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février 2009
On est d’abord interloqué par cette nouvelle : le chef de la rébellion tutsie dans le Kivu (est du Congo RDC) emprisonné le 22 janvier 2009 par ses sponsors ! Il faut pousser l’analyse pour comprendre. Depuis le mois d’août dernier, les hommes de Nkunda attaquaient les quelques éléments de l’armée congolaise présents dans la région du Kivu et s’en prenaient à la population civile. Ils agissaient avec le soutien logistique du Rwanda et de son chef Paul Kagame. Au quai d’Orsay, on s’est beaucoup démené pour obtenir un accord entre Kinshasa et Kigali afin de mettre un terme aux affrontements. Nous nous en réjouissons. Cependant, le 20 janvier, première surprise, 2000 soldats rwandais entraient au Congo pour mener une opération conjointe contre le FDLR (2), guérilla hutue repliée au Kivu. Cette partie de l’accord satisfait pleinement Kagame qui craint que les Hutus, ne se soulevant en masse, ne renversent son gouvernement installé par la force des armes à la tête du Rwanda depuis 1994. De toute évidence, le compromis comportait un autre volet : la neutralisation des milices tutsies de Nkunda. Pour remplir son contrat, Kagame faisait arrêter son ancien compagnon d’armes. Preuve de l’imprévisibilité de cette décision, Nkunda a été intercepté par les forces rwandaises quand, se rendant sur le territoire de ces dernières, il venait discuter avec les autorités de Kigali. Quel jeu joue donc Kagame ? Certains verront dans cette affaire la preuve de sa bonne foi et de sa volonté de conforter l’accord passé avec Kinshasa. On peut le souhaiter mais nous doutons. En effet, la sincérité de Kagame impliquerait son abandon de la stratégie d’expansion tutsie et, en amont, celle de son « grand-frère », le Président de l’Ouganda Yoweri Museveni, tout à sa logique de renforcement du camp anglophone contre les francophones. Nous ne sommes pas les seuls à douter. Dans « Le Monde » du 22 janvier, Jean-Philippe Rémy rapportait les propos de Louise Mushikiwabo, ministre rwandaise de l’Information : « Toutes les forces (rwandaises), dit-elle, sont sous le commandement de l’armée congolaise ». Le journaliste commentait laconiquement cette déclaration en disant : « Ce qui constituerait une première étonnante ». Nous pensons qu’en arrêtant Nkunda, Kagame a sacrifié un pion. Encore, remarquera-t-on, qu’il ne l’a pas livré à Kinshasa. En échange, d’une part, il « nettoie » librement le Kivu de son opposition armée. De l’autre, il donne une légitimité, consacrée par l’accord, à la présence de ses militaires au Congo. Avec le temps, nous sommes prêts à parier qu’il va chercher à rester sur place. Directement ou indirectement, il prendra le contrôle des mines et, comme il le fait déjà grâce à la contrebande, exportera les minerais du Kivu par le Rwanda, puis l’Ouganda et le Kenya pour arriver au port de Mombasa. Il aura officialisé ce qui pour le moment est un trafic illégal. Kinshasa n’aura qu’à s’incliner. Il ne dispose, au pire, que de 3000km de pistes impraticables, au mieux partiellement relayées par le transport fluvial, pour arriver au port de Matadi et à l’Atlantique. En outre, et s’ajoutant à l’éloignement de la capitale, avec son armée de brigands indisciplinés, le Congo serait bien incapable de chasser l’armée rwandaise du Kivu par la force, sans l’aide d’autres pays, dont principalement la France. En d’autres termes, d’une manière ou d’une autre, on risque de voir le Kivu et ses richesses minières passer sous l’administration de Kigali.
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Lieutenant-général Roméo Dallaire Éditions Libre Expression (686 pages)
Dans son interview, le colonel Jacques Hogard se montre très sévère à l’endroit de cet homme. Pour lui, délesté de la plupart de ses troupes, réduit à une mission impossible, Dallaire aurait dû rendre son tablier. Peut-être existe-t-il une autre manière de voir les choses. Officier d’une armée qui n’a pas fait la guerre depuis 1945, mal préparé à sa mission, sans aucune expérience africaine, Dallaire s’est vite retrouvé dépassé. Il croyait tomber sur des gens en conflit, mais prêts à négocier, il a été confronté à une guerre civile impitoyable puis, à partir d’avril 1994, à des séries de massacres. Traumatisé par son expérience, il en est sorti brisé. Raconté à la première personne avec un profond sens humain, ce livre devrait amener les milieux de décideurs à réfléchir sur la préparation psychologique des soldats et de leur encadrement pour des missions de paix de plus en plus difficiles et imprévisibles. |
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