LA FORCE ALLIÉE AU CYNISME |
juin 2009
Le 22 mai, se tenait le 23ème sommet bi-annuel entre la Russie et lUnion européenne. On sétonne du lieu : Khabarovsk, petite ville de 500 000 habitants, située à lextrême est de la Russie. Elle est à près de 8000 kilomètres de Moscou et à peine 20 kilomètres de la frontière chinoise. On devine, dans le choix du lieu, la volonté des Russes den imposer en faisant étalage de limmensité de leur pays. Un retour à la tradition de puissance, assumée avec de plus en plus darrogance par le Kremlin. De par le ton employé par le Président Dimitri Medvedev, le sommet était du reste bien placé sous le signe de larrogance. On se souvient que cet hiver, les Russes ont interrompu leurs livraisons de gaz passant par lUkraine, pour obliger ce pays à lui payer ses dettes. Résultat, en pleine vague de froid, plusieurs pays de lest européen se sont retrouvés grelottant devant des radiateurs fermés. Quand les Européens lui ont demandé des garanties que cette situation ne se renouvellerait pas, Medvedev a répondu : « La Fédération de Russie na pas donné dassurances dans ce sens et nen donnera pas ». Puis, enfonçant le clou, il ajoutait : « Nous avons des doutes concernant la solvabilité de lUkraine ». Manière de dire que la menace pèse toujours. Mais que veut donc Moscou ? Medvedev nen fait pas secret. « Nous sommes prêts à aider lUkraine, a-t-il précisé, mais nous aimerions une grosse partie de cette aide prise en charge par lUnion européenne, cest à dire par ceux qui sont concernés par la sécurité et la fiabilité de la coopération énergétique ». Dans un contexte diplomatique, ces mots trahissent toute la brutalité de Moscou. En clair, ils signifient : si vous, Européens, voulez du gaz, payez une partie de largent que lUkraine nous doit pour sa consommation dénergie. On sétonne de ce chantage, qui relève plus du langage mafieux, que du ton habituel entre États soucieux de coopérer dans le respect de leurs intérêts mutuels. A cela lon mesure le peu de considération dont jouit lUnion européenne à Moscou. Mais il y a plus inquiétant. La Russie renforce la dépendance de lEurope à son égard en matière dapprovisionnements gaziers. Du 1er au 3 mars, par exemple, en Espagne, Medvedev a parrainé la signature de plusieurs contrats et dun protocole de coopération sur le gaz et la distribution de lénergie. La compagnie russe Loukoïl a même tenté dacheter 20% des actions de Repsol, son concurrent espagnol. On se souvient aussi que le 5 novembre dernier, invitée par des souverainistes français à la Sorbonne, Natalia Narochnitskaya, députée à la Douma russe, avait déclaré : « Lavenir de la Russie, cest lavenir de lEurope ». Dans lesprit du Kremlin, sans doute comme lavenir du lion, cest lantilope. Certes, nous ne sommes pas les ennemis de la Russie. Nous avons même intérêt à coopérer avec elle. Mais, en tant que pays ou dans le concert de lUnion européenne, nous ne pouvons le faire quen étant fermes et en évitant toutes formes de dépendance à légard de Moscou. Cette règle, qui devait toujours prévaloir dans nos relations internationales, apparaît plus impérative encore, quand il sagit dune puissance alliant, sans état dâme, la force et le cynisme. |
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