Nous avons obtenu ce document en exclusivité. Ecrit par Ahmed ZaidanAhmed Zaydan, (Ahmed Zaidan) correspondant à Islamabad (Pakistan) de la chaîne de télévision satellitaire Al Jazeera, il traduit l’un des points de vue les plus courants dans la région à l’égard des Américains, de leur présence en Irak et en Afghanistan. Nous avons sélectionné et traduit quelques passages de référence. Nous ne garantissons aucune des informations contenues dans ce document mais estimons utile de vous en donner une idée pour mieux comprendre l’état d’esprit régnant dans cette partie de l’Asie. Les allégations incriminant Al Qaïda d’attaques sur le territoire iranien nous semblent d’importance tant, vraies ou fausses, elles ont de signification politique sous la plume de l’auteur.

octobre 2004

 LE RETOUR DES BANNIERES NOIRES

Comment Al Qaïda, les Taliban et le Hezb-e-islami ont-ils ressurgi en Afghanistan ?

 Préface

« … nous parlons de « retour des bannières noires » parce qu’elles sont le symbole commun à toutes les forces hostiles à la présence américaine en Afghanistan. Elles arborent le turban noir et croient au « hadith » (1) de Mahomet qui dit : « Si vous voyez les bannières noires venant du Khorasan (2), allez à leur rencontre, car le calife (3) d’Allah, le Mehdi (4), est parmi elles », d’après Ibn Majah (5)

Le Turban des Taliban est noir, comme celui d’Hekmatyar (6) et Al Qaïda porte haut des drapeaux noirs en particulier pendant ses séances d’entraînement. »

 

Ascension et déclin des Taliban

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Dans cette partie du livre, l’auteur décrit et explique la montée en puissance des Taliban. Il donne aussi un aperçu sur leur manière de gouverner.

« La plupart des responsables, remarque-t-il, viennent de la ville de Kandahar (7) et appartiennent à la tribu des Douranis (8)...

Le mouvement jouit d’une réserve inépuisable de recrues dans les madrasas (9) pakistanaises, que certains décrivent comme des producteurs de « graines du terrorisme » et d’autres de « graines du jihad » en fonction de leurs opinions…»

 

 La carte des forces hostiles à la présence étrangère en Afghanistan

 

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Les Taliban

 

« Les wilayats (10) comme Kandahar, Khost, Zaboul, Ghazni (11) sont restés favorables aux Talibans. D’abord pour des raisons ethniques (les Taliban étant issus des tribus de ces régions). Ensuite en raison de la marginalisation politique dont leurs habitants souffrent face à Kaboul. Enfin, en raison du sang versé avec les combattants arabes au cours des batailles livrées ensemble pendant le jihad afghan. Cette relation a un sens quasi sacré pour les tribus pachtounes et les pressions américaines ont peu d’effet sur une population fascinée par l’esprit de défi guerrier.

Depuis leur chute (fin 2001), la première résurgence des Taliban, du moins sur un plan médiatique, est signalée par un communiqué publié dans le journal pakistanais « The News, » daté du 7 février 2003

« Les Taliban n’ont pas pu revenir sur la scène sans l’appui et la bienveillance du Pakistan. Leurs responsables parlent dorénavant avec les journalistes basés au Pakistan par l’intermédiaire de téléphones satellites. Contrairement à la situation prévalant à la chute du gouvernement afghan, les journalistes appellent sans crainte les représentants des Taliban. Si le Pakistan menace Al Qaïda du bâton, pour complaire aux Américains, il donne la carotte aux Taliban…

Les Taliban ont travaillé à attirer la classe des maoulaoui (12) et des ouléma (13) afghans dans leurs rangs. Ils sont parvenus à obtenir la signature d’une fatoua (14) par plus de 600 oulémas connus venant d’une trentaine de wilayats. Cette fatoua, qui appelle au jihad contre les forces américaines présentes en Afghanistan, circule à travers le pays, plus particulièrement dans les régions du nord…

Les Taliban, a révélé le journal Pakistanais Stateman, ont publié un bi-mensuel nommé « Mason » ou l’Apparition. Trois numéros sont sortis des presses pour être distribués à des personnalités ciblées. On s’attend prochainement à une vente publique de cette publication. En outre, ainsi qu’à d’autres journalistes des chaînes de télévision par satellite, les Taliban m’ont remis des vidéos prises pendant leurs opérations à l’intérieur de l’Afghanistan…

Ils distribuent aussi des communiqués et tracts, « Chab Nameh » en persan ou « lettres nocturnes. » Selon le Général Hamid Gul, 700 soldats américains ont été tués depuis le début de la guerre contre les Taliban et Al Qaïda…

Selon nos informations, les Talibans agissent par groupes d’une vingtaine de combattants sous le commandement d’une personne aux ordres d’un commandement régional. Celui-ci reçoit des ordres quotidiens pour appliquer la stratégie du mouvement décidé par le conseil consultatif formé par le mollah Mohammad Omar au début de 2003. Ces groupes disposent de liaisons radio et de téléphones par satellite pour communiquer avec le quartier général. Toujours selon nos informations, les Taliban agissent de nuit pour attaquer les convois de ravitaillement et les positions gouvernementales. Les opérations suicides, par contre, sont réalisées en plein jour.

En septembre 2003, une opération menée par les talibans à Zaboul a attiré l’attention. Plus de 400 combattants ont attaqué un poste militaire gouvernemental et tué 29 soldats. Puis ils ont hissé leur drapeau et désigné un nouveau gouverneur pour la région...

Le 17 octobre 2003, l’assistant du ministre de la Défense américaine a affirmé les forces de son pays prêtes à répondre à toutes les attaques des Taliban à l’intérieur de l’Afghanistan. Cela prouve bien que ces dernières sont passées de la défensive à l’offensive. La tentative américaine d’éradiquer les Talibans se solde donc par un échec...

Dans ce contexte, les forces américaines et le gouvernement afghan multiplient les actions pour tenter d’arrêter les opérations des Taliban à l’intérieur du pays et interrompre leurs infiltrations et celles d’Al Qaïda à partir du Pakistan. D’après les confidences d’une source gouvernementale à l’agence pakistanaise On Line, le pouvoir de Kaboul aurait l’intention de bâtir un mur de béton (sur la frontière) entre les agglomérations de Tchaman et Spin Boldak, soit une ligne de fortification de 40 km de long pour empêcher les infiltrations. Cela reste théorique car il est difficile de couper les tribus (à cheval sur la frontière).

 

Le Hezb-e-Islami

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Des sources proches d’Al Qaïda m’ont révélé qu’au début des bombardements américains sur l’Afghanistan, Oussama Ben Laden a offert à Hekmatyar (15) de rentrer en Afghanistan. Il a organisé pour lui les modalités du retour…

Jusqu’à aujourd’hui, on ne sait pas si Hekmatyar est à l’intérieur de l’Afghanistan ou dans la zone tribale (au Pakistan) même si la cassette vidéo que j’ai reçue de sa part a été prise de toute évidence en Afghanistan.

Dès son retour en Afghanistan (en 2002), Hekmatyar entreprit de réorganiser ses forces. Je l’ai alors interviewé par fax. Ses réponses révélaient sa détermination à combattre les forces américaines. Certains pensent qu’il s’est installé au Nouristan ou dans la Kunar, deux régions connues pour être ses points d’appuis traditionnels pendant la guerre contre les Soviétiques. Il a en effet toujours beaucoup de partisans dans ces régions.

Ces derniers ont mené un grand nombre d’opérations contre les forces américaines. Leur stratégie consisterait à cibler celles-ci en évitant de toucher des Afghans. Cependant, cela semble impossible en raison de la faiblesse des effectifs américains à l’intérieur de l’Afghanistan. En outre, comme les autres opposants (aux Américains), Hekmatyar craint que ces attaques ne renforcent le rôle des forces afghanes qui risquent de faire barrage entre eux et les troupes américaines.

Des rumeurs ont circulé à propos de rencontres entre le Hezb-e-Islami, les chefs taliban et ceux d’Al Qaïda en Afghanistan afin de coordonner les opérations militaires. Mais il nous semble difficile qu’ils communiquent ainsi entre eux en raison de la pression des Américains qui les empêchent d’organiser des réunions périodiques de coordination.

Des informations me sont parvenues révélant le financement de certaines opérations du Hezb-e-Islami par Al Qaïda. Les forces américaines ont arrêté le gendre de Hekmatyar, Bahir, espérant obtenir de lui des informations sur le lieu où se cache Hekmatyar. Le FBI a contribué à l’arrestation et Hekmatyar a écrit au premier ministre pakistanais, en septembre 2003, pour lui demander d’intervenir afin de faire relâcher son gendre. Le pouvoir pakistanais n’a pas bougé, car il connaît les limites à ne pas franchir dans sa relation avec les Etats-Unis.

Le Hezb-e-Islami signe ses opérations du nom de « groupe de l’armée secrète des moujahidines afghans. » Dans un communiqué en pachtoun, daté d’octobre 2003, il décrivait les tactiques à employer contre les forces américaines. Il qualifiait les forces d’opposition d’armée et la disait formée de 6 groupes; le Hezb-e-Islami de Hekmatyar et de Younos Khales (16) , les Taliban, Al Qaïda, Bourhanouddine Rabbani, Sayyaf et Mojaddedi. Ceci pour convaincre de la diversité de la résistance (17) .

Ce document de 16 pages donne des conseils tactiques, des informations sur le genre d’armes à utiliser, sur le choix des cibles, sur les forces de l’alliance du nord (NDT : forces gouvernementales). Dans ce texte on note du nouveau pour la mentalité afghane. Les soldats des pays alliés des Etats-Unis, comme le Tadjikistan, le Pakistan, l’Ouzbékistan, et même l’Iran qui cherche à convaincre les chiites afghans de soutenir les forces du nord (NDT forces gouvernementales) y sont désignés comme des cibles licites (NDT : légitimes au regard du droit islamique).


Al Qaïda

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Des groupes opposés à la présence américaine en Afghanistan, le plus dangereux est probablement Al Qaïda. Bien que bénéficiant de la coopération internationale, l’Amérique n’a pas réussi à percer ses secrets, ceci en dépit de ses opérations de recherche et des arrestations.

La dangerosité de ce mouvement réside dans l’animosité accumulée par les jeunes d’Al Qaïda contre les forces américaines et leur volonté de poursuivre l’affrontement coûte que coûte.

On a vu des exemples concrets de cela au cours de la bataille de Chah-e-Kot (18) .

 

Les attaques suicides

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Les opérations suicides contre les alliés à Kaboul portent la marque d’Al Qaïda, ce qui a été avoué devant moi par des sources proches de cette organisation. Psychologiquement, les Afghans ne sont pas encore prêts à de telles actions bien que, récemment, ils aient attaqué de cette manière des Américains et des Canadiens.

En raison de son expérience dans le domaine des opérations suicides, Al Qaïda a essayé d’envoyer des experts en Iraq pour entraîner des jeunes du pays. Ceci pour répondre à la demande de certains partis islamistes irakiens, qui craignent que l’intervention directe d’Al Qaïda avec ses propres troupes ne donne des arguments aux Occidentaux et aux régimes arabes, ces derniers considérant toute intervention d’Al Qaïda comme terroriste. Ces partis demandent à l’organisation de Ben Laden de se limiter à inciter la Oumma (19)à combattre.

Pour ces raisons Al Qaïda n’a fait qu’offrir ses conseils à la résistance irakienne tout évitant d’en parler dans les médias. Cependant, au cours des derniers mois, elle aurait changé de stratégie et commencé à agir en Irak en coordination avec des groupes islamistes alliés comme le mouvement kurde Ansar al Islam, dont elle a par ailleurs entraîné la majorité des membres en Afghanistan.

Le 19 octobre 2003, cela n’a pas empêché Oussama Ben Laden d’adresser un message au peuple iraqien dans lequel il qualifie les Kurdes de fils de Saladin. dans ce document écrit par l’un des responsables d’Al Qaïda, Abou Moussaab Al Zarqaoui, de son vrai nom Ahmad al Khalayla, il invite à frapper les chiites iraqiens. Cela demande des éclaicissements.

Les attentats suicides qui ont touché les mosquées de Kerbala et de Bagdad le 2 mars 2004, au moment de la fête de l’Achoura (20) , ont engendré une situation nouvelle. Surtout après les accusations portées par Sistani (21) , l’Iran et Hassan Nasrallah (22) qui accuse Al Qaïda d’être responsable de ces attaques. Ceci trahit la complexité des relations entre Téhéran et Al Qaïda quand on sait que cette organisation a effectué plusieurs attentats à l’intérieur de l’Iran en réponse à l’arrestation, ou comme le disent les membres d’Al Qaïda « le kidnapping, » de plus de 150 de ses cadres réfugiés à Téhéran depuis la chute de l’Afghanistan. Parmi eux, nous pouvons citer les noms du responsable du service de sécurité d’Oussama Ben Laden, Seif el Adl, du porte-parole d’Al Qaïda, Abou Ghaith, du leader égyptien Abou Mohammad et des trois fils d’Oussama Ben Laden. Les efforts déployés pour inciter l’Iran à les libérer n’ont pas abouti. La déclaration de Kharrazi (23) , évoquant la possibilité de les juger sur le territoire iranien, inquiète Al Qaïda au plus haut point. Elle a alors exécuté plusieurs attaques sans en revendiquer la paternité.
Mais, Qom
(24) a compris l’organisation de Ben Laden responsable de :
- l’attaque à la roquette contre l’ambassade britannique à Téhéran,
- les kidnappings de journalistes étrangers puis leur libération.

Elle est aussi responsable de l’opération suicide contre un train iranien qui transportait du matériel militaire et qui a explosé touchant des civils. D’après des confidences reçues de sources proches d’Al Qaïda, les membres de l’organisation avaient placé plus de 30 charges explosives au départ à Téhéran. Puis ils ont contacté la Présidence de la République pour l’en informer, la menaçant de conséquences graves si ses membres n’étaient pas libérés.

L’un des responsables militaires d’Al Qaïda a rejeté toute responsabilité dans l’assassinat de Baqer Al Hakim (25) . Pourtant, les mêmes sources proches d’Al Qaïda, m’ont affirmé le contraire

Ce qui a courroucé Al Qaïda ce sont les déclarations de Mohammad Ali Abtahi, vice-président iranien, quand il a déclaré au Centre des Etudes Stratégiques aux Emirats Arabes Unis, en février 2004 : « Sans le soutien iranien en Irak et en Afghanistan, les forces américaines ne parviendront pas à stabiliser la situation. » Al Qaïda dispose de beaucoup d’indices et de preuves révélant l’importance de la collaboration iranienne avec les forces d’occupation (en Irak et en Afghanistan).

Oussama Ben Laden, d’après de nombreuses sources parmi ses proches, n’est pas convaincu de l’intérêt de collaborer avec l’Iran, ni même de coordonner son action avec ce pays. Mais le dossier iranien est du ressort du Dr Ayman Al Zawahiri (26) en raison des liens anciens entretenus par son groupe, le Jihad islamique, avec l’Iran, ce depuis, et peut-être même avant, l’assassinat de Sadate.

Certains estiment qu’Al Qaïda a voulu exaspérer la situation en Irak pour fixer les troupes américaines dans ce pays et éviter l’arrivée de nouvelles troupes en Afghanistan. The New Yorker, journal américain, avait parlé du déploiement prochain du régiment US 121 en Afghanistan pour participer à l’offensive de printemps contre les chefs d’Al Qaïda. Les attentats contre les chiites d’Irak ont obligé Washington à reporter l’opération. En même temps, ces événements s’accompagnaient du rappel de 18 mille membres de la garde nationale américaine en Irak… »

(L’auteur implique aussi Al Qaïda dans les tentatives d’assassinat contre le Président Moucharraf au Pakistan).

« Il s’est avéré plus tard que l’exécutant de l’attentat contre Moucharraf, un Pakistanais du nom de Mohammad Jamil, appartient au « Jaych Mohammad », organisation bannie depuis janvier 2002 et qui a des relations avec Al Qaïda. Mais un appareil de brouillage électronique était monté sur la voiture du Président, destiné à retarder l’éventuel signal de mise à feu d’une bombe placée sur la route. Cet équipement de fabrication israélienne a sauvé la vie de Moucharraf

La majorité des chefs des mouvements proches d’Al Qaïda ont réussi à se cacher jusqu’à présent en dépit des recherches de l’armée pakistanaises. La plupart des chefs et activistes de l’organisation qui ont été capturés au Pakistan, étaient abrités par les mouvements islamistes pakistanais y compris chez Qadi Hussein Ahmad, le chef du Jamaat. Khaled Cheikh a été arrêté dans une maison appartenant à la Jamaat et Abou Yasser Aljazairi à Lahore dans la demeure d’un militant de la Jamaa

 

Le facteur spirituel et moral

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La majorité des Afghans se sentira encouragée quand elle verra des éléments arabes combattant dans son pays, donnant à la résistance la même légitimité que pendant la lutte contre l’occupation soviétique, quand des milliers de jeunes Arabes ont accouru et combattu dans les rangs des moujahidine.

Au long des années, la relation entre combattants arabes et afghans s’est renforcée au point que le pouvoir des Taliban s’est sacrifié plutôt que de livrer Oussama Ben Laden.

Après la chute des Taliban, j’ai rencontré beaucoup d’Afghans, de Pakistanais et d’hommes des zones tribales vivant à proximité de l’Afghanistan. Je peux dire que la plupart de ces gens avaient une mauvaise opinion des Arabes en raison de « la suffisance » que ces derniers nourrissaient à leur endroit quand ils travaillaient comme immigrés dans les pays du Golfe. Depuis, cette image s’est inversée. Afghans et Pakistanais se sont aperçus que les Arabes n’étaient pas des enfants gâtés mais qu’ils avaient parcouru des milliers de kilomètres dans le noble but de les soutenir contre l’occupant. On s’en rend compte à la vénération qu’ils leur manifestent en décorant les tombes de ceux qui sont tombés au combat. Les Américains ont essayé d’interdire ces hommages à Khost (27) mais les habitants n’en ont pas moins continué de planter des drapeaux sur les tombes des combattants arabes

 

Les facteurs du retour
La zone tribale
(28), bouclier d’Al Qaïda et Taliban

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Le Pakistan voyait dans les Taliban un allié loyal et sûr, lui qui craint l’Inde, surtout depuis l’érection d’un axe politique entre les Etats-Unis, Israël et l’Inde

Bahram Khan, l’un des chefs les plus connus de la zone tribale, dit que les gens du Waziristan (29) considèrent Oussama Ben Laden et ses hommes comme des héros islamiques. Ces derniers s’arrêtent quelques jours chez eux comme hôtes et payent en guise de dédommagement dix à vingt mille roupies, l’équivalent de 380 dollars, « puis ils quittent sans causer aucun dégât ni déséquilibre dans l’ordre tribal. » Bahram ajoute : « Les Arabes et les Afghans étaient ici ensemble pendant le jihad contre les Soviétiques. Nous les avons alors accueillis. Maintenant ils sont chez nous. Rien n’a changé pour nous. C’est du côté des Américains et des Pakistanais que les choses ont changé. »

Al Majjala (un magazine pakistanais) rapporte des témoignages de gens de la région. Ils disent avoir vu Oussama Ben Laden après les bombardements américains sur Tora Bora en octobre 2001 (NDT en Afghanistan). Il est difficile de vérifier ces témoignages. Cependant, le magazine affirme qu’un certain Nour Zaman a alors croisé le chef d’Al Qaïda se dirigeant vers le mont Soleiman. « Des habitants de l’endroit se sont approchés de lui, rapporte-t-il. J’étais parmi eux. Nous avons crié : « Oussama le héros, Oussama le héros. » Il nous a serré la main et a disparu vers la montagne ». Nour Zaman continue : « Un de mes parents a reçu dans sa maison un combattant arabe. Après son départ, ils ont pris l’eau qu’il a utilisée pour ses ablutions et pour laver ses vêtements et l’ont répandue dans la maison pour la bénir. Beaucoup de gens de la région manifestent dorénavant un grand respect à l’égard de ce membre de ma famille pour avoir reçu cet Arabe sous son toit… »

Selon le témoignage des habitants, Al Qaïda et les Taliban achètent des armes en grandes quantités augmentant ainsi leur valeur marchande et celle des munitions. Le prix des Kalachnikov a doublé, celui des balles a été multiplié par quatre…

Comme autrefois les Britanniques, le Pakistan détruit les maisons des gens soupçonnés d’avoir accordé l’asile ou un soutien à Al Qaïda et aux Taliban. Le 10 novembre 2003, un journaliste pakistanais a demandé publiquement à Massoud Khan, le ministre des Affaires étrangères de son pays : « Quelle est la différence entre la destruction par le Pakistan des maisons des hommes de la zone tribale, sous prétexte qu’ils abritent des membres d’Al Qaïda et la destruction des maisons des familles de Palestiniens auteur d’attentats ordonnée par le Premier ministre israélien Ariel Sharon? »

La coopération du Pakistan avec les USA est de plus en plus mal perçue car elle blesse la fierté nationale et met en danger, à leurs yeux, la sécurité du pays. Des politiciens pakistanais commencent à manifester leur mécontentement contre la présence et l’activité des Indiens et des Américains en Afghanistan et en Asie centrale. Certains perçoivent cela comme un encerclement militaire et économique. Les Pakistanais, en soutenant les Taliban, s’assuraient un débouché commercial vers ces anciennes Républiques d’Asie centrale et s’ouvraient ainsi un accès aux réserves d’énergie. Ils nourrissaient l’espoir de faire transiter gaz et pétrole à travers le Pakistan.

Mais, aujourd’hui, l’Inde, elle aussi inquiète d’assurer ses approvisionnements énergétiques, renforce ses liens avec ces pays...

Ce pays a positionné une de ses unités militaires dans les années 90 au Tadjikistan… Il y a aussi des bases indiennes au Kirghizstan et en Ouzbékistan…

La tenaille renforce sa prise sur le Pakistan avec la présence indienne en Afghanistan…

Les milieux pakistanais estiment l’ouverture de trois consulats indiens en Afghanistan destinée à exciter les Afghans contre leur pays à propos du conflit latent relatif au tracé de la frontière

Le Pakistan voit aussi d’un mauvais œil les relations qui se nouent entre Israël et l’Afghanistan, Israël étant un allié de l’Inde, sa présence en Afghanistan est une menace pour la sécurité nationale. Les rencontres du ministre afghan des Affaires étrangères, Abdallah Abdallah, avec Silvan Shalom, son alter ego israélien, en Asie centrale… celle du président Karzaï avec le ministre israélien Nathan Charansky au Kazakhstan fin juin 2003… tout cela nourrit l’inquiétude pakistanaise de voir l’Afghanistan devenir une base arrière de ses ennemis indien et israélien. Les déclarations des officiels afghans en faveur d’Israël augmentent la distance entre le gouvernement de Kaboul et son peuple, qui lui n’aime pas l’Etat hébreu et soutient les causes arabes…

 

Une minorité est aux commandes et une majorité exclue

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En Afghanistan, les pachtouns se sentent marginalisés et en sont très mécontents… La corruption des gens issus de l’Alliance du Nord accentue leur colère… (Un groupe) avec à sa tête le maréchal Mohammad Qassem Fahim Khan, achète terrains et maisons à Kaboul. On les appelle la « mafia de l’immobilier. » Ce type de groupes exerce des pressions, tantôt terrorisant les gens, d’autres fois cherchant à les séduire pour obtenir leurs biens à bas prix. Le ministre de la Défense, par exemple, possède une rue entière dans le quartier de Wazir Akbar Khan, l’un des plus chics de la capitale…
Le projet de constitution, écrit sous occupation, est lui aussi très mal accueilli. Les prérogatives du Président sont de peu d’étendue. Il n’a pas le droit, par exemple, de demander le départ des forces étrangères...

La drogue

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60% des revenus de l’Afghanistan proviennent du trafic de la drogue. Il permet aux Taliban de s’approvisionner en armes. Cette drogue arrive en Europe via la Russie, la Turquie et les pays du Balkans. Elle représente un prix de vente de 2,5 milliards de dollars par an…

On reproche aux Américains de concentrer leurs efforts sur ce qu’ils appellent le terrorisme sans prendre en considération ses causes. Les aides votées par le Congrès américain pour l’Afghanistan s’élèvent à 13 milliards de dollars. Elle sont utilisées pour couvrir les dépenses militaires et ne contribuent en rien à l’amélioration du quotidien des Afghans. Résultat, ils ne voient pas de différence entre le régime des Taliban et l’actuel gouvernement sur le plan des services et du développement économique.

Cette politique américaine à courte vue non seulement a des conséquences néfastes pour l’Europe, mais elle remplit aussi les poches des seigneurs de la guerre afghans qui, d’un point de vue occidental, sont une menace pour la stabilité du pays…

En visite en Afghanistan en septembre 2003, Rumsfeld, interrogé sur ses intentions concernant la lutte contre la drogue a répondu : « franchement, je ne sais pas. » Les ONG américaines et internationales se plaignent de la lenteur des forces US qui détiennent l’autorité et l’argent pour ordonner l’exécution de projets humanitaires en Afghanistan. Ne serait-ce que pour creuser un puits, il faut une douzaine de signatures du Pentagone et au moins trois mois pour le voir terminé. Tout cela favorise d’émergence d’une économie parallèle, qui menace l’économie légale et gangrène tous les autres domaines de la vie sociale…

De différentes sources afghanes j’ai appris que les Taliban et d’autres forces opposées à l’occupation offraient de la drogue aux troupes américaines comme le faisaient autrefois les moujahidine avec les occupants russes.

Hamid Mir, un journaliste pakistanais de grande renommée, m’a révélé que, traversant la Kunar au cours de l’été 2003, il avait rencontré des membres arabes d’Al Qaïda en possession d’armes américaines sophistiquées. Ils ont dit les avoir obtenues en les échangeant contre de la drogue avec des soldats américains.

 

Les Seigneurs de la guerre et les armes illégales

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Les seigneurs de guerre sont toujours puissants et représentent un obstacle à l’établissement de l’autorité gouvernementale et à l’instauration de la sécurité…

Selon les estimations les miliciens seraient plus d’un demi million... les tentatives de désarmement échouent donnant lieu à des affrontements causant des dizaines de mort en une seule journée. Comme par exemple le 1er novembre 2003 quand 47 personnes sont mortes et plusieurs dizaines ont été blessées pour cette raison à la suite d’affrontements…

 

La sécurité et la stabilité

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Les attaques des Taliban ont fait plus de 300 morts de part et d’autre jusqu’en septembre 2003. Ils opèrent sur les routes reliant les villes afghanes, surtout entre Kaboul et Ghazni, Kandahar, Gardez. Cela gène le ravitaillement des forces américaines. La route Ghazni-Kandahar a été sous contrôle Taliban pendant plusieurs jours. Leur pression s’accentue sur les forces gouvernementales qui, chaque fois, sont obligées de réclamer l’aide des forces américaines.

Les Taliban s’en prennent aussi aux ONG internationales qu’ils considèrent comme leur étant hostiles du fait de leur financement par l’Occident, plus particulièrement par les Etats-Unis. Ainsi un nombre important de membres de ces ONG ont été la cible de leurs attaques…

Durant les deux premiers mois de 2004 ,12 employés d’ONG sont morts. L’objectif évident de ces opérations est de détruire les projets de reconstruction dirigés par les forces américaines et afghanes…

Selon un rapport des Nations Unies, un tiers du territoire afghan est considéré comme d’un accès dangereux pour les ONG distributrices d’aides…

Le sentiment d’insécurité se répand dans tout le pays. J’ai rencontré beaucoup de gens du Nord qui s’en plaignent. Ils estiment que la situation était cent fois meilleure du temps des Taliban…

 

Le Pakistan et ses islamistes

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Les madrasas (9) sont considérées par les Occidentaux et surtout les Américains comme des bases arrières des Taliban. Ces écoles ne cachent pas leur soutien à ces derniers. Beaucoup des chefs de ceux-ci sont sortis de ces écoles, et un grand nombre de petits Afghans y étudient actuellement…

Il existe 25 000 écoles coraniques non déclarées au Pakistan, selon le ministère des Affaires religieuses. 10 à 15% d’entre elles pratiquent une politique militante discriminatoire à l’égard des autres courants religieux. Le revenu de ces écoles est important et atteindrait le milliard de dollars. Leurs directions ont refusé de soumettre leur comptabilité aux autorités, comme le leur ordonnait le Président Moucharraf.

Moucharraf admire l’exemple d’Atatürk… cela déplaît aux islamistes, surtout au Pakistan. Le fossé se creuse entre eux et l’armée au pouvoir, plus particulièrement depuis l’alignement du gouvernement sur les Etats-Unis dans la guerre contre Al Qaïda et les Taliban. Les actions de l’armée contre les groupes islamistes cachemiris, très proches des groupes islamistes pakistanais, ajoutent encore à la mésentente...

Les forces islamiques s’enracinent de plus en plus au Pakistan et la haine de l’Amérique va croissante. Paradoxalement, cela renforce aussi Moucharraf vis-à-vis des Américains qui peut leur dire, c’est moi ou les islamistes…

Les amis des islamistes au sein de l’armée ont apparemment bien conseillé leurs protégés. En octobre 2001, ces derniers ont réussi à rassembler tous les groupes islamistes dans une même formation appelée « le conseil de défense de l’Afghanistan et du Pakistan ». 26 partis y figurent.

La reconstruction et la chute des slogans

Page 218

 

En deux ans de présence américaine, les forces d’occupation n’ont dépensé que 600 millions de dollars pour des projets de reconstruction intangibles au regard des Afghans, tandis qu’elles ont dépensé 9 milliards de dollars pour financer leur propre entretien et leur effort militaire…

Que répondre à Oussama Ben Laden quand il affirme que la guerre menée par Bush n’est qu’une croisade?

Beaucoup d’Afghans rencontrés au cours de mes déplacements disent qu’ils avaient soutenu les Américains contre les Taliban espérant pouvoir bénéficier d’une vie meilleure. Ils se plaignent maintenant que leur situation a empiré. Ceux qui étaient rentrés du Pakistan, où ils s’étaient réfugiés, y sont retournés faute de trouver des écoles et des hôpitaux dans leur pays.

Selon des sources pakistanaises, le nombre des tués depuis l’arrivée des forces américaines et jusqu’en février 2004, s’élève à 70 000 civils…

 

Les Américains sur deux fronts

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Les Américains ont démontré qu’ils étaient incapables de traiter deux crises en même temps. Les responsables afghans les avaient pourtant prévenus, les engageant à ne pas ouvrir un second front en Irak. La guerre en Irak a donné du souffle aux forces anti-américaines en Afghanistan.

Le chaos qui a suivi l’occupation américaine de l’Irak a permis à Al Qaïda d’envoyer des hommes là-bas, dans un premier temps, puis de lancer des opérations dans des pays voisins comme l’Arabie Saoudite…

 

La personnalité charismatique de l’opposition

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Mollah Omar est apprécié parce qu’il est resté fidèle à ses principes et n’a pas trahi Oussama Ben Laden. Il ne recherche pas un profit personnel et a montré sa capacité à éviter de tomber dans les mains des Américains…

Un journaliste pakistanais m’a rapporté qu’un jour il a rencontré Akhtar Mohammad, le conseiller financier de mollah Omar. C’était en novembre 2003. Il avait avec lui un ordinateur pentium 4 et se déplaçait dans des voitures neuves. Les chefs des Taliban, selon ce journaliste, communiquent entre eux à l’aide d’ordinateurs et se servent d’Internet. »

 Annexe

Interview du chef militaire des Taliban, le mollah Dadallah (Dadullah) par Ahmed Zaidan

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(Cette interview a été accordée à l’auteur pour la chaîne de télévision Al Jazeera en Afghanistan. Nous vous donnons la traduction de quelques passages).
..


Dad Allah (Dadullah) : « Nous allons organiser des opérations martyres comme nous l’avons déjà fait dans nos opérations militaires… Nous n’avons pas fait de prisonniers américains, et actuellement nous n’en détenons pas. Par contre nous tenons des Turcs et quelques ressortissants d’autres pays. Nous avons proposé aux Américains de les échanger contre les hommes de nos rangs qu’ils détiennent, mais ils ont refusé… Nous sommes en relation directe avec le cheikh maoulaoui Younos Khalis et avec Gulbuddin Hekmatyar. Ce sont nos frères et nous entretenons des relations avec toutes les organisations souhaitant combattre l’ennemi…Nous coordonnons nos actions avec eux à partir du moment où ils acceptent de prêter allégeance au mollah Omar ... Les combattants arabes n’ont pas quitté l’Afghanistan pour l’Irak, ils sont toujours à nos côtés… L’Iran a fait des actions en faveur du jihad et d’autres contre.

Il semble qu’il existe deux tendances en Iran en ce qui concerne les Etats-Unis. L’une soutient le jihad contre l’Amérique, l’autre croit nécessaire de collaborer avec les Américains pour atteindre les objectifs politiques de l’Iran… »

 

 «Le retour des bannières noires"
Comment Al Qaïda, les taliban et le Hezb-e-Islami ont ressurgi

Par Ahmad Mowaffaq Zaydan (Ahmed Zaidan)
Correspondant d’Al Jazeera et Al Hayat»

Copyright Compagnie Mondiale du Livre Sal Liban

PoBox3176 Beyrouth Liban
www.wbpbooks.com ISBN 9953-14-057-X

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Texte en arabe. Traduction effectuée par le «Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001. » Tous droits réservés.

 

NOTES

(1) Un « hadith » est un propos tenu par Mahomet. Ces textes aux allures proverbiales ou prophétiques servent de référence, en importance loin derrière le Coran cependant, à la pensée musulmane.
(2) Région du nord-est de l’Iran et du nord-ouest de l’Afghanistan, le Khorasan est dans la geste musulmane le symbole d’une région riche et mystérieuse.
(3) Le calife, ou « khalifat » en arabe, est le successeur de Mahomet à la tête de la communauté musulmane.
(4) Pour les musulmans, le « Mehdi » ou « Mahdi » est un personnage qui arrivera à la fin des temps pour ramener la paix sur terre. L’auteur le considère ici comme le dernier des califes. Il ne le dit pas explicitement, mais liant l’arrivée des « bannières noires, » pour lui un fait, et la prophétie annonçant avec elles le retour du « Mehdi, » Zaydan annonce la fin du monde.
(5) Compilateur des hadiths de Mahomet vivant au IXème siècle dans la région de la Mer Caspienne.
(6) Gulbuddin Hekmatyar dirige le Hezb-e-Islami, parti islamiste autrefois associé à la résistance contre les Soviétiques, passé ensuite à l’opposition contre l’alliance dirigée par Ahmad Shah Massoud, puis allié des Taliban.
(7) La ville de Kandahar se situe au sud-ouest de l’Afghanistan. Elle est le berceau de la monarchie du pays.
(8) Les Douranis constituent une tribu dont sont issus tous les rois d’Afghanistan à l’exception d’un seul pendant une très courte période.
(9) Madrasa ou école coranique.
(10) Wilayat ou gouvernorat.
(11) Villes du sud du pays, proches du Pakistan.
(12) Personnalité religieuse.
(13) Docteur de la loi islamique.
(14) Avis juridico-religieux.
(15) Hekmatyar, dont les troupes avaient été défaites sur le terrain par les autres protagonistes de la guerre civile afghane, s’était réfugié en Iran quand les Taliban gouvernaient à Kaboul.
(16) Autre chef de la résistance contre les Soviétiques et responsable alors d’un mouvement concurrent de Hekmatyar.
(17) Hekmatyar joue de toute évidence sur l’ambiguïté de la situation car plusieurs des personnalités nommées, pour la plupart d’anciens résistants contre les Soviétiques, sont en réalité dans le camp des Américains.
(18) Lieu de combats acharnés entre Al Qaïda et les Américains à la fin de l’année 2001 et au début de l’année 2002.
(19) La communauté musulmane.
(20) Fête musulmane particulièrement importante chez les chiites.
(21) Principale figure religieuse de l’Irak Chiite.
(22) Chef du Hezbollah libanais, organisation chiite proche de l’Iran.
(23) Ministre des Affaires étrangères de la République islamique d’Iran.
(24) Principal centre religieux de l’Iran.
(25) Responsable assassiné de l’un des principaux courants chiites irakiens.
(26) Zawahiri, bras droit de Ben Laden, et chef d’une scission du mouvement du Jihad islamique égyptien coupable de l’assassinat d’Anouar Al Sadate.
(27) Ville frontière du sud-est de l’Afghanistan.
(28) Depuis la colonisation britannique sur la péninsule indienne, a été créée une zone tampon entre l’Afghanistan et le Pakistan où les tribus pachtounes jouissent d’une certaine autonomie. On appelle ces territoires échappant à l’autorité pakistanaise « zone tribale. »
(29) District de la zone tribale.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

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