Les principales structures |
mai 2010
La première
installation visible de lislam sur le territoire français
remonte à 1922, quand fut terminée la Mosquée
de Paris, sise place du Puy de lErmite, dans le Vème
arrondissement. Sa construction partait dune bonne intention
: montrer notre reconnaissance aux soldats dAfrique du
Nord pour leffort de guerre fourni à nos côtés
dans les tranchées de la Première Guerre mondiale.
Cette intention était néanmoins viciée,
car elle reposait sur un déni de notre législation.
En effet, depuis la loi du 9 décembre 1905, dite sur la
séparation des Églises et de lÉtat,
selon le texte, « La République ne reconnaît,
ne salarie, ni ne subventionne aucun culte ». Ce qui
vaut pour le christianisme, vaut pour lislam. Or, pour
édifier la mosquée de Paris, le gouvernement a
fait voter la loi du 19 août 1920, lui permettant de financer
les lieux, et à la ville de Paris de fournir gratuitement
le terrain. Le début de larrivée en force de musulmans correspond à 1962, quand, parmi les Harkis, ceux que leurs officiers étaient parvenus à sauver du poignard FLN débarquèrent en France. Nous les reçûmes bien mal, réservant une plus grande faveur à la vague suivante, celle des travailleurs immigrés du Maghreb. Avec eux, allait commencer le temps des exigences.
Les premières tensions éclatent au début des années 70, dans les foyers Sonacotra (1). Des mouvements de grève des loyers se mettent en place et sétendent aux autres organisations daccueil des immigrés : lAftam, lAssotraf ou la Soundiatra. Des étudiants maoïstes en sont les organisateurs. On entend alors ces gauchistes soutenir des revendications religieuses. Ils demandent la fermeture des bars et des lieux de prière dans les foyers. Pour calmer le jeu, lÉtat sincline. Certes, à partir de 1979 on nentend plus parler de ce type de grève ni de démonstration de force dans les foyers, mais la République a montré sa faiblesse. Ce faisant, elle a préparé le terrain des islamistes qui, déjà, sont présents sur le territoire.
Tout commence avec larrivée de « Foi et Pratique », en 1962. Cette organisation appartient au Jamaat Al-Tabligh, créé par Maoulana Muhammad Ilyas, en 1927, dans lempire des Indes britanniques. Il sest donné pour mission de « réislamiser » les musulmans quil estime trop éloignés de leur foi. Ses disciples, les « tablighis », partent en mission à travers le monde. Dans les années 40, ils sinstallent dans le Yorkshire, en Grande-Bretagne, et de là, lancent leurs activités à travers lEurope. Sils arrivent en France dès 1962, ils nengrangent leurs premiers succès quà partir de 1968. Leurs méthodes neffraient alors personne. Par groupe de deux ou trois, ils se rendent dans les bars fréquentés par les Maghrébins et invitent les consommateurs dalcool à rompre avec cette habitude. En outre, formés dans le contexte britannique, les Tablighis savent éviter de porter flanc aux coups du pouvoir. A cette époque, du moins, jamais ils névoquent les problèmes politiques. Ils ne parlent que de religion et strictement de religion. Si leur approche peut paraître sans espoir, un ancien maçon tunisien, Mohamed Hammami, va bâtir son aisance grâce aux missions du Tabligh et sinstaller au château de Ville-Main, à Grisy-Suisnes (Seine et Marne). Mais Hammami finira par flancher, gagné par une certaine radicalité islamiste. Dans un premier temps, les Tablighis prendront leurs distances, le réduisant à létat dun gourou entouré de ses disciples. Puis, en 2004, une équipe de Canal + sera agressée devant le château de Ville-Main et Hammami condamné avec quelques-uns de ses compagnons, dont son fils.
Mais, déjà, une nouvelle vague islamiste monte de limmigration maghrébine. Elle se développe entre revendication politique, frustration identitaire et radicalisme religieux. Elle va bénéficier du soutien financier de lArabie Saoudite. En 1977, cette dernière ouvre une succursale de la « Ligue islamique mondiale » à Paris, rue François Bonvin, dans le XVème arrondissement. Cette ONG nourrit la prétention de convertir le monde entier à lislam. Pour asseoir son influence, elle distribue de largent à tous ceux qui lui présentent un projet « islamique », édifier un lieu de culte ou soutenir une association cultuelle. Les candidats ne manquent pas. Une pléthore dassociations apparaît, souvent inspirées par la volonté de défier la République.
Sur ces entrefaites, en 1979,
éclate la Révolution iranienne. Intellectuels
musulmans et déclassés de la société
issus de la migration maghrébine ne pensent alors pas
en termes de différences sunnites et chiites, mais de
fierté islamique retrouvée grâce à
la République des ayatollahs. Téhéran
surfe sur sa gloire du moment. Rue Jean Bart, à Paris,
le centre culturel iranien devient un lieu de défoulement
anti-occidental qui fascine. A un tel point que le ministre français
de lIntérieur finit par le fermer.
Un grand désordre règne cependant. Des farfelus se sont installés sur le terrain. Parmi eux, un certain Farid Gabtani, président de la Voix de lIslam, une association qui a recruté un Français converti, un petit-fils du chef communiste Maurice Thorez (4). Gabtani multiplie les provocations, organisant un mariage musulman et menant une manifestation anti-Rushdie dans les rues de Paris (5). Nos gouvernements débordés, les Saoudiens craignant pour lassise de lislam en France et en Europe, et les Frères eux-mêmes, tout le monde a peur de la dérive, sous prétexte dislam, qui sest emparée des jeunes musulmans. Faut-il parler dun accord tacite
entre le pouvoir français, lArabie Saoudite et
les Frères Musulmans?
Tout porte à le croire. Dès 1983, naît
une fédération, lUOIF ou Union
des Organisations Islamiques de France. Elle sinstalle
dans un appartement bourgeois de la rue de Dunkerque, à
Paris, et ne connaît visiblement pas de difficultés
financières. Dans les faits, largent arrive de Riyad,
transporté dans les valises des responsables (6).
Fini les distributions de fonds à tout va des Saoudiens.
En faisant de la fédération de lUOIF leur
mandataire principal, ils lui donnent la puissance et imposent
aux petites associations de rejoindre lunion pour bénéficier
des prébendes arabes.
Cette situation déplaît à la fois aux autres pays musulmans et aux islamistes qui souhaitent transformer lislam en force politique dans notre pays. En 1983, comme nous lavons vu, la création par les Frères musulmans de lUOIF, ou Union des Organisations Islamiques de France, répond à cette logique. Dans ses beaux jours, lUOIF va compter jusquà 200 associations musulmanes réunies sous sa coupe, dont le CBSP (Comité de bienfaisance et de secours à la Palestine), émanation du Hamas palestinien, lui aussi fondé par les Frères musulmans. Lorganisation se montre vite très efficace en matière de communication. Tous les ans, elle organise un grand rassemblement dans de vastes hangars loués au Bourget, parvenant à attirer plusieurs dizaines de milliers de personnes. Mais ce succès inquiète. Si lUOIF est soutenu par des fonds saoudiens, ces derniers émanent de particuliers. Le pouvoir, pour sa part, naime pas tellement ces jeunes trop idéalistes issus de structures contestataires dans leurs pays dorigine. Le Maroc, de son côté et pour ne citer que lui, montre les mêmes réserves.
La réponse à lUOIF surgit en 1985, avec la création de la FNMF ou Fédération Nationale des Musulmans de France. De façon tout à fait explicite, cette structure va longtemps être domiciliée dans les bureaux de la Ligue islamique mondiale, organisation saoudienne installée rue François Bonvin à Paris. Officiellement, la FNMF sest donné pour mission de « représenter lislam de France », aux dépens de la Mosquée de Paris. LUOIF est appelée à rejoindre la jeune organisation. On lui demande, en somme, de se fondre dans ce nouvel ensemble. Une manière de se faire hara-kiri. Habilement, elle se soumet mais garde son identité et préserve ses structures. Sur un autre front, la FNMF recrute large. Dabord chez les Français convertis. On compte dans ses rangs Youssouf Leclerc (7), passé par le Tabligh, ou Yakoub Roty (7), un soufi (8). Se joint aussi à la FNMF Muhammad Hamidullah, un Pakistanais vivant en France et par ailleurs traducteur du Coran, mais aussi Mustapha Dogan, responsable de lUnion islamique turque, rattachée au Milli Görüs, mouvement islamiste dont émergera lactuel gouvernement dAnkara. La FNMF va jusquà affirmer avoir regroupé 500 associations musulmanes, chiffre probablement excessif. En son sein, une tendance se montre particulièrement influente, celle des Marocains. Lun de ces derniers, Khalil Merroun (7), a su se mettre en valeur. En outre bien intégré dans la Ligue islamique mondiale, il préside aussi au destin de la « mosquée-cathédrale » dIvry, construite avec de largent saoudien.
Abdallah Ben Mansour, un Tunisien, et Mahmoud Zouheir, un Irakien, avaient fondé lUOIF. Ben Mansour est éjecté en 1993 et réduit à létat de simple militant. Quant à Zouheir, il doit se contenter de sa position à linstitut européen des sciences humaines (IESH), une « université » créée par lUOIF dans un château du Nivernais (9) et dont la mission est de former des imams. Ils sont remplacés par deux Marocains, Fouad Alaoui et Lhaj Thami Breze. De la gestion provocatrice de Ben Mansour, on passe à la méthode plus matoise dAlaoui. Les buts demeurent, seule la méthode change. Certes, on ne peut pas faire passer lUOIF pour une organisation sagement inféodée au royaume chérifien. On sait néanmoins lautorité royale sétendre à la communauté marocaine installée en France. Afin déviter des mesures de rétorsion lors dun séjour « au pays », il vaut mieux, pour les sujets de Mohammed VI vivant sur notre sol, éviter de se compromettre avec un syndicat ou discuter la légitimité du régime marocain. En dautres termes, des Marocains à la tête dune organisation islamiste en France sont toujours, peu ou prou, aux ordres du palais de Rabat.
LES AUTORITÉS FRANÇAISES MONTENT AU CRÉNEAU La première initiative du pouvoir français pour jouir dun moyen de contrôle sur le développement du culte musulman remonte à 1990, avec linstauration du CORIF (Conseil de réflexion sur lislam de France), à linitiative de Pierre Joxe, alors ministre de lIntérieur sous François Mitterrand. Néanmoins, le CORIF na quune fonction consultative. Il na pas une mission représentative ou organisatrice. Lautorité finira néanmoins par lancer le CFCM (Conseil français du culte musulman), mis sur les rails par Jean-Pierre Chevènement en 1999, mais créé en 2003 par Nicolas Sarkozy, à lépoque ministre de lIntérieur de Jacques Chirac. Cest donc une idée qui transcende la division droite-gauche pour sinscrire dans une logique de gouvernement. A lorigine, il sagit de doter le pouvoir dun outil comparable à celui que Napoléon 1er sest donné, en mars 1808, en créant le consistoire, pour contraindre les rabbins à placer la loi de lÉtat au dessus de la loi juive. Lépoque a cependant changé. Si, sous Napoléon, le plus grand nombre des Français pratiquait une religion, il nen est plus de même aujourdhui. En 1808, le consistoire suscitait le vote de pratiquement tous les juifs et regroupait toutes les sensibilités hébraïques. En 2003, en revanche, seuls les islamistes, et non pas tous les musulmans pratiquants, appartiennent aux organisations à vocation religieuse, comme lUOIF et la FNMF. Or, de plus, au CFCM, siègent non des individus indépendants, mais les représentant dorganisations, en gros ceux des grandes fédérations islamiques existantes ou de la Mosquée de Paris. Dès ses débuts, se côtoient, confisquant lessentiel des 43 sièges, la FNMF (18 élus), lUOIF (13 élus) et la Mosquée de Paris (6 élus). Certes lautorité française sauve les meubles en négociant lélection, à la présidence du CFCM, du recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, qui sait jouer au grand écart entre Paris et Alger. Néanmoins, le pli est pris et le pouvoir français ne pourra pas jouer longtemps de son influence.
Les premières élections du CFCM sétant déroulées en 2005, les secondes ont lieu en 2008, à la suite des trois ans prévus par les statuts. On peut alors croire le rapport de forces nayant guère changé entre les protagonistes. Mais un nouveau partenaire apparaît sur la scène, le RMF ou Rassemblement des Musulmans de France. A la surprise générale, le RMF obtient 43,2% des suffrages et rafle 20 des sièges du CFCM. LUOIF se maintient avec 13 sièges quand la FNMF essuie une défaite spectaculaire et, avec 1,76% des suffrages, ne décroche quun seul siège contre 18 dans le précédent bureau. Certes, sous les pressions de Rabat, la FNMF avait éclaté et le 13 janvier 2006, le RMF était né. Le 23 février 2008, la nouvelle organisation, supposée française, organisait un congrès à Marrakech. Mohamed Moussaoui, vice-président du RMF Le communiqué final affirmait : « Les participants au colloque, reconnaissant des efforts louables fournis pour lorganisation de cette manifestation par le Maroc, tiennent à rendre un grand hommage à la Personnalité Auguste de SM (10) le Roi Mohamed VI, que Dieu lassiste, affirmant que les valeurs humaines dun islam douverture que le Souverain incarne en tant quAmir Al-Mouminine (11) , ont fait du royaume une terre bénie ». On ne saurait imaginer allégeance plus marquée ! Aujourdhui, en tant que tête de liste du RMF majoritaire aux élections, Mohamed Moussaoui, un franco-marocain né à Figuig, a décroché la présidence du CFCM. Reste à sinterroger à propos de la main mise dun État étranger sur une instance religieuse française, fût-il un pays réputé ami de la France. Dautres structures disputent lespace national aux grandes fédérations lislamisme chiite de retour en France
Mohammed Colin a créé ce média Internet, en 2002. Il avait alors 22 ans. Il est né à Dreux, dun père catholique et dune mère dorigine algérienne détachée de la religion. Il a effectué ce qui sidentifie à un cheminement de conversion vers lislam à partir de lâge de douze ans (12). Alimenté par des journalistes compétents, son site contient une multitude dinformations. Certes, on trouve des articles à consonance communautaire, mais aussi des papiers douverture vers le reste de la société. En outre, Saphirnews ne craint pas de critiquer certains excès émanant de la communauté musulmane, voire des grandes fédérations islamistes. Mise en ligne le 5 mai 2008, par exemple, on remarquait une longue collaboration à loccasion des élections du CFCM. Avec honnêteté, lauteur y décrivait les manoeuvres des autorités algériennes et marocaines pour prendre le contrôle des musulmans, français ou étrangers, vivant en France. Certes, encore, Saphirnews cède parfois aux fantasmes distillés par une prétendue élite politique. En particulier quand son créateur estime « la société française devenue multiculturelle » (13). Colin a encore à apprendre, mais comment reprocher à un musulman de répéter la propagande assénée à longueur de journée par les médias et les hommes politiques ? Colin, lui au moins, ne craint pas daffirmer : « Je ne me suis jamais vu autrement que comme Français ».
De droite à gauche: IRANIENNE Mais, en janvier 2007 une nouvelle organisation apparaissait sur notre territoire : la Fédération chiite de France, associée au centre Zahra, sa soeur jumelle à vocation religieuse, sont installés dans un corps de ferme rénové à Grande-Synthe, en banlieue de Dunkerque. Yahia Gouasmi dirige cet ensemble. Né en Algérie, il est âgé dune soixantaine dannées. Son titre de Sayed en fait un descendant de Mahomet. Selon Jean-Noël Coghe, journaliste dunkerquois, dans les années 80-90, Gouasmi disposait dinformations très précises sur lenvironnement iranien et islamiste. Outre le mystère qui pèse sur litinéraire de sa vie, on se demande comment cet Algérien dorigine est passé au chiisme. A-t-il suivi le même itinéraire que Khalid Abdelkrim, (14) lun des cadres du centre Zahra ? Abdelkrim est français dorigine marocaine. Sa conversion au chiisme se serait faite sous la fascination de laction politique de limam Khomeiny. Âgé dune quarantaine dannées, il a étudié la religion chiite et larabe de 2000 à 2005 au Liban, dans une école fondée par Sayed Abbas Moussaoui (15). Abdlekrim dit largent nécessaire au fonctionnement et à lachat des bâtiments provenant de commerçants et de membre de lorganisation. Nous le croyons venant dIran. Quant aux objectifs, ils apparaissent nébuleux. Avec ses amis, Abdelkrim dit vouloir rassembler les chiites de France. Pourquoi dans ce cas avoir fondé le PAS, ou Parti Anti-Sioniste, avec Dieudonné. Pourquoi cette alliance avec Alain Soral, ancien du Front National, et ces relations avec Kémi Séba, chef dun mouvement communautariste noir ? Cela sent plus lagitation politique que laction religieuse, fût-elle musulmane. Lislam chiite y perd en respectabilité ce que lIran croit gagner en influence.
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