À REMPLACER LES ÉTATS-UNIS EN ASIE DU SUD |
octobre 2010
Cause principale des guerres anglo-afghanes
du XIXème siècle puis, dans les années 80,
raison du soutien des États-Unis à la résistance
à loccupation soviétique, pendant deux siècles
LOccident a craint larrivée des Russes aux
portes du Golfe arabo-persique. Sans bruit, en deux étapes,
la Chine a coiffé tout le monde au poteau, en construisant
le port de Gwadar, au Pakistan, puis en prenant bientôt
le contrôle de sa gestion. Grâce à Gwadar,
lEmpire du Milieu est en passe de devenir maître
du jeu dans la région formée par lInde, le
Pakistan, lIran et lAfghanistan. Situé au Baloutchistan pakistanais, à la sortie du Golfe arabo-persique et à 80 km de la frontière iranienne, Gwadar est un port en eau profonde dont la construction avait commencé en 2002. Pour les Pakistanais, plus important que laspect économique, après Karachi, il autorise louverture dune seconde base navale, destinée à leurs navires de guerre, en cas dattaque de lInde. Pour les Chinois, en revanche, il apparaît comme un moyen détendre leur influence dans la région, tout en assurant leurs approvisionnements en matières premières mais, surtout, en pétrole et en gaz. De plus, il permet de réduire la navigation marchande franchissant le détroit de Malacca, zone de piraterie intensive entre Sumatra et la Malaisie. Mais que serait Gwadar, pour les Chinois, sans une liaison terrestre avec la Chine ? Révélant lancienneté des ambitions de Pékin, quand tout le monde croyait le pays endormi, déjà, en 1959, cherchant un accès vers louest du continent, Mao Tsé Toung ordonnait le lancement des travaux de construction dune liaison routière en coopération avec le Pakistan, sur les traces de lancienne Route de la Soie : le « Karakoram Highway ». On est alors au lendemain de lindépendance et le Pakistan reçoit avec empressement cette « amitié » chinoise quand, à lest, il se sent menacé par le géant indien. Pénétration de la Chine sur lIran, lInde et lAfghanistan à partir du Pakistan. Aux efforts déployés, on évalue limportance que la Chine accorde à louvrage. Il faudra 26 ans pour le terminer, la mort de 82 Chinois et celle de 810 Pakistanais, dans des éboulements et des effondrements de terrain. La route apparaît en effet comme un défi à la nature. La plus haute du monde, à son point le plus élevé, sur la frontière sino-pakistanaise, elle franchit le col de Khunjerab à une altitude de 4693 mètres (2). En juin 2006, les Chinois et les Pakistanais ont signé un nouvel accord de principe pour laggrandir, la faisant passer de 10 mètres à 30 mètres de large, multipliant ainsi par trois sa capacité dabsorption du trafic. En outre, une jonction est prévue avec le port de Gwadar. Compte tenu de la valeur du « Karakoram Highway » pour les Chinois et de limportance de linvestissement consenti, on peut se demander pourquoi ils avaient accepté den confier la gestion à un groupe singapourien. Nous ne voyons quune réponse : non sans raison, PSA, comme lÉtat de Singapour, sont considérés comme inféodés aux Américains. Or, il faut se rappeler quen 2002, quand les Chinois commençaient la construction de Gwadar, les États-Unis venaient de débarquer en force en Afghanistan. Dune part, impressionné par la puissance des armes utilisées au cours de loffensive de Washington, au Pakistan, personne naurait alors osé les contrarier. Dautre part, les Chinois nétaient pas en position pour, inquiétant les États-Unis, afficher des ambitions démesurées. Le choix dun groupe singapourien sous influence américaine leur permettait de se faire plus discrets, en faisant semblant de se plier à lordre mondial voulu par lOncle Sam. A contrario, léviction en cours de PSA du port de Gwadar met en évidence la perte dinfluence des États-Unis dans la région. En Afghanistan, après neuf ans doccupation, attendant un départ programmé, tout le monde les joue désormais perdants. Les Chinois préparent déjà le terrain pour les remplacer. Ainsi, au printemps, sous légide de lISI, les SR pakistanais, une rencontre a eu lieu entre des envoyés de Pékin et les Taliban dAfghanistan. Les Chinois ont encouragé ces derniers à accentuer leur effort de guerre contre les forces de lOTAN. Une manière de dire, « nous sommes à vos côtés, ne nous oubliez pas quand les Américains seront partis ». Il faut savoir quils jouent gros dans ce pays : en mai 2008, ils signaient un énorme contrat sur les mines de cuivre dAynak, dans la province du Logar, à quelques dizaines de km à louest de Kaboul. En échange dune promesse de trois milliards de dollars dinvestissements, la « China Metallurgical Group Corporation » (MCC) obtenait un droit dexploitation de 30 ans sur une réserve évaluée à 11 millions de tonnes de métal. La MCC sest en outre engagée à créer une ligne de chemin de fer pour relier le Pakistan et le port dHairatan, à la frontière de lOuzbékistan, traversant ainsi lAfghanistan tout en desservant les mines dAynak. Ce nest pas tout. A entendre les Pakistanais, les Chinois envisagent de relier le « Karakoram Highway » à Gwadar et de créer une autre ligne de chemin de fer reliant le port à leur pays en suivant le même itinéraire. Ils veulent aussi bâtir des raffineries de pétrole et des unités de traitement du gaz dans la zone portuaire. Et là, il faut comprendre de quoi ils parlent. LIran, gros producteur dor noir, détient aussi la moitié du gisement de Pars, un énorme champ gazier dans le Golfe Fin mai 2010, le gouvernement pakistanais signait un accord avec lIran pour la construction dun gazoduc qui transportera la gaz de Pars jusquà la frontière des deux pays. Il est même prévu, certes avec réticences, que lInde soit approvisionnée en gaz iranien à travers le territoire pakistanais. Avec le port de Gwadar, dune part, les réseaux de communication quelle compte construire, dautre part, on voit la Chine se donner les moyens de sapprovisionner en minerais et en énergie en même temps quelle prendra le contrôle de la région par le biais de léconomie. Dans la région, cest bien la suite, maîtrisée, des Américains quelle envisage.
(1) La structure gérant le port de
Singapour a obtenu lautorisation de se donner un statut
privé sur décision du Parlement le 25 août
1997. Se donnant une politique ambitieuse, elle gère aujourdhui
28 ports dans 16 pays dont 7 terminaux portuaires en Belgique
et 16 en Chine. PSA gère 20% du trafic de containers du
monde et occupe le premier rang mondial dans le domaine. |
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