Les ambitions impériales de la Turquie

mai 2013

Journaliste turque vivant à Washington depuis 1999, Début mars, Tulin Daloglu a jeté un pavé dans la mare en révélant les propos tenus par le ministre des Affaires étrangères de son pays, Ahmet Davutoglu, les 3 et 4 mars derniers.

Davutoglu a dit : « Le dernier siècle était seulement une parenthèse pour nous. Nous allons refermer cette parenthèse. Nous le ferons sans aller à la guerre ou désigner quiconque comme ennemi, sans violer la moindre frontière, à nouveau nous allons relier Sarajevo à Damas, Benghazi à Erzurum, à Batoumi. (1). C’est le coeur de notre pouvoir ».

Pour bien enfoncer le clou, il ajoutait : « Peut-être que cela vous semble des pays différents, mais le Yémen et Skopje, Erzurum et Benghazi étaient des parties du même pays il y a 110 ans. Quand nous le disons, ils appellent cela du néo ottomanisme (2). Ceux qui ont rassemblé toute l’Europe ne sont pas devenus de nouveaux Romains, mais ceux qui réunissent les pays du Moyen-Orient sont appelés les nouveaux Ottomans... »

Le 4 mars, Davutoglu en remettait une couche. Il disait : « Les peuples qui ont vécu ensemble à travers l’Histoire dans cette région (du Moyen-Orient) ont été séparés les uns des autres au cours du siècle dernier, ils ont grandi séparés les uns des autres. La Turquie était le pays central jusqu’à ce que les frontières soient réduites, la géographie divisée et les sphères économiques séparées. Mais, comme si ce n’était pas assez, une nouvelle graine de division a été installée dans notre pays », a-t-il ajouté faisant allusion à l’irrédentisme kurde.

Davutoglu a pris la tête des Affaires étrangères turques en mai 2009. Fin mai 2010, éclatait l’affaire de la « flottille turque » envoyée à Gaza pour approvisionner les Palestiniens. En réalité, tout le monde a compris qu’il s’agissait d’une opération de propagande destinée à mettre Israël en difficulté.

Les récentes déclarations de Davutoglu confirment ce que nous avions pressenti dans les Balkans et au cours des « Printemps arabes » : la Turquie cherche à reconstituer l’empire ottoman par la séduction et des investissements ciblés.

Dans ce cadre, elle est obligée, pour s’attirer les faveurs des Arabes, de prendre le parti des Palestiniens. Sans états d’âme, elle a sacrifié son alliance stratégique avec Israël à ce projet. Le récent rapprochement de Tel-Aviv et d’Ankara autour du dossier syrien ne doit pas faire illusion : autant de la part d’Israël que de la Turquie, c’est de la realpolitik, les intérêts des deux pays étant convergents dans cette affaire.

Quant à croire Dovatoglu faisant cavalier seul au sein du pouvoir turc, c’est une erreur. Il sert la politique mise en place en 2009 par le gouvernement turc.

Notes

(1) Sarajevo est en Bosnie, Benghazi en Libye, Erzurum en Turquie et Batoumi en Géorgie.
(2) Théorie politique centrée sur la restauration de l’empire ottoman.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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