LE PRÉCÉDENT RUSSE |
Cétait 26 novembre 1917. À la suite de la Révolution dOctobre, Trotski, avait été élevé au rang de commissaire du peuple aux Affaires étrangères. Le nouveau gouverneur de Petrograd lui transmet une copie des accords de Sykes-Picot. Ce dernier na pas été communiqué au public. Sa divulgation par les Russes provoque une crise politique en Occident. Quant aux amis des Alliés, ils font mine de ne rien savoir de ces accords. Pourtant, les dirigeants russes eux-mêmes sont au courant depuis longtemps. Le gouvernement tsariste était partie prenante des accords puisquil devait recevoir lArménie prise au territoire ottoman. Quant au Chérif de la Mecque, Hussein Ibn Ali, sil a retourné ses armes contre les Ottomans, cest justement à cause des accords de Sykes-Picot qui lui promettent la constitution de royaumes arabes sous lautorité de sa famille. Trotski nignore rien de tout cela. La Russie est engagée aux côtés des Alliés contre lAutriche-Hongrie et lEmpire ottoman. Depuis juillet, sur le front, larmée russe a perdu toute initiative. Elle est démoralisée et minée par les désertions. Les Bolcheviques négocient déjà avec les États germaniques et vont accepter larmistice en décembre. Lannée suivante, le 3 mars 1918, ils signeront le traité de Brest-Litovsk, qui les sortira de la guerre au prix de renoncements territoriaux. Cest un retournement. En habile manipulateur, Trotski sait davance que la révélation publique des accords de Sykes-Picot va mettre en difficulté lOccident, « le camp capitaliste » devenu son ennemi. Même le chérif Hussein, pourtant lun des principaux bénéficiaires de ces derniers, fait mine de sindigner, sassociant à la rue et aux tentes arabes ulcérées du partage de leurs terres entre les Occidentaux. Aujourdhui, Vladimir Poutine
sinscrit dans la lignée de Trotski quand il instrumentalise
les accords de Sykes-Picot, les présentant comme la cause
de la crise moyen-orientale. À limage du leader
bolchévique, il cherche à jeter le discrédit
sur la France et la Grande-Bretagne pour les neutraliser dans
le dossier syrien. En Occident, ceux qui lapprouvent font
son jeu. Jean Isnard |
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