Létrange itinéraire dAlexandre Djouhri |
décembre 2010
On peut se demander si nos dirigeants, toutes
tendances confondues, sarkozistes, villepinistes ou chiraquiens
nont pas perdu leurs repères. Le parcours dAlexandre
Djouhri nous amène à le supposer. Lhomme a néanmoins de lambition et, certainement, des talents. On ne sait comment, il prend pied dans les affaires internationales. Le gros : le pétrole, leau, les produits agro-alimentaires. Il fait fortune, entre dans le capital de Veolia, dont il aurait acquis 8% des parts, et sinstalle en Suisse en 1995. Néanmoins, on se demande toujours doù vient largent avec lequel il a pu se lancer. Est-ce le fruit de lun de ces trafics inavouables dont les banlieues ont le secret ? Ou un service rendu non moins inavouable lui aurait-il valu la reconnaissance éternelle dun généreux donateur ? Ou bien, comme pourrait le laisser entendre ses relations avec les généraux algériens, serait-ce largent des recettes de lor noir et des trafics dinfluence blanchi par les soins de Djouhri ? En tout cas lhomme sait sy prendre. Son amitié avec Villepin suscite dabord la méfiance de Sarkozy. Au cours dun déjeuner à lhôtel Bristol, en avril 2006, le contact est établi entre les deux hommes. Djouhri va alors réussir lexploit dentretenir des relations avec les deux ennemis. Il a décidément de lentregent. Il connaît très bien Bernard Squarcini, le patron de la DCRI. Détail succulent, alors à la préfecture de la région Provence-Alpes-Côte dAzur, en décembre 2005, ce dernier la gratifié dune attestation de moralité affirmant que « rien de défavorable na pu être démontré concernant lintéressé, aucun élément lié au terrorisme, grand banditisme ou blanchiment (NDLR : dargent) na pu être mis en exergue ». À ce demander ce que ce « grand flic » a dans les yeux. Car il y a quand même des indices laissant entendre que tout nest pas blanc de blanc dans la vie de Djouhri. Dans les années 80, il appartenait à la bande dAnthony Delon pour lequel il servait de gros bras. Laissant remonter son passé, il lui arrive encore de menacer « de fumer » (1) un rival dans les affaires. Une manière de parler, et non pas une menace, affirment ses amis. Ce « franc-parler » pas très bon chic bon genre a failli lui coûter cher. Il y a un an, il avait dit de Patrick Ouart devant un groupe de personnes : « Avec son format, une balle ne peut pas le rater ». Il faut dire Ouart jouissant dun sympathique embonpoint, mais aussi, magistrat de profession, le conseiller juridique de Sarkozy depuis bientôt dix huit ans. Quand il eut écho du mot au goût douteux de Djouhri, le magistrat sen plaignit et rédigea un rapport à qui de droit. Cette affaire succédait à une autre, qui donnait à lattestation de moralité de Squarcini lapparence dune lettre de complaisance. Fin 2006, il avait comparu devant la Justice pour coups et blessures. Au cours de négociations pour lobtention dun marché au Moyen-Orient, Djouhri avait eu recours aux arguments frappants dans une suite de lhôtel Georges V. Ces quelques bribes dinformations sur ce personnage haut en couleurs nen font pas moins un intermédiaire considéré comme incontournable dans les affaires. Arrivé chez Vivendi Environnement, aujourdhui Veolia, à la fin des années 90, il entretient une relation étrange avec Henri Proglio (2), qui était alors le PDG de lentreprise. Daprès le journal « Libération », déjà à lépoque, on appelait Djouhri « lhomme sans qui son PDG Henri Proglio nest rien ». Le premier est resté proche de lautre quand celui-ci a pris les commandes dEDF, en 2009, tout en restant président de Veolia. Toute lambiguïté de ce qui lie les deux hommes est dans une remarque faite par Djouhri, disant à Proglio : « Noublie pas que tu es le petit soldat et que je suis le général ». Insolence ou réalité ? Il est vrai quon a aussi vu ce « général » là tapoter amicalement la joue de Serge Dassault. Djouhri est néanmoins parvenu à sintroduire auprès de décideurs africains et moyen-orientaux. Par quels moyens ? On lignore. On sait cependant quil sait instrumentaliser des femmes pour parvenir à ses fins. Quelques personnalités de lÉlysée lui en sont reconnaissantes. De Thalès à Dassault industries, en passant par Veolia et quelques autres groupes, on lui doit néanmoins plusieurs contrats. Ceci explique que lon ferme les yeux sur ses excentricités. Pourtant, autour du personnage de Djouhri, il y a trop de questions sans réponse, trop de flou et de suspicions. Un homme pourrait tout déballer, Ziad Takieddine, intermédiaire libanais, il est souvent présenté comme lhomme qui aurait facilité la vente des sous-marins français au Pakistan (3). Il le nie, néanmoins il ne peut démentir avoir été supplanté par Djouhri en tant qu « intermédiaire-associé » de lÉlysée. Guidé par son instinct, Pierre Péan, prépare un livre sur Djouhri. En attendant, dans « Le Journal du Dimanche » du 30 mai 2010, Takieddine déclarait : « Jaccuse Jacques Chirac et Dominique de Villepin, à lÉlysée, et leurs hommes, le diplomate Maurice Gourdault-Montagne et, notamment, un homme de lombre Alexandre Djouhri, davoir par leurs agissements, fait que la France passe aujourdhui pour un des pays les plus corrompus au monde et ne vende plus rien à linternational ». Sil dit vrai, les choses nont pas changé sous Sarkozy.
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