ASSAD SENT-IL LE GAZ?

avril 2017

Une attaque au gaz sarin, le régime syrien soupçonné

Le 4 avril 2017, entre 6 heures 40 et 7 heures du matin, à la suite d’explosions, des gaz de combat se répandent dans un quartier de Khan Cheikhoun, petite agglomération de la province d’idlib située à une quarantaine de km au nord d’Hama. Les habitants observent dans le ciel des Soukhoï 22, des avions d’attaque au sol d’origine russe identiques à ceux en usage dans l’armée de l’air syrienne. 87 personnes sont tuées par les gaz, dont plusieurs dizaines d’enfants.

Pour les Russes, la propagation des gaz a été causée par une attaque aérienne des forces de Bachar Al-Assad qui « ont frappé un entrepôt d’armes chimiques » où « les terroristes fabriquaient des bombes chargées d’explosifs toxiques ». Les puissances occidentales affirment qu’il s’agit au contraire d’une attaque chimique de l’armée syrienne.
Les Russes et leurs alliés syriens sont-ils crédibles ? Allant plus loin dans notre réflexion,
l’attaque aérienne lancée par Donald Trump contre une base aérienne syrienne dans la nuit du 6 ou 7 avril, sous prétexte de punir le régime de Bachar, es-telle légitime ?

Poutine et Bachar admettent

Premier point, les Russes, et même les Syriens du bout des lèvres, admettent qu’il y a eu une attaque aérienne des forces dites loyalistes. D’autre part, peu mis en évidence par les médias, quatre heures après cette attaque, des frappes aériennes du régime touchent une morgue improvisée et l’hôpital de Khan Cheikhoun. Comme si l’on cherchait à détruire les preuves.

Enfants syriens victimes de l'attaque au gaz à Khan Cheikoun

Qui en est l'auteur?

D’un point de vue technique, nul ne met cependant en doute la diffusion de gaz de combat. Les experts, aux symptômes, dénoncent l’usage de sarin. Reste à en identifier l’origine.
Les observateurs remarquent que le coeur de la contamination chimique se situe sur une route et non pas dans un bâtiment qui aurait servi d’entrepôt.


Que disent les experts?

D’autre part, tous les experts en armes chimiques le savent, on stocke le sarin sous forme liquide. Pour le répandre sous forme gazeuse, il faut le chauffer à sa température d’ébullition, 147°. Cette vaporisation est généralement provoquée par une charge explosive contenue dans la munition. Elle peut aussi être le fait d’un incendie.

Or, remarque-t-on, sur le site il n’y a pas eu de feu intense capable de provoquer une telle élévation de température. La vaporisation de ce qui apparaît être du sarin a donc été causée par une explosion au sein d’une munition. Cette convergence d’éléments nous amène à fortement soupçonner le régime syrien. Or, le 12 avril, si Bachar acceptait devant l’AFP le principe d’une enquête internationale sur l’attaque de Khan Cheikhoun, le même jour, au Conseil de Sécurité des Nations Unies, Moscou y opposait son veto. Les Russes, grands experts en matière d’armes chimiques, savent très bien ce que nous avons exposé plus haut. Aussi est-ce pour nous une nouvelle raison de soupçonner le régime d’Assad.

Quelle crédibilté accorder aux pays Occidentaux?

Les États occidentaux, plus affirmatifs que nous, tiennent néanmoins le même raisonnement. Néanmoins, quand on se souvient de la guerre déclenchée par les États-Unis contre l’Irak en 2003 ou des manipulations de Nicolas Sarkozy sur la Libye en 2011, on peut rejeter d’ouverture leur accusation contre Bachar comme nulle et non avenue.

Il convient pourtant de remarquer que la France et les Nations Unies sont plus crédibles car elles ne suivaient pas Washington en Irak. Or Carla Del Ponte, représentante de la commission d’enquête des Nations Unies sur la Syrie a dit à propos de l’attaque chimique de Khan Cheikhoun : « Ce qui est certain, c’est que c’était un bombardement aérien et que c’était le régime syrien qui bombardait ». La France est sur la même ligne. Quant à l’affaire libyenne, les Nations Unies n’ont rien à se reprocher. Sarkozy a en effet détourné la résolution du Conseil de Sécurité de son objectif initial à des fins que certains qualifieront de personnelles.

Nous disposons donc « d’un faisceau de présomptions » tendant à incriminer le régime de Bachar, tout en nous appuyant sur les plus indiscutables. Dans l’hypothèse où ces forts soupçons seraient confirmés, Trump a-t-il pour autant eu raison de bombarder une base syrienne à titre punitif ?


Le régime syrien responsable de l'attaque chimique en 2013 contre al Ghouta

Il faut se souvenir. Déjà, le 21 août 2013, une attaque chimique avait éclaté dans la Ghouta, à côté de Damas. Plusieurs centaines de morts étaient dénombrés. Le régime était incriminé par l’Occident. Barack Obama, en 2012, avait prévenu que le recours à l’arme chimique en Syrie serait comme le franchissement d’une ligne rouge et provoquerait une réaction des États-Unis.

La Russie, pour éviter une attaque contre Bachar, offrit le désarmement chimique de l’État syrien. Obama, ravi de s’éviter des difficultés, accueillit la proposition avec empressement. Les États-Unis s’en sortaient décrédibilisés.

Trump attaque la base aérienne d'où ont décollé les Soukhoi 20 en guise de punition

Base aérienne de Chirat, lieu de départ des Soukhoi 20.
Photo, abri et avion de chasse touchés.

Dans la mesure où la dernière attaque est bien du fait de l’État syrien, ne pas réagir, pour Washington, aurait poussé Bachar à la surenchère dans la violence contre sa population. En outre, l’attaque américaine a ciblé les installations militaires qui seraient à l’origine du bombardement chimique. Rien à dire donc sur ce point.

 

Certes, une opération autorisée par une résolution des Nations Unies aurait été souhaitable. Mais compte tenu du veto opposé par la Russie, elle devenait impossible. Pour nous, dans cette affaire, les États-Unis semblent avoir pris leurs responsabilités tout en restant équilibrés. Les Russes, en revanche, n'ont pas été à la hauteur: parce qu'ils soutiennent mordicus une tyrannie intolérable. L'excuse de Daech est insuffisante pour le justifier.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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