TURQUIE
ÉTRANGE LAÏCITÉ

mai 2010

Comme nous l’avons vu dans l'article: l’intégration de la Turquie, « charge coûteuse pour l’Europe », continue. Dans le même temps, on voit cette Asiatique élargir chaque jour un peu plus le détroit des principes et valeurs qui la séparent de l’Europe. Quand nos dirigeants la comprendront-ils inassimilable à notre univers ?

Le 7 avril, en visite officielle en France, Recep Tayyip Erdogan, Premier ministre de ce pays, se faisait acclamer par 6000 membres la communauté turque dans l’enceinte du Zénith.

A part « Le Point » et quelques publications rebelles au politiquement correct (1), personne ne s’est fait l’écho des déclarations d’Erdogan à ses compatriotes. Il y a pourtant de quoi frémir.

« Pour l’intégration, il n’y a pas de problème, mais je suis contre l’assimilation », a-t-il proféré avant de continuer : « La France vous a donné le droit à la double nationalité : pourquoi ne la demandez-vous pas ? Ne soyez pas réticents, ne soyez pas timides, utilisez le droit que la France vous donne ».

On voit où Erdogan veut en venir quand il précise : « Chacun a ses croyances et s’habille à sa façon ». Du reste, il affirmait un peu plus tard avoir « des difficultés à comprendre » le modèle français de la laïcité.

En février 2008, devant 20 000 Turcs vivant en Allemagne, rassemblés à Cologne pour le recevoir, il avait été jusqu’à dire : « l’assimilation est un crime contre l’humanité ».

Comment douter de la volonté d’Erdogan et de ses amis du AKP (2) de changer la nature identitaire de l’Europe ? D’abord en en forçant la porte avec les immigrés envoyés de Turquie, puis en faisant adhérer son pays à l’Union européenne. Ce qu’en 1997 il avait déclaré devant ses troupes n’est pas fait pour nous rassurer : « Les mosquées sont nos casernes, les coupoles nos casques, les minarets nos baïonnettes et les croyants musulmans nos soldats ».

Qu’on le veuille ou non, il y a de l’expansionnisme islamique dans cette vision des choses. Mais aussi des raisons de craindre que l’allusion militaire soit plus que métaphorique.

Du reste, quand le même Erdogan veut donner des leçons de laïcité à la France, il n’est pas très bien placé. En mars 2008, son parti, l’AKP, a été traduit en Justice pour « atteinte à la laïcité ». Le parti risquait la dissolution et 71 de ses membres, dont Erdogan et le Président de la République, Abdullah Gül, étaient menacés d’une interdiction d’appartenance à un parti politique pour cinq ans. Le pays risquait une crise institutionnelle.

Ironie du sort, l’Europe et surtout les États-Unis sont intervenus auprès des juges pour les inviter à préserver la stabilité du pays. On voit qu’il y a loin, chez nous aussi, des principes déclarés aux moeurs de la vie politique. Néanmoins, si l’AKP n’a pas été dissous, il a été condamné pour « activités antilaïques » et privé des subventions de l’État.

Mais il y a plus grave pour la Turquie : le pouvoir s’acharne contre un groupe à l’existence incertaine, Ergenekon. Celui-ci serait formé d’un ensemble hétéroclite de militants d’extrême-droite et d’extrême gauche, d’élus de gauche, d’officiers de l’armée et de la gendarmerie, de mafieux, de magistrats et d’universitaires. Depuis 2003 ses gens organiseraient un complot dont on cherche vainement les manifestations concrètes.

En revanche, tous les inculpés ont en commun de vouloir préserver le système laïc quand, dans le même temps, on soupçonne l’AKP de vouloir en réduire la portée en révisant la Constitution.

Or, sur ce point, on ne prête qu’aux riches. Lors d’un séjour récent en Turquie, nous avons remarqué la disparition progressive de débits d’alcool. Des membres de l’AKP réclament même la création de zones rouges, seuls lieux où les boissons alcoolisées seraient encore autorisées. Cinglant vers le grand large de l’ordre islamique, la Turquie s’éloigne tranquillement de l’Europe réelle.

 

Notes

(1) En particulier le site Internet des Manants du Roi : www.lesmanantsduroi.com.
(2) Parti pour la Justice et de Développement. Structure islamiste démocratiquement élue en 2002.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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