LE SECRET D'EVA,

ÉPOUSE DE

RAYMOND BARRE

Dans Paris-Match, le 30 août 2007, Mme Hélène Carrère d'Encausse a tracé un portrait de Raymond Barre qu'elle a voulu fouillé. Pourtant l'ex-présidente nationale du comité gaulliste pour le Oui au Traité de Maastricht et aux traités suivants, n'a pas étoffé son récit en évoquant l'existence d'Eva Barre, son épouse, comme d'ailleurs tous les chroniqueurs de la presse officielle, sauf une allusion à cette femme " d'origine hongroise ".

Ce qui est insuffisant, et si Eva Barre s'est toujours voulue en retrait de son mari, son passé doit être connu puisque elle et son mari ont traversé l'histoire de la IVème et de la Vème République.

La percée de Raymond Barre dans l'arène politique, au milieu des années 1970, m'avait inquiété car je savais qu'il agissait dans l'ombre de ses " tuteurs " de Faculté, François Perroux, mondialiste de gauche, et surtout Alexandre Kojève, dont les relations avec les Soviétiques étaient permanentes. En ces temps de guerre froide, il était normal de s'en préoccuper, tant les spécialistes du KGB s'acharnaient à recruter des " agents d'influence " dans les milieux intellectuels, ravis que De Gaulle ait pris ses distances dès 1966 avec l'Otan.

Même si je faisais part de mes réserves à l'égard de l'Alliance atlantique dans ma Lettre confidentielle, cela ne me jetait nullement dans les bras d'une Europe en gestation avancée, sous l'égide des comités de Jean Monnet.

A l'époque, Raymond Barre était un ardent prosélyte de la dissolution des nations dans un grand ensemble continental, et Kojève incarnait l'idée d'une Europe de l'Atlantique à l'Oural progressivement soviétisée. Puis vint l'information, pendant l'hiver 1973, que Raymond Barre appartenait à la Trilatérale, ce produit de la dynastie Rockefeller pour un monde réparti en Grands Ensembles Économiques, gérés par une entente " aménagée " entre l'Empire américain, d'une part, l'Empire soviétique et ses satellites, d'autre part.

C'est alors qu'un personnage prit contact avec moi. Il insista pour me rencontrer. Il avait été le premier mari d'Eva Barre, née à Budapest dans la richissime famille israélite Hegedus. Pourquoi ces confidences? Parce que, me dit-il, il avait appris que les services secrets soviéto-hongrois cherchaient depuis quelques temps à approcher le couple Barre.

Youri Andropov, chef du KGB depuis 1967, considérait que notre économiste était appelé à un grand avenir. Andropov voyait juste : Raymond Barre avait commencé à être connu dès 1959 au cabinet de Jean-Marcel Jeanneney, le ministre de l'Industrie. Depuis le début des années 1960, il s'était affirmé à la vice-présidence de la Commission des Communautés européennes, puis il avait fait irruption, en janvier 1975, au ministère du Commerce extérieur.

Le couple Barre fut invité à Budapest, en visite officielle. Était-ce parce que, remariée à Barre, Eva Hegedus était d'origine hongroise ? Certes. Mais un dossier existait dans les archives de Moscou.

Bien que juive, pendant la guerre, Eva avait été très liée au chef de la Gestapo de Budapest. Elle avait à peine vingt ans, était jolie, courtisée. Sa liaison a sans doute épargné la déportation aux Hegedus. Les avant-gardes tchékistes de l'Armée rouge approchant de la capitale hongroise, entra alors en scène un officier français, prisonnier évadé d'un camp d'internement proche de la Hongrie, qui s'était réfugié à Budapest. Il était tombé amoureux d'Eva. Il lui proposa de l'épouser et de l'emmener en France afin d'échapper aux Soviétiques, sa liaison avec le chef de la Gestapo étant de notoriété publique. Elle risquait donc sa vie, quand la minorité communiste du pays engageait déjà sa chasse à l'homme.

Eva accepta, et grâce à des complicités dans l'antenne diplomatique française à Budapest, elle épousa cet officier, celui-là même qui me faisait ses confidences.

Il vint à Paris avec son épouse, puis il fut envoyé à Sfax, en Tunisie, comme ingénieur des Phosphates. Le couple s'intégra à la colonie française. Il se rendait souvent à Tunis où figurait parmi leurs amis la famille Guetta, dont un des enfants, Bernard, devint journaliste dans la presse parisienne.

C'est en Tunisie que Raymond Barre rencontra Eva. Coup de foudre. Divorce. La suite est connue. Barre fut muté de Tunisie à la Faculté de Caen, puis il plongea dans les circuits européistes où les soviéto-hongrois ont pensé s'en faire un ami au sein d'une " maison européenne ", dont une fraction gaulliste estimait qu'elle mènerait l'Europe " à l'entente, la détente, puis la coopération "...

L'ex-mari d'Eva, en se confiant ainsi, ne se vengeait visiblement pas de l'échec de son mariage. Il était simplement très inquiet d'un chantage possible sur Eva, donc sur l'homme politique Raymond Barre.

Nous avons déjà raconté cette histoire, mais il y a de cela trois décennies, et tous nos lecteurs ne la connaissent pas. Quelqu'un qui fréquentait Raymond Barre prit sur lui de lui montrer ma Lettre d'Information. Barre la lit et murmura : " C'est à peu près la vérité. J'ai d'ailleurs été averti à temps des intentions de Budapest. Il s'agissait de ne pas donner prise. . . "

Pourquoi évoquer aujourd'hui cette affaire ? Parce que si je ne partageais les options mondialistes de Raymond Barre, il est certain que lui et son épouse ont eu à l'époque une conduite exemplaire, et qu'Eva elle-même a courageusement tenu ses distances. Elle s'occupa avec assiduité de l'aide aux réfugiés hongrois en France durant les ministères de son mari, et jusqu'à nos jours. Cet aspect humain méritait d'être connu, afin de compléter l'image de Raymond Barre.

Pierre de Villemarest

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

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