DE POUTINE |
avril 2009
Le 29 mars 2009, le
président russe Dmitri Medvedev a cru bon de dire à
un journaliste de la BBC quil était bien «
le seul chef de lÉtat » en Russie. Une
affirmation devenue nécessaire pour défendre son
prestige quand, selon un sondage récent, la majorité
des Russes voit dans le Premier ministre, Vladimir Poutine, le
véritable patron du pays. Il a dabord soigneusement choisi son dauphin, Medvedev, un ami véritable et un collaborateur fidèle. Celui-ci navait pas, en outre, le tempérament dominateur des autres prétendants et, point non moins important, doit toute sa carrière à son chef. Ajoutons à cela quil na de lien quavec une seule partie des réseaux du système Poutine : celle des libéraux, issus de l'équipe de l'ancien maire de Saint-Pétersbourg, Anatoly Sobtchak. Cela limite la possibilité, pour lui, de se substituer à son mentor. Il faut savoir, Poutine domine deux réseaux ou clans politiques. Celui des libéraux et celui des « siloviki », des hommes issus du système de sécurité de la défunte Union Soviétique : larmée, lindustrie militaire, la police et lancien KGB scindé aujourdhui en FSB et SVR. Devenu incontournable, il joue les arbitres entre ces deux tendances antagonistes. Sur le plan parlementaire, Poutine a aussi « blindé » sa position. Chef incontesté du parti Russie Unie, il peut en destituer n'importe quel cadre et désigne lui-même les candidats aux élections. Sa tactique est renforcée par son succès aux législatives : en 2007 il a remporté 63% des suffrages exprimés et contrôle aujourdhui 315 députés sur 450. Si Medvedev se montrait trop indépendant, Poutine pourrait provoquer sa destitution, celle-ci ne requérant que les trois quarts des voix des députés. Avant de quitter le Kremlin, Poutine avait en outre pris quelques précautions supplémentaires. Octroyant, par décrets, des prérogatives jusquici dévolues au Président pour les attribuer au Premier ministre, il sétait aménagé une position forte. A titre dexemple, sur sa décision, les gouverneurs de régions, ne remettent plus leur rapport annuel au Président, mais au chef du gouvernement. Pour mieux assurer encore ses arrières, Poutine a placé ses hommes aux postes-clés des structures du pouvoir. Tout dabord Sergueï Ivanov, vice-premier ministre, concurrent direct de Medvedev à la candidature présidentielle et ami intime de Poutine, a la haute main sur le complexe militaro-industriel et les « organes » (1) . On le surnomme le « chef de larmoire à pharmacie », car il a réactivé le laboratoire des poisons du défunt KGB et en a le contrôle total. Vient ensuite Igor Setchine, lui aussi promu au poste de vice-premier ministre. Patron de Rosneft, la deuxième compagnie pétrolière du pays, cest un ancien du KGB qui se faisait passer pour un traducteur de larmée, dans les années 70, en Angola. Il déteste Medvedev quil jalousait pour sa position à la tête de Gazprom (2) . Il a dépecé Yukos, l'ancienne entreprise de Mikhaïl Khodorkovsky (3) . En sopposant à sa libération en 2008, il a renforcé sa position face à un Medvedev qui, lui, a laissé entendre quil souhaitait gracier le magnat du pétrole. Poutine a aussi pris le contrôle direct ou indirect des plus puissants bastions de lindustrie russe. Outre Rosneft, il a également mis la main sur Rosoboronexport (ROE), lentreprise dÉtat en charge de lindustrie militaire. Le 27 novembre 2007, moins de trois semaines avant de présenter son successeur, il a officialisé le rachat de ROE par la firme dÉtat Rostekhnologuii. A la tête de ce géant de lindustrie, se trouve Sergueï Tchemezov, un « Siloviki » important. Nommé par Poutine pour quatre ans. Selon le quotidien « Gazeta », il a reçu lordre de « braver les risques politiques qui pourraient surgir après 2008 ». Un vaste programme ! Pour éviter de se laisser déborder, Poutine limite le pouvoir de ses alliés. Par exemple, Tchermezov na pas pu conserver ses responsabilités sur les commandes militaires de lÉtat, contrairement à son souhait. Le Premier ministre joue aussi ses amis les uns contre les autres. À Ivanov, le chef de « larmoire à pharmacie », il oppose Tchermezov. En cas de conflit avec les « Siloviki » ou avec les « organes », il répondra avec le soutien des libéraux. Si daventure, Medvedev se révoltait contre lui, Poutine pourrait jouer les « siloviki » contre les libéraux.. Calculateur et prudent, Poutine ne fait confiance à personne dautre quà lui-même. De ce point de vue, il sinscrit dans la tradition dun Staline. Patrick Cousteau
(1) Les services de sécurité. |
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