LE PARCOURS
de Mohamed Merah

avril 2012

Le 22 mars dernier, le parcours sanglant de Mohamed Merah s’arrêtait au pied d’un immeuble de Toulouse. Pour les uns, c’était un jeune à la dérive. Pour les autres, un dangereux djihadiste formé aux méthodes terroristes. Nous optons pour une troisième hypothèse, bien plus inquiétante.

L’itinéraire de vie du jeune Merah passe par l’Afghanistan et le Pakistan. On sait qu’il a été au contact d’islamistes radicaux et a reçu, semble-t-il, un entraînement au maniement des armes. Du reste, sa façon de résister au siège de la police révèle une certaine dextérité en la matière.

Était-il pourtant un islamiste convaincu ? Certes, emprisonné en 2007 pour des faits de délinquance, il a été alors remarqué pour son rapprochement des salafistes *. Il faut néanmoins savoir ces derniers omniprésents dans les prisons où ils ont remplacé les hommes des milieux corses et marseillais. Nul détenu ne peut survivre sans leur protection. En échange le nouveau venu est obligé de se soumettre à un islam archaïque et violent.

C’est à sa sortie de prison que l’on évalue le degré d’imprégnation de la recrue. Or Merah se révèle bien laxiste en matière d’interdits islamistes : il lui arrivait même de se rendre en boîte de nuit. Plus troublant, à deux reprises, il a essayé de se faire incorporer dans l’armée française. En 2010, il avait même postulé à la Légion étrangère. On imagine refuge plus séduisant pour un radical de l’islam.

La psychologie et par conséquent les actions de Merah ne deviennent compréhensibles qu’en identifiant ses pulsions primaires les plus fortes. Il était en quête d’idéal, fasciné par la violence à la Rambo et avait soif de reconnaissance.

Une telle description peut paraître banale tant elle correspond à beaucoup de jeunes. C’est justement là le premier aspect du danger que nous craignons : des milliers de Merah existent dans notre pays, jeunes à la psychologie fragile qu’un rien peut faire basculer dans une violence destructrice.

Mais il y a plus grave : c’est la rencontre entre le salafisme et la délinquance des banlieues. Là encore, Merah apparaît comme un prototype. À la veille de ses agressions contre des soldats français puis contre une école juive, il ne retenait de l’islam que ce qu’il pouvait y trouver pour justifier sa violence et corseter sa haine contre l’autre. Soudain, Oussama Ben Laden devenait le modèle, le prétexte et un véhicule de renommée. En appliquant les préceptes de celui-ci, dans son esprit, Merah s’élevait au rang des héros. Il devenait « quelqu’un » que tout le monde allait craindre et respecter.

Pendant des années, les jeunes délinquants d’origine maghrébine et « les frérots », ou « barbus », comme ils appelaient les islamistes, s’évitaient et même se détestaient. Aujourd’hui, en prison, par hybridation, une nouvelle espèce est en gestation, celle des islamo-délinquants.

Or, et c’est là le danger, grâce à son double visage, l’islamo-délinquance séduit dans deux directions à la fois. De part sa position stratégique dans la société, il peut être le déclencheur d’une guerre civile. Ses recrues constituent des modèles pour des voyous qui ne retiennent de l’islam qu’un sentiment confus d’appartenance identitaire. Ils peuvent entraîner derrière eux des masses de jeunes, fils et petits-fils d’immigrés de la première génération, qui se croient exclus parce qu’ils se sont exclus du système scolaire.

Certes, il n’existe pas une seule réponse à la gestion de cette menace. Il faudrait à la fois revoir les critères d’installation et d’acquisition de la nationalité française des immigrants. Retourner à des méthodes d’éducation plus strictes et mieux adaptées aux réalités de l’époque. Réorganiser, et même repenser notre système carcéral. Cependant, le plus important n’aura pas été fait si nous ne nous en prenons pas à l’idéologie islamiste en la confrontant sur son propre terrain.

Or, paradoxe, nous évaluons mal les forces dont nous disposons dans ce domaine : la majorité des musulmans est en effet viscéralement opposée à l’islamo-délinquance. Eux disposent des moyens pour stopper sa progression en dénonçant son double jeu, à la fin, son opposition avec l’islam lui-même.

C’est en somme une véritable révision de notre façon de voir les choses qui serait nécessaire pour répondre à ce nouveau défi.

Alain Chevalérias


*
On entend par salafistes les groupes de musulmans sunnites qui veulent un retour à l’islam vécu par les « salaf », les compagnons de Mahomet. Le plus souvent cela s’accompagne d’une fascination pour le djihad, la guerre sainte.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

Lire aussi:

 

Retour Menu
Retour Page Accueil