SIMPLEMENT
LE LIBAN

 

Ruines de Baalbek, temple dédié à Jupiter

juin 2006

  Il faut, pour comprendre ce qui se passe au Liban, oublier le superflu et ne retenir que l'essentiel. Le superflu, ce sont les histoires dont les Libanais aiment à encombrer leur quotidien. L'essentiel, trois strates d'intérêts conflictuels : celui des communautés dessinées par l'appartenance religieuse, celui des influences étrangères et, enfin, le niveau des luttes intestines, résultat du carriérisme des hommes politiques. Pour connaître le repos, le Liban doit neutraliser ces trois champs conflictuels en équilibrant les forces qui s'opposent. Une équation difficile à résoudre.

" Le Liban ne peut résoudre ses problèmes en dehors de son entourage et du conflit israélo-arabe. De même qu'il ne peut parvenir à des solutions dont l'unique objectif est de créer une adversité avec la Syrie... "

george Adwan-Forces LibanaisesGeorges Adwan, vice-président du comité exécutif des Forces libanaises, prononçait ces mots le 19 mai 2006 lors d'une entrevue accordée à " La Voix du Peuple. "

Aujourd'hui toute une partie du Liban s'est ralliée consciemment ou non à cette position d'équilibre entre les deux embarrassants voisins, la Syrie et Israël. Les partisans du mouvement " du 14 mars " en sont les tenants.

Tout part de l'assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, le 14 février 2005. Les services syriens ont vraisemblablement perpétré le crime. En tout cas, la majorité des Libanais le croit. Le 14 mars, un rassemblement monstre réunit le quart de la population du pays. La pression est telle que, s'ajoutant aux appels des Nations unies, elle oblige les forces syriennes à quitter le pays.

Vu de loin, on pourrait croire l'influence des communautés annulée par la solidarité nationale. Les événements vont démentir cette apparence, car un autre camp se met en place.

Le Hezbollah et le parti Amal, les organisations chiites, en sont la force principale. S'y joignent les groupuscules gauchisants proches du panarabisme et les profiteurs de l'occupation syrienne. Nul ne pouvant ouvertement approuver l'assassinat d'Hariri, ce camp fait mine de s'associer au deuil. Mais déjà, il renouvelle son pacte de fidélité à la Syrie.

La situation va alors se durcir autour de deux mobiles : les armes du Hezbollah et l'enjeu du pouvoir présidentiel.

Dernière milice de la guerre civile à contrôler une force armée, le Hezbollah était instrumentalisé par la Syrie pour faire peur aux chrétiens. Dans ce cadre, ces derniers n'avaient plus que la solution de désespoir d'accepter la protection d'un pouvoir contrôlé par l'occupant. Mais le Hezbollah, qualifié de résistance contre l'autre occupant, Israël, est aussi largement à l'origine du départ de l'armée de l'État hébreux du Sud Liban, au printemps 2000. Se parant de cette gloire, prenant aussi prétexte du maintien d'Israël dans la poche des fermes de Chebaa, le parti chiite refuse de déposer les armes.

Quant à la Présidence, elle est, selon les règles en vigueur, l'apanage de la communauté maronite. Or, son occupant, Emile Lahoud, s'avère un partisan de la Syrie. Il s'accroche à son fauteuil quand ceux " du 14 mars " voudraient l'en éjecter.

Dans ce cadre, on voit le champ du conflit communautaire s'intégrant à celui de l'influence étrangère. Ne manquait que la combinaison avec le troisième strate, celui du carriérisme politique. C'est Michel Aoun qui allait jouer le rôle essentiel.

Au mois de juin 2005, les élections législatives lui sont favorables dans la région chrétienne. Il pose au sauveur du Liban et ne cache pas son intention de régenter l'opposition. Mais les dirigeants de celle-ci se méfient de lui. Ils l'acceptent comme pair mais le refusent en maître absolu. Alors Aoun bascule aux côtés du Hezbollah. Lui qui, pendant son en exil de quinze ans, n'a cessé de fustiger les Syriens, passe sous leur drapeau. Ainsi, croit-il, il obtiendra des députés la Présidence de la République réservée à la communauté maronite dont il est issu.

Quand on entend Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah, déclarer : " Nous couperons les mains, la tête et arracherons l'âme à ceux qui voudront nous désarmer... " Quand il ajoute que " dans une logique coranique " il est hors de question de dissocier la "résistance" du Liban de celle de la Palestine et de l'Irak, on comprend son camp loin de la logique d'équilibre prônée par ceux " du 14 mars. "

On comprend aussi Aoun se fourvoyant dans une impasse mortelle pour ceux qui le suivent.

Alain Chevalérias

est consultant au:

Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001

 

 

Cratère de l'explosion qui a coûté la vie du premier ministre libanais, Rafic Hariri.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Cheikh Hassan Nasrallah et le général Michel Aoun au lendemain de leur alliance.

Lire aussi:
Le Hezbollah une force politique
Interview du cheikh Mohammad Hussein Fadlallah
 
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