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octobre 2014
En Turquie, on ne sait sur quel pied danser. Au Parlement, début octobre, on tergiversait encore pour savoir sil fallait intervenir aux côtés de lalliance anti-jihadiste en Syrie et en Irak. Tout juste se préparait-on à accorder lautorisation aux avions américains de se poser sur laérodrome dIncirlik (1)... Pour des missions humanitaires et logistiques ! A force de roueries et de doubles jeux dAnkara, pour le néophyte la politique étrangère turque est difficile à décrypter : très liée à lIran des ayatollahs, la Turquie est aussi le seul pays musulman allié militaire dIsraël (2). En outre membre de lOTAN, elle entretient des relations suivies avec les groupes jihadistes. Sur ce terrain, sa proximité avec le califat de Baghdadi (3) est inquiétante. En effet, les jihadistes de cette entité circulent ouvertement en Turquie où ils ont leurs bases arrière. Ils disposent même dun camp dentraînement à Gaziantep (4). On sait aussi les jihadistes venant dEurope transitant tous librement par le territoire turc. Il y a dans ce fonctionnement un peu de la tradition politique empruntée par les Ottomans à lespace civilisateur de la Perse médiévale. Encore, en Iran, on utilise lexpression « fil-mourgh », pour désigner le dindon. Au mot à mot, « loiseau-éléphant ». Il symbolise la double nature, la double appartenance, une manière dêtre, de jouer sur plusieurs tableaux pour tirer le plus davantages possibles de la position que lon occupe. Dans la politique turque, on retrouve aussi du comportement de la Sublime Porte à légard de ses commensaux, ethnies et communautés religieuses formant autrefois son empire. Pour le pouvoir, la technique consiste à éviter de les départager dans leurs disputes et à nintervenir à la marge que lorsque le désordre devient trop grand. Ainsi, occupées par leurs querelles intestines, les factions oubliaient de sen prendre au pouvoir central. Cest exactement ce qui se passe, quand Ankara laisse la partie démocratique de la rébellion syrienne se déplacer sur son territoire comme les jihadistes auxquels ils font la guerre. Seule règle à respecter par les uns comme par les autres : ne pas saffronter sur le sol turc. Ces quelques lignes permettent de comprendre à quel point le pouvoir turc, et non pas tous les Turcs, ont effectué un retour sur le passé impérial. À Ankara, grisé par limportance stratégique de la Turquie, on se croit redevenu une grande puissance. Lincompréhension en Occident des subtilités orientales aidant, il faut sattendre au pire de la Turquie. Le désordre est tel dans la région, quelle peut sestimer en position de reconstituer une partie de son empire passé sur une base islamiste. En clair, au lieu de le réduire, elle générerait un désordre plus grand encore. (1) Base aérienne ouverte en 1955
accueillant des avions de lAir Force américaine
et servant de soutien à lOTAN. |
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