La Suisse prise dans l’imbroglio jihadiste

Respecter le droit tout en se protégeant devient de plus en plus complexe pour les pays respectueux des libertés essentielles.

L’aventure de M. N., comme l’appelle avec pudeur la presse helvétique, ne dément pas ce constat. En réalité, du nom de Majid Najjar, il résidait à Bienne (Biel en allemand), dans le canton de Berne. Âgé de 20 ans, il bénéficie de l’asile politique accordé à son père, membre des Frères musulmans, réfugié en Suisse pour échapper aux services de sécurité jordaniens. Or, en Jordanie, les Frères siègent au Parlement et disposent de nombreuses structures caritatives au sein desquelles ils font circuler leur propagande (1). Voilà qui témoigne de la radicalité de l’auteur des jours de Majid.

Celui-ci a bien enregistré les leçons paternelles. Enfant, il fréquentait déjà la mosquée Errhamen de Bienne. Un lieu de choix ! Abou Saad, un Tunisien, le fréquentait aussi avant de partir en Irak où il est mort en avril 2006, au cours d’un combat contre les forces américaines.

Majid, pour sa part, a choisi le chemin de la Somalie, via le Kenya, et a disparu des radars en février 2011. Son visa kenyan expirant le 30 avril de la même année, il n’a pas essayé de le renouveler. On reconnaît là la caractéristique de gens entrant dans des régions de guerre devenues zones de non-droit.

Il réapparaissait au Kenya un an plus tard, le 31 mai 2012, en compagnie d’Emrah Erdogan, citoyen allemand d’origine turque né en 1988, qui a servi dans les milices somaliennes d’Al-Shabab affiliées à Al-Qaïda.

Les deux jeunes gens avaient été blessés par les forces de sécurité kenyanes au sud de la Somalie, dans la région d’Almadhow (ou Afmadow). Ils venaient se faire soigner chez ceux qu’ils avaient combattus.

Manquant de sens de l’humour, la police kenyane les a interceptés quelques jours après leur sortie d’une clinique privée. Passant en Justice pour « relations avec une organisation terroriste » et séjour illégal (2), Majid a bénéficié du soutien des autorités suisses. Résultat, les accusations de complicité avec des terroristes ont finalement été abandonnées et le jeune homme disculpé. Il n’en a pas moins refusé de dire à l’ambassadeur de la Confédération helvétique, Jacques Pitteloud, à quelle sorte de tourisme il s’adonnait en Somalie.

Le problème reste néanmoins entier pour les Suisses. D’une part, avec raison, ils interdisent leur territoire à Majid en raison de son engagement jihadiste. De l’autre, le droit international ne leur permet pas de le refouler en Jordanie en raison de son statut de réfugié. Aussi, malin comme un singe, le jeune homme refuse d’être pris en charge par le HCR (3), pour ne pas perdre son droit à l’asile en Suisse.

Le respect de « l’autre » ne devrait-il pas s’accompagner d’un minimum de réciprocité ?

Notes
(1) Alain Chevalérias : J’ai visité l’hôpital moderne que les Frères musulmans possèdent à Aman, la capitale, et interviewé l’un de leur responsable dans les années 90. L’organisation islamiste jouissait d’une grande liberté d’action.
(2) Au passage, on remarque qu’il existe des pays où le séjour illégal est un délit et puni comme tel.
(3) Haut comité aux réfugiés, agence des Nations Unies.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 
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