DÉSINFORMATION
DANS UN RAPPORT
COMMANDÉ PAR LES NATIONS UNIES

 Dans son édition du 16 novembre 2006, le journal " Le Monde " se faisait l'écho d'un rapport sur la Somalie devant être remis au Conseil de sécurité des Nations Unies le 17.
 
Combattant somaliens des tribunaux islamiques
Des combattants des Tribunaux Islamiques.

L'article a appelé notre attention pour plusieurs raisons.

D'une part, une dizaine de pays étaient mis en cause comme pourvoyeurs d'armes de " l'Union des Tribunaux islamiques, " la formation milicienne qui, par la force, est parvenue à contrôler la plus grande partie de la Somalie. Parmi ces pays, les " méchants " habituels : Syrie, Iran, Arabie Saoudite et Libye.

D'autre part, les auteurs du rapport n'étaient pas nommés. Enfin, citait " Le Monde, " " L'union des Tribunaux islamiques a envoyé une force militaire d'environ 720 hommes au Liban pour combattre aux côtés du Hezbollah contre l'armée israélienne, " durant la guerre de l'été 2006.

Cette dernière affirmation nous a poussé à faire une recherche. Pourquoi ? Nous connaissons suffisamment le Liban pour savoir impossible, dans un pays de 3,5 millions d'habitants, plus blancs que noirs et de langue arabe, de diluer dans la masse 720 Noirs parlant un autre idiome, le somali, et ignorant les coutumes locales.

Interrogés, nos contacts au Liban ont conforté notre intuition. En outre, les services de sécurité n'ont pas signalé de contingents de Somaliens venant combattre Israël.

Certes, ont peut douter, imaginer les Libanais, en bons politiques, occulter cette présence embarrassante. Mais les Israéliens n'auraient pas manqué de tuer quelques-uns de ces Somaliens pendant les combats. Même s'ils ne retrouvent pas de pièces d'identité, les soldats juifs n'auraient pas pu confondre des cadavres de Somaliens avec ceux de Libanais. Soyons en sûrs, ils ne se seraient pas gênés pour proclamer la nouvelle.

Il convient d'ajouter. Alain Chevalérias était au Liban début juillet 2006 et dans le courant d'octobre 2006. Le Hezbollah, croyons-nous pouvoir dire à partir de ses informations, n'a envoyé dans le Sud du pays que des combattants Libanais connaissant parfaitement la région. Cette connaissance du terrain leur a permis d'avoir souvent l'avantage dans les combats. Des combattants somaliens auraient constitué une charge et non un avantage. N'importe quel expert militaire en matière de guérilla confirmera ce point.

Tout cela excitait notre curiosité. Nous avons approfondi nos recherches.

1/ Le rapport, avons-nous appris, a été réalisé par une équipe de quatre personnes dirigée par un certain Bruno Schiemsky. Expert en armement de nationalité belge, il est basé à Naïrobi (Kenya). Ses collaborateurs s'appellent :
- Melvin E. Holt, un citoyen américain, expert en armement.
- Harjit Singh Kelley (ou Harjit Singh Kelley), serait kenyan et est expert en matière maritime.
- Joel Salek, un Colombien, est pour sa part réputé expert en matières financières.

2/ Nous nous sommes procuré le rapport en question. Les affirmations rapportées par le journal " Le Monde " figurent bien dedans.

3/ Le rapport et l'enquête ont été commandés par les Nations unies, pour lesquelles les quatre personnes ci-dessus mentionnées ont agi en tant que consultants. Et non pas, comme écrit dans le journal, en tant qu'" experts de l'ONU. " La différence nous apparaît importante.

4/ Par conséquent, le rapport n'est pas un rapport des Nations unies. Quand, en gros caractères "Le Monde" écrit : " Selon l'ONU, " l'Union des tribunaux islamiques a envoyé 720 hommes au Liban pour combattre aux côtés du Hezbollah, " " il commet donc une erreur grave. D'autant plus que le texte, remis le 17 novembre 2006 au Conseil de sécurité, au 15, date de publication du journal, n'a pas encore été officiellement analysé par le Conseil de sécurité ou les services des Nations unies. Ceux-ci seraient donc bien en mal d'approuver un document dont ils n'ont pas pris connaissance.

5/ On s'étonne aussi de la publicité donnée au contenu du rapport avant sa remise au Conseil de sécurité. "Le Monde" n'est pas seul à incriminer : toute la presse internationale a reçu communication du rapport ou de ses éléments essentiels au même moment. Cela signifie une distribution à plusieurs centaines de correspondants, estimons-nous. Cet effort pour divulguer le document signale une volonté délibérée de court-circuiter le Conseil de sécurité. D'éviter ainsi un embargo sur un document supposé resté confidentiel, sans l'accord des Nations unies de le diffuser.

6/ Un autre élément suggère une manipulation. Le Nations unies on en effet appointé un " Représentant spécial " pour la Somalie. Il s'appelle François Lonseny Fall. Citoyen guinéen, il a été ministre des Affaires étrangères et Premier ministre (en 2004) dans son pays. Lui est un représentant des Nations unies et s'exprime donc en leur nom. On peut se demander si l'absence du nom des auteurs sur le rapport cité par " Le Monde " et ses confrères n'est pas destinée à générer une confusion.

7/ Les Nations unies, plus particulièrement le Conseil de sécurité, se sentent mal à l'aise dans cette affaire. Le 22 novembre, François Lonseny Fall s'est exprimé à propos de la Somalie sur la Radio des Nations unies. Comme pour rattraper les effets négatifs du rapport de Bruno Schiemsky lâché dans la nature, il tenait des propos encourageants, sur la situation en Somalie, et appelait les pays voisins à ne pas interférer dans ses affaires.

8/ En dépit des erreurs professionnelles, graves à notre sens, accumulées par Schiemsky et son équipe, le Conseil de sécurité lui a renouvelé sa " confiance " pour poursuivre la mission d'information sur la Somalie. On sent là des pressions politiques très fortes s'exerçant sur une institution dont l'indépendance est difficile à préserver.

 

CONCLUSIONS : Nous ne disposons pas les éléments nécessaires pour évaluer l'ensemble du rapport de 87 pages de Bruno Schiemsky et de son équipe. Cependant, le supposé renseignement sur la présence de 720 Somaliens, au Liban, pour combattre aux côtés du Hezbollah contre Israël au cours de l'été 2006, nous apparaît faux. Or, cette prétendue information n'est même pas traitée au conditionnel. Elle est présentée dans le style affirmatif et sur presque une page du rapport. Cela décrédibilise l'ensemble du travail et des assertions produites par les auteurs. Dans le contexte de tension internationale actuelle, nous estimons ce type de document et, craignons-nous, les manipulations qui entourent sa diffusion, dangereux pour la paix.

 

Alain Chevalérias,
Mira Farès,
Badih Karhani,

Consultants au
Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 
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