ANCIEN CHEF DE LISI (LES SERVICES DE RENSEIGNEMENT DU PAKISTAN) |
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Cet interview présente avec netteté des faits dont nous ne pouvons contester la véracité, mais aussi des interprétations de la réalité révélatrices de létat desprit dominant dans lest de lAsie. |
Badih Karhani: La position de Pervez Musharraf, le Président du Pakistan, est-elle assurée? Lt Général Hamid Gul : Je pense que de nombreuses difficultés vont se présenter à lui, ce que les Américains naiment pas. Il existe de puissants « lobbies , » aux Etats-Unis et dans lUnion européenne, qui veulent pour le Pakistan une autre image que celle dun régime militaire. En outre, si Pervez Musharraf sentête à porter luniforme, à lintérieur il risque de se voir confronté à une vague dagitation. Beaucoup de mouvements populaires ont ainsi commencé par le passé. Au début, ils semblaient sans importance pour se révéler très puissants avec le temps. Je pense quil y a un risque que le MMA (1), opposé au port de luniforme militaire par le Président Musharraf, ne sallie avec le ARD (Alliance pour la Restauration de la Démocratie). Il est possible alors que de nouvelles élections prennent place. Du moins si ces deux partis restent unis et saisissent loccasion de mobiliser lopinion. B.K. : Les objectifs politiques de Musharraf nont-ils pas été atteints, en engrangeant par exemple 12,3 milliards de dollars dans les réserves ? H.G. : Je ne sais pas sil a vraiment réalisé son propre programme parce que cest plutôt le projet américain quil met en place. Bien que la nation pakistanaise soit concernée, il est difficile de discerner la ligne des intérêts du Pakistan. Laubaine dun solde positif de 12,3 milliards de dollars, dans nos réserves de devises étrangères, est principalement due à la crise liée au 11 septembre 2001. Nous navons pas une économie compétitive : nous souffrons du sous-emploi, les prix des produits de premières nécessité, indispensables aux plus pauvres, ne cessent de monter et sur dautres fronts économiques, comme lagriculture, nous assistons même à un ralentissement de la production. B.K. : Nassiste-t-on pas à une accalmie sur le front du Cachemire ? (2) H.G. : Le Pakistan a fait des concessions à lInde, tentant de parler honnêtement et démocratiquement à ce pays. Cest un échec, en raison de linterférence des Etats-Unis, de la Grande-Bretagne et dIsraël. Les « lobbies » israéliens veulent assurer une position dominante à lInde sur la scène du Sud asiatique. Ils ont déjà largement réussi. Le Pakistan, lui, sest toujours contenté de chercher à maintenir léquilibre avec lInde. Cest pourquoi il sest doté de larme nucléaire. En dépit de nos efforts, les Indiens ont répondu en augmentant leur budget militaire. De plus, avec insistance, ils cherchent à obtenir un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies. Sils lobtiennent, ils provoqueront la colère de tous les musulmans et renforceront la position dIsraël. Ce sera particulièrement blessant pour le Pakistan. B.K. : Voyez-vous une issue
possible à la crise du Cachemire ? B.K. : Vous êtes aussi confrontés, à lintérieur, à des violences graves entre les communautés religieuses, principalement entre sunnites et chiites. Nest-ce pas une cause essentielle de linsécurité ? H.G. :
Les Indiens et les Israéliens sont alliés et liés
par des accords de coopération militaires. Ils veulent
pousser le Pakistan dans le chaos. Ce sont eux qui suscitent
artificiellement des tensions interreligieuses entre sunnites
et chiites. Quand linsécurité aura atteint
le niveau souhaité, ils attaqueront lIran. Ils ont
déjà pris la décision de détruire
les installations nucléaires iraniennes. Musharraf le
sait. Lautre jour il a dit que lEtat hébreu
paierait un prix élevé dans le cas où il
bombarderait les installations iraniennes. Cétait
un signal fort, peut-être envoyé par inadvertance,
mais que les Israéliens ne minimisent pas. Vous savez, quand jobserve le désordre régnant à Wana, au Baloutchistan, et dans de nombreuses autres régions du pays, je ne vois pas ce que le régime de Musharraf a apporté au Pakistan. Il aurait pu faire beaucoup, en capturant les prétendus membres dAl Qaïda, mais je reste sur lexpectative parce que, faute davoir traduit en Justice les gens qui ont été fait prisonniers, on ne sait pas sils sont vraiment des membres dAl Qaïda. B.K. : Les Américains
sont-ils en passe de ramener la paix en Afghanistan ? B.K. : Une accalmie est-elle envisageable en Afghanistan à la suite des élections qui sy déroulent ? H.G. : Je pense pour ma part que cela va amplifier les difficultés et ouvrir un nouvel épisode de la guerre civile en Afghanistan. Je mexplique. LAlliance du Nord, lalliée des Américains, a gouverné le pays pendant les trois dernières années. Aujourdhui, des oppositions internes la divisent. On a vu Younus Qanooni (5) en personne sopposer au Président Karzai. Il y a aussi le clan de Dostum et dautres encore. Je crois que Karzai va gagner les élections, mais sa victoire sera perçue comme une tentative pour rétablir la domination des Pachtouns sur sur les autres ethnies, les Tadjiks, les Ouzbeks ou les Hazaras. Or, en Afghanistan, il ny a pas de partis, mais des milices ethniques armées. Les Afghans nont pas de traditions démocratiques pour résoudre leurs différents. Ils sont habitués à se battre. Pour toutes ces raisons, je crois que nous allons assister à une amplification de la violence. B.K. : Pourquoi Musharraf
a-t-il pris le risque, au Pakistan, de faire intervenir larmée
dans les zones tribales ? (6) B.K. : Les partisans dAl Qaïda représentent-ils toujours une menace pour les Etats-Unis ? H.G. : Je pense que jusquà maintenant, sils ont survécu, cest un miracle. En outre, leurs rangs sétoffent encore. Les jeunes Arabes sont fiers davoir fait saigner le nez des Américains et de leurs alliés en Irak et en Afghanistan. Lun dans lautre, je dirais les Américains en train de perdre la guerre. Du même coup, cela mine leur système politique. Leur attaque en Irak a été condamnée par de nombreux intellectuels et par bien des inspirateurs de lopinion. John Kerry lui-même la dénonce. Rumsfeld en personne a fini par admettre quil navait aucune preuve de liens entre Al Qaïda et Saddam Hussein. Affaiblis, les Américains vont commencer à se replier. Ils ont déjà pris leur décision, mais les lobbies israéliens présents aux Etats-Unis vont continuer à exercer des pressions pour les en dissuader, car le repli de lAmérique du Moyen-Orient serait lacte de mort de lEtat dIsraël. Aux Etats-Unis, les forces politiques vont devoir affronter un grave conflit interne. Si les événements se déroulent comme je le suppose, Oussama Ben Laden et Al Qaïda, portés par leurs succès, recruteront de nouveaux volontaires. Quoi que les Etats-Unis fassent, les gens dAl Qaïda leur échappent et leur causent de lourdes pertes. Les résistants ont tué plus de mille soldats Américains en Irak. Je nai pas les chiffres des pertes américaines en Afghanistan mais je les estime à 1500, voire 2000 hommes. Résultat, lopposition armée à Washington se développe et laire de conflit sétend. Ce matin même, une attaque a éclaté au Sinaï (7), sur le territoire égyptien. Al Qaïda est un phénomène en expansion et les Américains une réalité qui rétrécit à vue dil. B.K. : Qui a tenté dassassiner à plusieurs reprises de Président Musharraf ? H.G. : Il a lui-même admis que des soldats, des hommes du rang de larmée de terre et de l"Air force", sont impliqués dans ces tentatives. Cest très grave, car lorsque la situation échappe au contrôle des officiers, on prend le risque que les règles imposant un minimum de bonne conduite ne soient plus respectées. Cela montre quun ferment destructeur, insidieusement pour le moment, corrompt les institutions du Pakistan. |
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