LE PAKISTAN EN CRISE

septembre 2007

Le matin du 4 septembre, deux nouvelles attaques terroristes faisaient au moins 24 morts à Rawalpindi, ville proche d'Islamabad, la capitale pakistanaise. 16 employés du ministère de la Défense étaient tués. Deux jours plus tôt, une bombe placée dans une pharmacie touchait mortellement quatre personnes à Wana, principale ville du Sud Waziristan, l'une des régions de la zone tribale en état d'irrédentisme latent. Plus grave, en une semaine, près de 400 soldats ont été kidnappés dans le même secteur.

Depuis quatre mois, la scène pakistanaise s'échauffe sous la triple pression de la proximité des élections, des radicaux islamistes et des exigences américaines.

En mars tout a commencé par la démission forcée du président de la Cour suprême, le juge Chaudhry. Ce dernier refusait au Président Pervez Musharraf un amendement de la constitution, qui lui permettrait de se présenter pour un nouveau mandat. Cependant, fort du soutien de la classe judiciaire et d'une partie de l'opinion publique, infligeant un désaveu au Président, le juge Chaudhry retrouvait sa position quelques semaines plus tard.

Dans le même temps, sans doute pour montrer sa bonne volonté aux Américains dans la lutte contre le radicalisme islamiste, Musharraf serrait la vis des militants. Ainsi, dans la zone tribale, en particulier au Waziristan, il fit monter d'un cran la pression de l'armée contre l'alliance de fait entre l'islam jihadiste et les tribus.

Résultat prévisible, les réseaux islamistes radicaux ont accentué leur mobilisation contre le régime. Ainsi, sous la direction des deux frères Ghazi, en mai, les étudiants de Lal Masjed, une mosquée située au cœur d'Islamabad, prenaient en otages des policiers pendant plusieurs jours. Le 11 juillet, le conflit entre le pouvoir et les islamistes radicaux culminait avec l'attaque par l'armée de Lal Masjed. On comptait une centaine de morts, dont l'un des deux frères Ghazi.

Certes, tous les Pakistanais, loin de là, ne sont pas acquis aux thèses le l'islamisme radical. Mais la rue, musulmane, ne supporte pas de voir toucher les symboles religieux. Ce dernier événement a accentué l'isolement de Musharraf, non seulement dans l'opinion, mais aussi, semble-t-il, dans l'armée, dont il est pourtant resté le chef, cumulant cette fonction avec sa charge de Président de la République.

Depuis plusieurs mois, on sentait, inspirée d'outre-Atlantique, une solution en vue : une alliance entre Musharraf et l'ancien Premier ministre en exil, Benazir Bhutto. Les deux étaient supposés se partager le pouvoir, le premier apportant l'armée dans le panier de mariage, l'autre le soutien des partis de gauche et, d'abord le sien, le PPP.

Benazir doit rentrer le 18 octobre au Pakistan. Jusque-là, au moins, elle continue de négocier les termes de son association avec Musharraf. Cependant, même dans les rangs du PPP, on reproche à l'ancien Premier ministre de vouloir ainsi refermer les dossiers de corruption ouverts contre elle et son mari. En d'autres termes, l'alliance entre Benazir et Musharraf risque de se solder par une soustraction au lieu de faire une addition.

Car, si Musharraf a réussi à se faire réélire par le Parlement sortant, sur fond d'attaques terroristes, l'inquiétude est palpable au Pakistan. Tout le monde craint que la crise n'ait une issue violente. Ce qui inquiète au plus haut point les forces occidentales embourbées dans l'Afghanistan voisin.

Alain Chevalérias

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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