INTERVIEW DU CHEIKH MOHAMMAD HUSSEIN FADLALLAH.

 entretien conduit par Alain Chevalérias * et Badih Karhani **

Mars 2005

 

L'Ayatollah Mohammad Hussein Fadlallah est né à Najaf (Irak) dans une famille cléricale chiite d'origine libanaise, est retourné sur la terre de ses ancêtres en 1966 et s'y est établi définitivement. Depuis 1982, il passe pour être l'inspirateur de la mouvance islamiste chiite au Liban.

 Alain Chevalérias : Quelle évaluation faites-vous de la présence syrienne au Liban?

Sayyed Mohammed Hussein Fadlallah (1) : Tout pays doit pouvoir décider librement de son avenir politique économique et social. En même temps il ne doit pas se priver de collaborer avec les autres pays dans le cadre d'un respect mutuel. Voilà pourquoi nous ne parlons pas de la Syrie de manière manichéenne, que ce soit d'un point de vue positif ou sous un angle négatif.

A.C.:Vous semblez avoir des reproches à adresser à la Syrie. Quels sont-ils ?

M. H. F. : Elle a accompli une tâche positive en ramenant la paix civile dans le pays et en aidant l'armée libanaise à se réorganiser et à s'entraîner. Cependant, dès le début, nous n'avons pas approuvé les ingérences des services de sécurité dans la vie politique libanaise. Nous l'avons souvent répété à aux responsables syriens : " Votre erreur est d'être entrés au Liban en jouant la carte de la sécurité et non celle des relations politiques. Le Liban ne peut être gouverné uniquement au nom de principes sécuritaires... "

A.C.:Etes-vous partisan du départ de l'armée syrienne du Liban ?

M. H. F. : Nous sommes en faveur du départ de l'armée et des services de renseignements syriens du Liban. Cependant, nous souhaitons que cela se fasse sans provoquer de rupture entre nos deux pays. Nous voulons qu'un nouveau dialogue s'instaure, en tant qu'Etats souverains et sur la base de nos intérêts vitaux. Nous ne voulons pas que le Liban devienne un moyen de pression, utilisé par la France ou les Etats-Unis, contre la Syrie.

A.C. : Que voulez-vous dire par " un moyen de pression " utilisé par la France ou les Etats-Unis ?

M. H. F. : Nous ne pouvons pas croire l'initiative du vote de la Résolution 1559 (2) sans arrières pensées. Nous sommes convaincus que ses inspirateurs pensent moins aux intérêts des Libanais qu'à ceux des Etats-Unis et de la France en Syrie et au Liban. Je pense en particulier aux aspects, économiques et politiques de l'occupation américaine en Irak, pour lesquels la Syrie est sommée d'apporter son aide. Nous ne voulons pas le Liban manipulé par les Américains ou les Français, pas plus que par les Syriens.

A.C. : Pourquoi, en pareil cas, la population chiite libanaise a-t-elle manifesté en faveur du maintien des troupes syriennes au Liban ?

M. H. F. : Ce n'est pas exact. D'abord les manifestations ne regroupent pas seulement des chiites. D'autres groupes appartenant à différentes communautés se sont retrouvés à leurs côtés. Il s'agissait en réalité, non pas de demander aux forces syriennes de rester au Liban, mais de les remercier, elles et leur pays, pour les aspects positifs de la tâche accomplie (3).

A.C. : Etes-vous en faveur de la poursuite du processus de Taëf (4) jusqu'à son terme ?

M. H. F. : Nous sommes pour l'application de Taëf, y compris pour le volet concernant la suppression du système politique confessionnel.

A.C. : Pourquoi soutenez-vous l'annulation du système politique confessionnel ?

M. H. F. : Parce que nous croyons à la citoyenneté libanaise.

A.C. : Les chiites jouissent au Liban d'une démographie plus forte que les autres communautés. Si le système confessionnel était supprimé, dans quelques années, cette communauté ne serait-elle pas appelée à gouverner le pays ?

M. H. F. : Au Liban, les chiites sont à peu près aussi nombreux que les sunnites (5). Le Liban est un rassemblement de minorités. N'oubliez pas, il y a aussi les chrétiens. Les chiites ne forment qu'un quart de la population du Liban. Nous voulons qu'aucune position étatique ne soit réservée à une communauté confessionnelle. Nous les voulons ouvertes à tous sur décision des électeurs. Enfin, nous voulons que ces derniers, comme chez vous en France, soient identifiés, non sur une base confessionnelle, mais en raison de leur appartenance nationale.

A.C. : Voulez-vous dire que la magistrature suprême elle-même doit être déconfessionalisée?

M. H. F. : Y compris les postes les plus élevés. Nous voulons une déconfessionnalisation totale du système politique.

A.C. : En Occident, on ne manquera pas d'apprécier votre attachement à la démocratie. Néanmoins, compte tenu de la progression démographique des chiites, comprenez-vous l'inquiétude des autres communautés libanaises quand on parle de déconfessionnalisation politique ?

M. H. F. : Chez les chiites il y a des libéraux, des nationalistes pan-arabes, des islamistes. Les chiites ne forment pas un bloc homogène. Comme les sunnites ou les maronites, ils sont divisés. Il faut comprendre, un chiite libéral gouvernera non pas en tant que chiite, mais comme un citoyen libanais.

A.C. : Etes-vous en faveur du désarmement du Hezbollah (6)?

M. H. F. : Cela dépend des circonstances. Actuellement, le Liban est toujours en état de guerre avec Israël. Or l'armée libanaise ne dispose pas des forces nécessaires pour assurer la défense du Liban. Voilà pourquoi le Hezbollah s'est constitué en armée populaire de réserve qui coordonne son action avec l'armée nationale et le gouvernement. Ce n'est donc pas une milice (7). Aussi, quand le conflit sera réglé entre Israël et le Liban, alors seulement le Hezbollah n'aura plus de raison d'exister.

A.C. : Je ne comprends pas bien l'utilité du Hezbollah contre une armée comme celle d'Israël. Pouvez-vous m'expliquer ?

M. H. F. : Israël ne cesse de violer l'espace aérien et les eaux territoriales du Liban. Parfois, même, son armée procède à des incursions terrestres (8). En raison de la ligne politique de refus d'affrontement adoptée, l'armée libanaise ne peut pas entrer au contact des forces israéliennes (9).

A.C. : Si les Israéliens se retirent des hameaux de Chebaa (10), le Hezbollah doit-il être désarmé ?

M. H. F. : L'affaire va bien au-delà des hameaux de Chebaa. L'objectif doit-être la fin de l'état de guerre, car si nous parvenons à cela, il n'y aura plus d'excuses aux agressions d'Israël contre notre pays. Israël nous a habitués à sa traîtrise.

A.C. :Parlez vous d'un accord de paix entre Israël et le Liban ?

M. H. F. :
Oui.

A.C. : La protection du territoire libanais ne relève-t-elle néanmoins pas d'abord, et avant tout, de la mission de l'armée libanaise et non du Hezbollah ?

M. H. F. : Je vous l'ai dit, l'armée libanaise ne dispose pas des moyens nécessaires pour combattre les forces israéliennes. Elle n'est soutenue ni par l'Amérique, ni par la France, et ne reçoit de personne les armes qui lui auraient permis de faire face à Israël quand ce pays attaque le Liban. Les Etats-Unis lui avaient promis une aide de 300 000 dollars. Nous n'avons rien vu venir. Il est même arrivé que le Président de la république en personne déclare notre armée en rupture de munitions (11). En matière de guérilla, et non de guerre conventionnelle, le Hezbollah est plus fort que l'armée libanaise. Il dispose d'armes défensives.

A.C. : En pareil cas, pourquoi les fournisseurs d'armes du Hezbollah n'équipent-ils pas l'armée libanaise ?

M. H. F. : Ainsi va la politique des Etats. Les Etats-Unis donnent bien des armes à des organisations politiques qui, paraît-il, remplissent des missions démocratiques, comme Bush le déclarait encore ces jours-ci. Et puis, quand nous parlons de la résistance libanaise, rappelez-vous de celle de la France contre l'occupation allemande.

A.C. : En France, le territoire était occupé par les Allemands. Ce qui restait de l'armée française était sous le contrôle de ces derniers. La situation était différente.

M. H. F. : C'est vrai, mais chez nous l'armée n'a pas plus de réalité que si elle n'existait pas. Souvenez-vous, pendant la guerre civile, l'armée libanaise s'est fractionnée entre les différentes sensibilités confessionnelles (12). Puis la Syrie est intervenue pour la réunifier (13). En outre, aujourd'hui, sur le plan conventionnel, aucune armée arabe n'est capable de faire face à celle d'Israël. Voilà pourquoi, que l'armée libanaise existe ou pas, quand un conflit éclate avec l'Etat hébreux, nous n'avons pas d'autres recours que la guérilla.

A.C :En fin de compte, vous jouez tous, Israéliens et Libanais ?

M. H. F. : La politique et la sécurité du monde sont devenus un jeu. L'Amérique la première joue avec les autres pays sous prétexte de démocratie. Bush s'est autoproclamé prophète, un envoyé céleste. Les Français savent bien cela.

A.C. : Le patriarche Sfeir a déclaré " si les démonstrations de force se poursuivent dans la rue, je ne sais pas où cela va nous mener ". Partagez-vous cette inquiétude ?

M. H. F. : Je suis complètement d'accord avec lui. Les discussions de rue ont un caractère émotionnel. Il faut craindre qu'elles ne réveillent des ressentiments amenés par les relents de l'histoire ou un trop plein de confessionnalisme. Nous avons du reste remarqué que si, au cours des récentes manifestations, les gens n'ont pas utilisé d'armes, ils ont clamé des slogans politiques agressifs d'inspiration confessionnelle. C'est pourquoi nous sommes favorables à un dialogue raisonnable et à huis clos pour rassembler les Libanais sur un projet commun. Je suis d'accord avec le Patriarche Nasroullah Sfeir. Lorsque l'évêque Roland Abou Jaoudé m'a rendu visite de sa part, je me suis exprimé ainsi. Il a ensuite évoqué cela dans son prêche.

A.C. : Il y a peu, l'Ambassadeur des Etats-Unis au Liban a rendu visite au Président Emile Lahoud pour lui demander d'accorder la nationalité libanaise aux Palestiniens réfugiés au Liban. Toutes les tendances politiques et religieuses du pays sont opposées à un tel processus. Pourquoi ?

M. H. F. : Pour les réfugiés palestiniens vivant sur notre sol, nous voulons l'application de la résolution de l'ONU 194 (14), qui stipule leur droit au retour sur leurs terres et dans leurs maisons. J'ajoute, que l'implantation et la naturalisation de ces Palestiniens et de leurs familles créeraient des problèmes graves au Liban, tant pour les chrétiens que pour les musulmans (15).

A.C. : Les Américains rétorquent qu'il existe un problème humain puisque maintenant ces terres palestiniennes sont occupées depuis plusieurs dizaines d'années par des Israéliens.

M. H. F. : Puisque vous posez la question du point de vue américain, les autorités de Washington peuvent-elles nous expliquer pourquoi elles approuvent l'appel, à tous les juifs de la terre, à s'installer en Palestine ? Quand, dans le même temps, elles refusent aux Palestiniens le droit de retourner dans le pays où leurs ancêtres ont vécu pendant des siècles.

A.C. : Ils répondent que c'est le résultat des événements. Qu'en pensez-vous ?

M. H. F. :
Eh bien, nous, nous disons la politique des Etats-Unis au Moyen-Orient dictée par Tel-Aviv et non décidée par Washington. Georges W. Bush subit l'influence d'Ariel Sharon et non l'inverse. Bush ne cesse d'invoquer la démocratie. Pourquoi, lui disons-nous, ne pas parler de démocratie pour les Palestiniens ? Pourquoi ne pas ordonner à Israël de se retirer des territoires occupés. Pourquoi ne pas presser ce pays de quitter le Golan (16). Peu importe la politique syrienne, le peuple du Golan réclame lui aussi sa liberté. Pourquoi, M. Bush n'exerce-t-il pas les mêmes pressions sur Israël dans ce sens, que celles exercées sur la Syrie pour l'obliger à quitter le Liban ? Bush ment sans retenue quand il croit agir dans l'intérêt des Etats-Unis. Souvenez-vous du plus flagrant de ses mensonges, quand il a accusé l'Irak de détenir des armes de destruction massive avant de déclencher la guerre contre ce pays.

A.C. : Quel idée vous faites-vous d'Ariel Sharon ?

M. H. F. : Comme l'a dit le maire de Londres, Sharon est un criminel de guerre. Il est responsable des massacres de Sabra et Chatila (17). Jusqu'à aujourd'hui, l'armée sioniste tue des femmes, des enfants et des vieillards en son nom. Je ne peux me l'imaginer en homme de paix comme le décrit Bush. Ou, alors, il faut se demander ce qu'entend le Président des Etats-Unis par le mot paix.

A.C. : Jusqu'à il y a encore peu, les courants islamiques refusaient l'existence de l'Etat d'Israël. Acceptez-vous, aujourd'hui, l'existence d'un Etat juif, Israël, à côté d'un Etat palestinien ?

M. H. F. : Tantôt on parle de l'affaire d'un point de vue idéologique, en termes de principes. D'autre fois sur le plan de la réalité du terrain. Dans le concret, quand les Palestiniens ne peuvent instaurer un Etat sur l'ensemble de la Palestine, il devient naturel que deux Etats coexistent. A une condition cependant, qu'Israël ne définisse pas elle-même les frontières de l'Etat palestinien.

A.C. : Les Israéliens ne s'estiment-ils pas, eux aussi, des droits sur la terre de Palestine ?

M. H. F. : Nous ne croyons pas légitimes les prétentions israéliennes quand ils parlent d'un droit religieux sur la Palestine. D'un droit historique perdurant depuis plus de 3000 ans. Pour nous, aucun peuple ne peut réclamer à un autre peuple un territoire au nom de la présence de ses ancêtres sur les lieux 3000 ans plus tôt. Pendant tous ces siècles, la Palestine n'a jamais été une terre sans peuple. Sous les Ottomans, elle était habitée par une majorité musulmane et des minorités chrétienne et juive. Nous voudrions tous ces gens vivant dans un même Etat. Cependant, comme nous le voyons, au regard des dispositions internationales, cela est devenu irréaliste.

A.C. : Al Manar, la chaîne de télévision du Hezbollah, a été accusée d'antisémitisme et interdite de diffusion en France. Comment percevez-vous cette décision des autorités françaises ? (18)

M. H. F. : A mon sens, cette chaîne a été interdite pour des raisons politiques et non juridiques. D'abord, il y a une différence entre l'antisémitisme et le fait d'être contre Israël en tant qu'Etat. Détail d'importance, les Arabes sont au moins aussi " sémites " que les juifs. Nous pourrions, nous aussi, accuser Israël d'antisémitisme. Cette affaire, à notre sens, aurait dû être traitée plus sérieusement.

A.C. : Mais pourquoi cette décision française ?

M. H. F. :
La France, en tant qu'Etat, veut entretenir de bonnes relations avec Israël. Nous comprenons cela. Mais, la manière d'y parvenir nous semble mauvaise, parce que votre pays a lésé des parties qui lui sont fidèles. Des gens qui se sont tenus à ses côtés dans des moments difficiles (19). Dans ce dossier, la France, croyons-nous, a commis une erreur.

A.C. : Comment agir alors quand, sur des sujets aussi sensibles que l'analyse journalistique des événements, il y a divergence idéologiques ?

M. H. F. : Nous souhaitons des discussions internationales pour définir un code de conduite en matière télévisuelle. Mais les politiques actuelles ne permettent pas cela.

A.C. : Vous êtes né en Irak. Beaucoup d'Irakiens voient aussi en vous un Moujtahed (20).Avez-vous adopté un homme politique particulier dans ce pays ?

M. H. F. : Laissez-moi d'abord corriger. Certes, je suis né en Irak, mais je suis d'origine libanaise. Ensuite, il y a une différence entre " adopter " et " avoir confiance. " Pour répondre à votre question, j'ai confiance en la personne du docteur Al Jaafari (21).

A.C. : Le Connaissez-vous ?

M. H. F. : Quand il vivait à Londres, il était mon représentant légal (22). C'est lui qui avait la mission de communiquer mes " fatouas (23). " Les gens pour lesquels je suis la source d'imitation (24) le consultaient.

A.C. : Quelles relations souhaitez-vous entre l'Orient et l'Occident ?

M. H. F. : Nous appelons au dialogue continu et à l'entente entre l'Orient et l'Occident. Ceci d'autant plus que beaucoup d'Orientaux sont devenus partie intégrante de l'Occident. Il existe des intérêts vitaux communs entre l'Orient et l'Occident. Aussi, si vous voyez une autre solution que la concertation, dites-le moi.


  NOTES

(1) Né à Najaf (Irak) en 1935 dans une famille cléricale chiite d'origine libanaise, Sayyed Mohammed Hussein Fadlullah est retourné au pays de ses ancêtres en 1966. S'y établissant définitivement, à partir de 1982 on l'a qualifié d'inspirateur de la mouvance islamiste chiite dans ce pays. Plus tard, on a associé son nom à celui du Hezbollah.

(2) La résolution 1559 a été votée, le 2 septembre 2004 par le Conseil de sécurité des Nations unies, à l'instigation des Etats-Unis et de la France. Elle réclame la fin " des " présences militaires étrangères au Liban et que " toutes les milices libanaises et non libanaises soient dissoutes et désarmées. " Cela est interprété comme une demande de retrait des Syriens et de désarmement du Hezbollah.

(3) En réalité, la communication du Hezbollah a évolué d'un soutien ouvert, au maintien de la présence militaire syrienne au Liban, à une acceptation de ce retrait tout en maintenant des liens avec la Syrie. On croit voir là la volonté du parti chiite d'éviter l'affrontement avec le reste de la société libanaise. Quant aux non-chiites manifestant aux côtés des chiites, s'ils appartenaient à toutes les communautés, d'une part leur présence était marginale, d'autre part, ils étaient envoyés par des partis politiques comme le Baath pro-syrien.

(4) Les accords de Taëf avaient été signés le 22 octobre 1989 en Arabie Saoudite. Ils réunissaient 62 députés libanais et étaient parrainés par les pays arabes associés aux puissances occidentales, dont la France et les Etats-Unis. Pour mettre un terme à la guerre, une mission de restauration de la paix fut confiée à la Syrie. Cette dernière bénéficia aussi d'avantages politiques lui assujettissant le Liban. Enfin, fut décrétée, à moyen terme, la suppression du système politique confessionnel. Celui-ci, afin d'éviter la domination d'une minorité sur les autres, détermine, encore aujourd'hui, la répartition des sièges de députés en fonction de l'appartenance communautaire. Il en est de même dans l'administration ou dans l'armée. Enfin, la magistrature suprême est confiée à un chrétien maronite, le portefeuille de Premier ministre à un musulman sunnite et la présidence du Parlement à un chiite.

(5) L'Etat civil de 1953 évaluait les chiites à 250 000 et les sunnites à 286 000. Mais, d'après le Centre catholique d'information, en 1985, on comptait 580 000 sunnites pour 680 000 chiites (rapporté dans l'Orient le Jour du 24 octobre 1984). Si on ne dispose pas de nouvelles données fiables, la démographie, beaucoup plus forte chez les chiites, a accentué le décalage entre ces derniers et les sunnites.

(6) A la fin de la guerre, toutes les milices libanaises ont été désarmées, à l'exception du Hezbollah déclaré " Résistance " contre l'occupation israélienne.

(7) La Résolution 1559 appelant au désarmement des " milices, " M. H. Fadlullah insiste pour déqualifier le Hezbollah pourtant bien une milice.

(8) Les survols du territoire libanais par l'aviation israélienne sont très fréquents et ont été dénoncés à plusieurs reprises par les Nations unies. Ils sont parfois attaqués de bombardements. Cependant, depuis le départ de l'armée israélienne du Sud, au printemps 2000, les incursions terrestres de cette dernière sont rares et de faible amplitude.

(9) Consciente de l'infériorité en armement et en nombre d'hommes de ses forces de défense, le Liban évite de mettre son armée au contact de celle d'Israël. Aussi, usant de prétextes, sur ordre des dirigeants politiques, l'armée libanaise n'a pas repris le contrôle du Sud Liban lors du repli israélien du printemps 2000. Cette partie du territoire est abandonnée à la prétendue protection du Hezbollah, mais aussi, partiellement, à sa juridiction.

(10) Après le repli israélien du Sud Liban, au printemps 2000, l'Etat hébreu décida de se maintenir dans une vallée désignée sous le terme de hameaux ou fermes de Chebaa. Il s'agit d'un territoire de quelques dizaines de kilomètres carrés dont la souveraineté est mal déterminée. Les Israéliens disent qu'il appartient à la Syrie. Les Syriens, comme les Libanais, l'affirment partie du territoire libanais. Le Hezbollah instrumentalise la situation pour perdurer, en tant que " Résistance, " et les Israéliens pour demeurer dans cette vallée riche en eau.

(11) En réalité, d'après nos sources, la moitié de la dette libanaise, de 40 milliards de dollars, est le résultat du rééquipement de l'armée.

(12) L'armée libanaise était organisée en unités recrutées sur la base confessionnelle. Pendant la guerre, les bataillons se sont débandés, chacun rejoignant sa propre communauté pour combattre contre les autres Libanais aux côtés de leurs coreligionnaires.

(13) De fait, la Syrie a participé à la reconstruction de l'armée libanaise sur une base non confessionnelle. Cependant, ses dirigeants pensaient-ils aux intérêts du Liban ou à ceux de la Syrie ?

(14) La Résolution 194 a été adoptée le 11 décembre 1948. A la suite du départ forcé des Palestiniens, elle décide " qu'il y a lieu de permettre aux réfugiés qui le désirent, de rentrer dans leurs foyers le plus tôt possible et de vivre en paix avec leurs voisins, et que des indemnités doivent être payées à titre de compensation pour les biens de ceux qui décident de ne pas rentrer dans leurs foyers... "

(15) Toutes les communautés libanaises s'accordent sur ce point : la naturalisation des réfugiés palestiniens susciterait un déséquilibre démographique en faveur des musulmans sunnites et en défaveur des autres. Les chrétiens en seraient les premières victimes.

(16) Le Golan, territoire syrien, est occupé par Israël depuis la guerre israélo-arabe de 1967.

(17) Du 16 au 18 septembre 1982, près d'un millier de civils palestiniens du camp de Sabra et Chatila ont été assassinés par les miliciens d'Elie Hobeika, alors l'un des principaux chefs des Forces libanaises (la résistance chrétienne). Le camp était sous la protection des forces israéliennes qui, sous l'autorité d'Ariel Sharon, ont livré le camp aux hommes d'Hobeika.

(18) Après un premier avertissement, Al Manar a été à nouveau accusé " d'antisémitisme, " pour avoir laissé s'exprimer un intervenant extérieur dans des termes excessifs. Sur décision des autorités françaises, la chaîne n'est plus diffusée sur le territoire français depuis le 13 décembre 2004.

(19) L'interviewé fait allusion au soutien musulman lors de la prise en otages de nos confrères Christian Chesnot et Georges Malbrunot.

(20) Chez les chiites, autorité religieuse ayant le droit de faire des interprétations innovantes à partir des textes fondateurs de l'islam. Tout bon chiite se doit d'avoir un " moujtahed " auquel il verse tous les ans le " khums, " un cinquième de ses revenus. De cette coutume uniquement chiite, trois conséquences découlent. D'une part, les moujtaheds engrangent de véritables fortunes. D'autre part, ils jouissent d'une autorité morale très forte sur leurs ouailles. Enfin, grâce à cette possibilité de réinterpréter les textes, les chiites, à différence des sunnites, peuvent manifester, quand ils le veulent, une plus grande capacité d'adaptation à l'évolution des temps.

(21) A la suite des élections, le docteur Ibrahim Jaafari est le candidat choisi par la majorité chiite d'Irak pour occuper les fonctions de Premier ministre. Il est aussi le chef du parti chiite Al Dawa et a fait parti du gouvernement intérimaire mis en place par les Américains après la chute de Saddam Hussein.

(22) En arabe " wakil charii, " terme juridique.

(23) Par " fatoua " on entend avis juridique, une recommandation donc et non un ordre péremptoire.

(24) La notion de " source d'imitation " (en arabe " Marja At-Taqlid) est le qualificatif attaché à un " moujatahed " (voir note 20) et justifiant sa compétence pour émettre des " fatouas. " Ceci, encore une fois, uniquement chez les chiites. Ces relations religieuses prennent une importance particulière dans l'imbroglio des fonctionnements politiques

Alain Chevalérias est journaliste spécialiste du monde islamique.
Son dernier livre " Brûlé Vif, enquête sur les Moujahidines du Peuple d'Iran," est édité par le "Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001".

Badih Karhani est journaliste libanais et consultant au Centre de Recherches sur le Terrorisme depuis le 11 septembre 2001.

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