisation responsable de lattaque. Comment sétonner quun pareil homme soit hostile à la création dun État palestinien et veuille sassurer, pour le compte dIsraël, le contrôle de la Cisjordanie. Le 17 décembre 2008, il séjournait à Paris pour rencontrer Nicolas Sarkozy. « Son ami », comme il dit. Ce que sous-tend cette relation ne nous rassure pas. Liberman na pas les références militaires dun Sharon ou politiques dun Netanyahou. Il pourrait néanmoins faire passer ces deux-là pour de grands humanistes. Né en Moldavie le 5 juin 1958, il na immigré en Israël quen 1978 et sest contenté dun service militaire sans éclat. Il a milité au Likoud et ses capacités dorganisateur lui permirent daccéder à la direction du parti, de 1993 à 1996. Intégré au gouvernement en tant que chef de cabinet, il donne sa démission en 1997 en raison de la préparation de laccord de « Wye River Memorandum » (3), signé en octobre 1998 entre Israël et lAutorité palestinienne. En 1999, il crée son propre parti, Israël Beytenou, et se fait élire à la Knesset avec trois autres membres. De mars 2001 à mars 2002, il obtient même un portefeuille au gouvernement mais une fois encore démissionne. Aux élections législatives de 2003, son parti conserve cependant ses quatre sièges de député. En mai 2006, cette fois, il remporte onze sièges. Il fait plusieurs entrées dans les alliances gouvernementales, suivies de sorties spectaculaires. Les raisons sont radicales : Liberman refuse de négocier avec les Palestiniens et dénonce lentrée dun ministre arabe au gouvernement comme « un danger pour la sécurité dIsraël ». En janvier 2008, sa dernière sortie du gouvernement lui valait une déconvenue : les autorités lançaient une enquête pour corruption, contre lui et sa fille. Cette procédure avait pourtant été mise sous le boisseau depuis des années. Entre Israéliens aussi on sait se faire de mauvais coups. Comme nous avons vu, cela na pas empêché la formation de Liberman de remporter 15 sièges aux élections législatives de février 2009. Plus fort que le Parti travailliste, Israël Beytenou est devenu incontournable. Aussi, désigné pour former le gouvernement, Netanyahou, son ancien patron au Likoud, a pris Liberman comme ministre des Affaires étrangères. Dans nimporte quel autre pays quIsraël, on y aurait regardé à deux fois avant de confier pareille responsabilité à cet homme. Le 13 janvier 2009, par exemple, au cours dune intervention à lUniversité de Tel-Aviv, il a suggéré de « combattre HAMAS comme les États-Unis ont combattu les Japonais... » Pour être sûr dêtre bien compris, il ajoutait : « Les Américains ont vaincu le Japon sans invasion terrestre, rendant une occupation superflue ». En 2003, évoquant le sort de prisonniers palestiniens libérés, il avait invité les autorités à les « transporter en autocar vers la mer Morte pour y être noyés ». On la même entendu dire : « Je suis en faveur de la démocratie, mais quand il y a une contradiction entre la démocratie et les valeurs juives, les valeurs juives et sionistes sont plus importantes... » (4) Pour sa dernière initiative, il veut obliger les Arabes israéliens à prêter serment à lÉtat juif pour pouvoir garder leur nationalité. On imagine, en France, les hurlements que provoquerait lobligation dun pareil serment de la part des Juifs et des Arabes nés sur notre territoire ! Lan dernier, avec un franc-parler inquiétant pour un chef de la diplomatie, il priait Hosni Moubarak, le Président égyptien, « daller au diable » pour avoir refusé de se rendre en visite officielle en Israël. Reste le plus inquiétant, ce ministre des Affaires étrangères israélien refuse de rendre le Golan à la Syrie et rejette le processus dAnnapolis (5), tardive tentative de George Bush pour régler le conflit israélo-palestinien. À la lecture de ces détails, on voit la majorité de la société israélienne tombée dans un travers que cette nation, souvent, croit identifier chez ses détracteurs : la tentation fasciste.
(1) À la suite de la Première
Guerre mondiale, les Britanniques ont reçu mandat de la
Société des Nations sur la Palestine. Les organisations
sionistes ont conduit de nombreuses attaques terroristes contre
les Britanniques. |
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