Le nouveau parti de Sharon,
 
Un coup politique

novembre 2005

Le 21 novembre 2005, Ariel Sharon quitte le Likoud, parti qu'il a créé avec Menahem Begin en 1973. Dans la foulée, il fonde un nouveau parti, réputé centriste. Partout dans le monde, on s'émerveille. Pour notre part, nous ne voyons là qu'un formidable coup politique 

 
Tout commence en 2004 quand, au printemps, Sharon présente son plan de désengagement de la bande de Gaza. Pour obtenir une légitimité, le 2 mai, il organise un référendum au sein du Likoud. Recevant une claque magistrale, il est désavoué par 65% des membres du parti. Il se tourne alors du côté du gouvernement dont, le 6 juin, et après moult difficultés, il obtient le soutien.
Certes, les sondages révèlent que plus de la moitié des Israéliens sont en faveur du retrait de Gaza. Mais le plus grand nombre des partisans de cette mesure sont à gauche, dans le Parti travailliste. Dans son propre parti, Sharon risque l'étranglement. Pire, il a perdu le soutien de la majorité des parlementaires à la Knesset. C'est dans le courant de l'été que, d'après une source israélienne, il met son plan sur pied.
Approchant Shimon Pérès, le chef du Parti travailliste, il conclut avec lui un accord pour organiser un gouvernement de coalition. Le 30 décembre, Pérès devient vice-Premier ministre. Résultat, le 16 février 2005, la Knesset vote, à 59 voix pour et 40 contre, l'évacuation de Gaza. Sharon est couvert sur le plan légal. Au cœur de l'été 2005, les colons du territoire sont déplacés et l'autorité laissée aux Palestiniens. Opération réussie.
N'empêche, Sharon sort affaibli. Des officiers sont allés jusqu'à le défier. Ils ont " interdit aux soldats d'obéir à ce genre d'ordres (l'évacuation de Gaza) contraires à la loi du pays et au code moral de l'armée. " L'un d'eux a même dit : " Arik (surnom de Sharon) a été un héros, il a été élu avec nos voix et il fait exactement le contraire de ce qu'il avait promis. "
Shimon Pérès et Ariel Sharon.
Pérès, évincé de la direction des Travaillistes rejoint Kadima, le nouveau parti de Sharon.
Dans le parti de Sharon, la fronde s'organise contre le " héros. " Le 25 septembre, le Comité central du Likoud se réunit. On parle d'organiser des " primaires anticipées, " autrement dit d'élire un nouveau chef avant le terme du mandat. Sharon s'en tire en multipliant les feintes. On se souvient, rapportée sur nos écrans de télévision, de la panne de micro. Elle a, semble-t-il, été organisée par ses hommes pour lui éviter de parler. Du temps gagné mais seulement cela !
Le 6 novembre, cependant, coup de théâtre. Lui aussi affaibli, mais en raison de sa collaboration avec le Likoud au gouvernement, Pérès perd sa position de Secrétaire général du Parti travailliste au profit d'Amir Peretz. Résultat, le Likoud et le Parti travailliste se retrouvent au même point : coupés en deux.
 
Amir Peretz, ancien patron du Histradut, Syndicat du Travail, devient le chef du Parti Travailliste
Une aubaine pour provoquer une recomposition politique au centre. Sharon saisit la carte et, deux semaines plus tard, la joue en fondant son parti centriste.
Mais pourquoi cette manœuvre ? On peut imaginer Sharon ayant renoncé au projet du grand Israël " purifié " des Arabes, qu'ils soient musulmans ou chrétiens. Difficile à croire, mais possible. On peut aussi imaginer un coup de Sharon. Dans un premier temps il se rallie une partie de la gauche, passant pour favorable à une entente avec les Palestiniens. Dans un deuxième temps, montrant qu'évacuer Gaza, un moindre mal, était le meilleur moyen de garder toute la Cisjordanie, il récupère ainsi toute la droite.

 

Alain Chevalérias
est consultant au
Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001

 
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