LE RAPPORT MEHLIS

novembre 2005

La Résolution 1636 du Conseil de sécurité des Nations unies déclare : " La Syrie devrait arrêter les officiers ou les individus syriens que la commission considère comme des suspects impliqués dans la planification, le parrainage, l'organisation et l'exécution de cet acte terroriste, " l'assassinat de Rafic Hariri le 14 février dernier (2005) à Beyrouth. Cette résolution fait suite au rapport de la commission du juge allemand Detlev Mehlis, diligentée par le même Conseil de sécurité. Réflexion sur un document de 54 pages réalisé par 30 enquêteurs de 17 nationalités.

Sans préjuger sur le fond, nous remarquons dans ce rapport des ambiguïtés gênantes. Il fait de la rencontre du 26 août 2004, entre le Rafic Hariri et Bachar Al-Assad, Président syrien, le point de départ de l'engrenage conduisant à l'assassinat de l'ancien Premier ministre libanais.

Plusieurs témoins relatent dans les mêmes termes les propos d'Assad. Il aurait dit : " Si le Président Chirac et vous-même croyez que vous allez gouverner le Liban, vous vous trompez. Cela n'arrivera pas. Le Président Lahoud, c'est moi (1). Quoique je lui dise, il m'emboîte le pas. Cette extension (du mandat de Lahoud) se produira ou bien je briserai le Liban sur votre tête et celle de Walid Joumblatt (2). "

Néanmoins, trois jours plus tard, Hariri et son groupe de députés votaient pour l'extension du mandat du Président Lahoud. La menace, qu'aurait proférée Assad, perdait donc toutes raisons d'être.

Autre étrangeté, ces propos autoritaires rapportés par Hariri ne correspondent pas au personnage du Président syrien. Héritier depuis juillet 2000 de son père Hafez, on le sait timoré. Ces contradictions gênent le lecteur attentif du rapport. Le vote, du 2 septembre 2004, de la Résolution 1559 du Conseil de sécurité, réclamant le départ de toutes les troupes étrangères du Liban, donnait, croyons-nous, une meilleure raison à la colère des Syriens.

Mais il y a, par ailleurs, dans ce rapport une accumulation de révélations difficiles à réfuter. Elles mettent en cause les plus hautes autorités de la Sécurité libanaise et des services syriens donnant à l'affaire la consistance d'un complot.

Quelques points. D'abord concernant la destruction des indices sur les lieux du crime. Le lendemain de l'attentat, dès huit heures du matin, deux équipes étaient à l'oeuvre pour reboucher le cratère de l'explosion et remiser les carcasses des véhicules. Une précipitation bien surprenante au Liban.

Autre sujet d'étonnement, le général Mustapha Hamdan, commandant de la sécurité du Président Lahoud, apparaît comme le principal inspirateur de cet ordre. Le Général Achraf Rifi (3), aujourd'hui patron des FSI (les forces de police libanaise) a déclaré que le général Hamdan, professionnellement, "n'avait rien à voir avec les questions liées aux investigations sur la scène du crime." Il agissait en dehors du cadre de ses compétences. Pourquoi, sinon parce que, mêlé au complot, il voulait empêcher l'enquête d'aboutir ?
Autre fait, le rapport Mehlis révèle l'existence de six lignes téléphoniques mobiles qui ont servi à des hommes surveillant les déplacements de Hariri. Le jour de l'attentat, d'après les services de télécommunication, leurs utilisateurs se tenaient sur les chemins d'accès au lieu du drame. Mieux, quelques instants avant l'explosion, les six lignes ont été désactivées.

Or, ces lignes ont été vendues illégalement par une boutique de Tripoli dont le propriétaire s'appelle Raed Fakhreddin. Ce dernier est très lié à son oncle, Tarek Ismat Fakhreddine, présenté dans le rapport Mehlis comme un " important homme d'affaire. "

Nous connaissons Tarek de nom. En septembre 1994, les policiers l'avaient arrêté en compagnie d'une bande de malfrats. Ils avaient saisi des armes et plusieurs kilos d'héroïne. Ghazi Kanaan, alors chef des Renseignements syriens au Liban, avait ordonné de le libérer lui et ses hommes (4).

Depuis, le 12 octobre dernier, si l'on en croit les Syriens, le même Kanaan s'est suicidé dans son bureau.

 

En dépit des ambiguïtés du rapport Mehlis (5), les personnes les mieux disposées à l'égard de la Syrie auront du mal à ne pas douter de la bonne foi de Damas.

 

Jean Isnard

 

Scène de l'attentat du 14 février. Il a coûté la vie de 21 personnes dont le premier ministre Rafic Hariri.

 

Walid Joumblatt

 

 
 

Le Général Hamdan et le Président Lahoud

 

 

 

 

 

Le Général Achraf Rifi

 

 

 

 

Ghazi Kanaan, retrouvé mort dans son bureau le 12 octobre 2005, il se serait tiré une balle dans la bouche

 NOTES

(1) Emile Lahoud est le Président du Liban soutenu par la Syrie.
(2) Chef de la communauté druze libanaise passé à l'opposition contre la Syrie.
(3) Voir Interview du brigadier général Achraf Rifi.
(4) Voir l'article d'Alain Chevalérias, " Moissons fatales dans la Bekaa, " dans " Spectacle du Monde " d'août 1996.
(5) Vous pouvez lire le rapport complet au: www.un.org/News/dh/docs/mehlisreport/pdf/report.pdf

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