Murdoch, la presse sous contrôle |
février 2009
Fin décembre, on apprenait le renforcement de la position de Rupert Murdoch dans la chaîne allemande Première. Crypté et payant, ce canal de télévision est étranglé par les dettes et avait un besoin urgent dargent. Solution, augmenter le capital en faisant appel à des financiers. Murdoch, et son trust « News Corporation », se sont portés garants, auprès des banques, pour 450 millions deuros. Déjà détenteur de 25,01% du capital, Murdoch devrait dépasser les 50% et devenir le décideur principal de la maison. Il y a quatre ans, «Business Week» (1) le disait déjà propriétaire de 175 journaux, de 35 chaînes régionales de télévision, dune compagnie de cinéma, « Century Fox Studio », de « Fox Network » et de 35 stations de télévision. Lhebdomadaire américain ajoutait que « ses satellites irriguent de ses programmes de télévision cinq continents, dominant presque la Grande-Bretagne, lItalie et de vastes zones en Asie et au Moyen-Orient ». Daprès la classification de Forbes de 2008, il possède la 109ème fortune mondiale avec 8,3 milliards de dollars. Mais qui est Rupert Murdoch et, surtout, pour qui roule-t-il ? |
Keith Rupert Murdoch, connu sous le nom de Rupert Murdoch, est né à Melbourne (Australie) le 11 mars 1931. Son grand-père, un pasteur protestant, avait immigré en Australie à la fin du XIXème siècle. Écossais par le sang, son clan, les Murdoch, est une branche des fameux MacDonald. Le père de Rupert, était journaliste. Se mariant avec Elysabeth Joy Green, issue dune riche famille de juifs orthodoxes irlandais, il devint un influent éditeur de journaux grâce à sa belle famille. Rupert Murdoch a néanmoins été élevé dans le christianisme. A la suite détudes de philosophie, de politique et déconomie à la très sélecte Université dOxford, en Angleterre, il rejoignit lAustralie en 1952 à la suite de la mort de son père. Ce dernier avait nommé un journaliste pour former son fils au métier. Il faut dire quil laissait derrière lui une montagne de dettes. Pour sen sortir, son épouse dut vendre de nombreux actifs. Sans conteste compétent et doué dun instinct pour les affaires de presse, Murdoch sut néanmoins tirer le meilleur du « News Limited », publication dont il était devenu le patron dès 1953. Rapidement, augmentant sa distribution et son budget publicitaire, il commença à engranger des profits. Avec ces derniers, il acheta de nouveaux titres. En 1956, il était déjà le plus grand propriétaire de journaux dAustralie. En 1964, il lançait le premier quotidien du pays, « The Australian ». Continuant son acquisition de titres, du même coup, il devenait faiseur de rois. Son groupe de presse soutint le candidat du Parti travailliste, Gough Whitlam, en 1972, puis il se retourna contre lui en 1974. LAustralie se révélait néanmoins trop étroite. A partir de 1968, il entrait sur le marché britannique où il parvint à semparer du « News of the World », sopposant à son concurrent Robert Maxwell (2), auquel il ressemble tant par certains côtés. Pour prendre le contrôle du « News of the World », un journal tirant à six millions dexemplaires (3), pour la première fois de sa carrière, Murdoch avait hypothéqué ses titres aus-traliens les plus cotés, mettant tout son empire en danger Mais ses finances vont vite se rééquilibrer. En 1969, il achète « The Sun ». En 1981, il acquiert le « Times », journal britannique le plus prisé, et le « Sunday Times ». Toujours avec le même opportunisme, il soutint dabord Margaret Thatcher, du parti conservateur, puis à partir de 1990, le chef de lopposition travailliste, Tony Blair. Très proche de ce dernier, il eut avec lui plusieurs entretiens secrets. Une relation qui se vit couronnée de succès puisquen 1997, Blair recevait la charge de Premier ministre pour dix ans. Nous reviendrons sur ce point tant il nous semble que le soutien Murdoch explique la ligne politique pro-israélienne de Blair. Mais, déjà, il sétait attaqué à un autre terrain, les États-Unis. En 1973, il avait acheté le « San Antonio Express-News », puis fondé le « Star ». En 1976 il était devenu propriétaire du « New York Post ». En 1985, il achetait la moitié des parts de la société de cinéma « Fox Film Entertainment ». Détail, il partageait les actions de cette société avec Marvin Davis, un magnat du pétrole. Ce dernier avait racheté les parts quil vendait à Murdoch à un certain Marc Rich. Entre parenthèses, et pour montrer que beaucoup de choses se tiennent, ce dernier est connu de nos lecteurs. Son nom a été mêlé, en France, à des accusations de pollution de sites industriels, dans le Pas-de-Calais, et à celui de léchouage du pétrolier « Prestige », en décembre 2002 (4). Le 23 janvier 2003, Roselyne Bachelot, alors ministre de lÉcologie, avait dit parlant de lui sur Europe 1 : « Ce sont les mêmes patrons voyous que lon retrouve derrière le groupe Metaleurop et le pétrolier échoué au large des côtes de la Galice ».
Anticipant sur cette difficulté, dès 1985, année de son achat de la « Fox Film Entertainment », il avait demandé et obtenu la nationalité américaine. Neuf ans plus tard, en février 1996, ce qui prouve sa détermination, sappuyant sur la société de cinéma, il fondait « Fox News », une chaîne dinformations télévisées « néo-conservatrice » dans la ligne du futur Président des États-Unis, George W. Bush. Déjà, Murdoch était sur un autre continent. En 1993, à Hong Kong, il avait acquis le contrôle de « Star TV », aujourdhui lun des plus grands réseaux de télévision en Asie. Puis, il participa pour 45% à la création de la chaîne chinoise « Phoenix Satellite Television », qui allait devenir la plus populaire et la plus profitable des chaînes de télévision sadressant à cette population à travers le monde. Les États-Unis sont néanmoins devenus son principal centre dintérêt. En 2004, il déplaça le quartier général de « News Corporation » dAustralie au pays de Theodor Roosevelt. Il ne cessait pas pour autant de sagrandir à létranger. Ainsi, en 2008, il achetait la chaîne de télévision turque TGRT en partenariat avec Ahmet Ertegün, un homme daffaire local. Là où dautres échouaient, Murdoch a réussi. Pour une part, son succès sexplique par son utilisation pragmatique des nouveaux moyens techniques. Ainsi, dès 1986, il introduisit lélectronique dans les procédés de production et dimpression de ses journaux. Quand il passa aux mêmes méthodes en Grande-Bretagne, il dut faire face à des grèves et à des émeutes. Néanmoins, outre la réduction des coûts et la rentabilité ainsi obtenues de ses publications, lavenir lui donnera raison, la plupart des groupes de presse ayant aujourdhui automatisé leurs productions en optant pour les mêmes méthodes. Le recours aux techniques de pointe ne suffit cependant pas à éclaircir le mystère de cette croissance foudroyante. Jusquà des pratiques jugées illégales, un sens aigu des affaires sest avéré nécessaire. Son groupe, « News Corporation » a ouvert des succursales aux Bahamas, aux Iles Caïman et aux Iles Vierges. Des paradis fiscaux plus connus pour accueillir des fonds acquis de manière marginale et réservés à des activités occultes, que pour alimenter un financement clair et profitable de nos économies nationales. En 1999, la BBC (5) annonçait que « News Corporation », navait payé que 6% dimpôts sur 5,4 milliards de dollars de profits en quatre ans à travers le monde. A titre de comparaison, une autre multinationale travaillant dans la communication, Disney, avait reversé 31% de ses bénéfices aux services fiscaux. Le journaliste expliquait : « Il est impossible de savoir exactement comment News Corporation parvient à une telle efficacité » en matière dévasion fiscale. Il précisait néanmoins : « Son camouflage financier est un réseau insaisissable dinterconnections entre des filiales éparpillées à travers le monde ». Le « Washington Post » du 12 juillet 1997 estimait pour sa part que « Murdoch maîtrise parfaitement lutilisation des paradis fiscaux offshore ». En 1995, cette tendance à fonctionner comme une entité au-dessus des États et de leurs lois, valut à Murdoch quelques difficultés aux États-Unis de la part de la FCC (6). Cette dernière estimait illégal lachat de la Fox par « News Corporation » celle-ci étant, alors, de droit australienne et donc étrangère en Amérique. Finalement, le FCC statua en faveur de Murdoch, considérant que la Fox, grâce à « Fox News » servait le bien commun des États-Unis. A travers cet arrêt, on sentait poindre une autre raison du succès du grand patron de presse : son entrisme dans le monde politique. Nous avons vu sa façon de faire en Australie, puis en Grande-Bretagne auprès de Margaret Thatcher puis de Tony Blair. On le voit encore aux États-Unis dans lalignement jusquauboutiste de « Fox News » sur les lignes néo-conservatrices les plus engagées. En 2003, cette chaîne de télévision a fait la promotion de la guerre en Irak et a posé en champion de la campagne de dénigrement de la France pour le refus de notre pays de se joindre à une attaque injuste. On la voit aussi, comme les autres médias de Murdoch, très en pointe pour défendre Israël dans les pires situations (7). Il existe bien des révélations, faites par des journalistes, à propos du soutien inconditionnel apporté à Israël par les médias de Murdoch. Nous avons choisi lun deux, Sam Kiley, ancien correspondant en Afrique du « Times ». Il a critiqué « la censure pro-israélienne » pratiquée sur le conflit du Moyen-Orient. « On ma dit, rapportait-il, de ne pas utiliser les mots assassinats ou exécutions extrajudiciaires, parlant de la liquidation dopposants dIsraël, » (8). Il faut bien évoquer les relations,
confinant à la ferveur, entretenues par Murdoch
avec les représentants dIsraël et des communautés
juives. Le 11 janvier 2006, par exemple, il recevait un
prix humanitaire de la Fondation Simon Wiesenthal. Dans
son discours, il célébrait laspiration à
« la paix, la sécurité et la justice
» dAriel Sharon. Autre exemple, après
avoir passé un week-end dans le ranch de ce dernier et
fait un tour avec lui en hélicoptère, il dit :
« Nous avons vu la vulnérabilité du pays
». Puis il ajouta : « Tous les journaux de New
York ne sont pas sensibles à la cause dIsraël
et ne savent pas ce quil est bon de publier ».
(1) Du 19 janvier 2004. « Business Week
» est un hebdomadaire américain spécialisé
dans le domaine des affaires. |
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