Ce 15 juin 2006, quelques jours après la mort de sept civils palestiniens, semble-t-il du fait de tirs israéliens sur la plage de Gaza, puis à nouveau du décès de huit civils, dont deux enfants, au cours d'une attaque israélienne, enfin d'un début de guerre civile entre le Hamas et l'OLP et de nouvelles promesses d'attaques contre Israël, Denis Gorteau nous invite à méditer sur les réflexions d'un homme de confession juive, Steven Spielberg, à travers son film, " Munich. "

 

MUNICH de Steven Spielberg
ou l'aggiornamento du sionisme

 

En janvier 2006 le dernier film de Steven Spielberg est sorti en France. Munich raconte comment un commando israélien clandestin a poursuivi et abattu les responsables présumés de la prise d'otages de Munich en 1972.

Cette année-là, un groupe d'activistes palestiniens avait retenu onze athlètes israéliens en otages à Munich, ville des jeux olympiques. Il demandait la libération de prisonniers arabes retenus en Israël.

Sur l'aéroport de Munich, la situation dégénère et les otages sont tués ainsi que plusieurs de leurs kidnappeurs. Tel-Aviv lance alors plusieurs groupes d'agents semi-professionnels chargés de venger la tuerie de 1972. La morale du film est cependant inattendue, provoquant l'attaque d'organisations sionistes contre Spielberg.

 

1. Version israélienne de la tuerie de 1972

Concession de taille à la version officielle israélienne, Spielberg montre dans son film comment les sportifs ont été pris en otages, maltraités et massacrés par les Palestiniens à l'aéroport. Avec plusieurs flash-back on assiste à la mort des victimes. Or, les Palestiniens ont toujours dénoncé cette version. Pour eux, le but n'était pas l'exécution des otages, mais leur échange contre des prisonniers arabes.

En effet, en tuant de sang-froid les Israéliens, le commando palestinien perdait sa monnaie d'échange. Il semble, aujourd'hui, que la police ouest-allemande chargée d'intervenir à l'aéroport ait très mal préparé son opération. De plus, aucune analyse balistique n'a été réalisée afin de savoir de manière indiscutable quelles balles avaient tué les malheureux athlètes.

C'est là le seul élément ouvertement favorable à la cause sioniste dans le film car le reste du scenario prend à revers tous les lieux communs du sionisme sur le terrorisme, sur l'origine d'Israël ou sur la thématique de la violence… On va de surprise en surprise.

 

2. Les années 1970 avec le regard des années 2000

On a le sentiment que le film, se déroulant dans les années 70, est mis en scène à la lumière des événements des années 2000. Après le 11 septembre et les "guerres" du président Bush, il est en effet étonnant de voir comment un scénario d'action se transforme en film à tendance morale.

Avner, jeune chef d'un groupe d'agents secrets israéliens, a pour mission de traquer et de tuer les chefs de l'organisation Septembre Noir, qui a revendiqué la responsabilité de la prise des otages de Munich. Or, les " héros " de ce film tuent peut-être les vrais responsables de la tuerie de 1972 mais pas des monstres. Parmi eux, on voit un jovial traducteur des " Mille Et Une Nuits, " vieil homme sympathique, et un représentant de l'OLP à Paris, certes, mais au profil plus politique que militaire, en outre bon père de famille. Plus grave, en Grèce, la bombe, en tuant un autre suspect, blesse des passants…

Pour Avner et ses hommes, la pression morale est très forte. Ils s'interrogent. Jusqu'où peut-on aller quand on a raison ? La fin justifie-t-elle les moyens ? Pourquoi ne pas enlever et juger ces hommes ? Ces assassinats ont-ils finalement une utilité ? En effet, lors de ses allers et retours en Israël, Avner constate que les ennemis de son pays se radicalisent toujours plus. A quoi bon tuer quand l'adversaire renouvelle sans difficulté ses troupes ?

Trente cinq ans après la prise d'otages de Munich, dépassé le cap du 11 septembre 2001, Spielberg dresse un sombre bilan de la " guerre contre le terrorisme . "

 

3. La fin du "Grand Israël"

Sans dévoiler la fin du film, on peut dire qu'Avner et ses hommes vont s'entredéchirer. Certains douteront de plus en plus de l'utilité de cette traque. Les autres, par contre, en assumeront la responsabilité posant en principe cardinal que la sauvegarde du sang juif justifie tout.

Doutant de son idéal patriotique et tendant à la paranoïa, Avner finit par démissionner et par quitter Israël. Faut-il voir là une critique voilée des opérations israéliennes menées à partir de 1972 ? Nous pensons à l'invasion du Liban au cours de laquelle, les actions (ne vaudrait-il pas mieux dire les crimes) du général Sharon, loin de mettre fin au conflit, ne firent que l'exacerber...

En tout cas, dans le film, les objectifs de réalisation d'un Grand Israël, comme l'annexion de Jérusalem et son élévation au rang de capitale de l'Etat hébreu, apparaissent bien extrémistes et, surtout, générateurs de nouvelles guerres.

Pendant que les partis sionistes se font lentement à l'idée d'un Etat juif qui ne sera pas le Grand Israël, mais un pays diminué des territoires palestiniens, Munich vient rappeler le prix de représailles qui s'avèrent souvent un remède pire que le mal. Appliquer la maxime biblique " œil pour œil " revient à rendre tout le monde aveugle.

Denis Gorteau

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