|
janvier 2007
Jamais on n'avait vu une telle perfection dans la contrefaçon des dollars. Il y en avait pour plusieurs dizaines de milliers. De quoi déstabiliser un pays par infiltration. Une ligne ou deux dans quelques journaux financiers. Puis le black out. Or le chef de la tribu d'Ossétie, qui avait la main sur ce magot, était lié à l'appareil des mafias internationales du temps de l'ancienne Russie, maintenant répandues sur la planète, avec des ramifications dans tous les centres bancaires. Aucun détail n'a filtré. Deuxième exemple : le 15 novembre dernier, Boigdar Doytchev, le colonel responsable des archives du KGB bulgare (l'ancien service bulgare au service de Moscou pendant 45 ans) entre dans son bureau. Une explosion. Il meurt. Les auteurs de l'attentat cherchaient à mettre la main sur ces archives que le gouvernement se disposait à communiquer officiellement. D'énormes secrets, puisque le KGB bulgare pendant la période soviéto-satellite était l'un des quatre les plus spécialisés des pays de l'Est au service de Moscou et pour Moscou. Doytchev est tué. On conclut à un suicide ! Une "enquête" n'est même pas ouverte. On passe à d'autres nouvelles. Le monde continue de tourner comme si de rien n'était. Or n'oublions quand même pas que les séquelles de quarante-cinq ans d'occupation soviétique en Europe de l'Est sont très loin d'être résorbées, et que tout n'a pas encore été découvert sur les ténèbres de cette époque. Secrets d'autant plus gênants qu'on touche là avec la Bulgarie aussi bien à l'attentat contre Jean-Paul II qu'à des méthodes mafieuses qui dérèglent le climat politique et économique contemporain. Au même moment une vague d'assassinats frappe en Russie et en Occident touchant à la fois des journalistes et des hommes d'affaires d'origine russe qui circulent sans entraves dans nos pays. Ici, l'écran se brouille. Certains commentateurs mettent en cause Vladimir Poutine et ses tueurs. Or, c'est infiniment plus complexe. Il faut savoir que la guerre froide se poursuit malgré les apparences. Entrent en jeu des règlements de comptes si imbriqués que la presse y perd son latin. Il faut d'abord fixer le cadre dans lequel Poutine agit. En l'an 2000, il a mis en
place des structures dont on s'est aperçu petit à
petit qu'elles ne procédaient pas d'un schéma ordinaire,
mais d'une stratégie impérialiste. Il a partagé
le pouvoir entre une douzaine d'hommes de son cabinet. Les uns
sont des techniciens du KGB de ces dix dernières
années ; les autres ceux qu'on appelle des oligarques,
c'est-à-dire des experts de la mise en place de grands
axes stratégiques gaz, pétrole, électricité,
zinc, aluminium, etc. Aujourd'hui, ces matières premières
stratégiques se trouvent concentrées entre les
mains d'un gang qui, à 80%, est tenu par Poutine.
Jusque-là, tout serait à peu près concevable
si ces bases stratégiques tenaient compte du droit international
et de la justice. Au lieu de quoi, on constate en examinant le
cas de Boris Khodorkovski, le créateur de la firme
Youkos, qu'en toute illégalité, cet oligarque
a été jeté en prison pour l'unique raison
nécessaire et suffisante que sa puissance gênait
Vladimir Poutine et qu'il avait eu le tort d'afficher ses divergences
politiques avec le maître du Kremlin. De toute évidence,
les poursuites fiscales intentées contre lui ont été
fabriquées. Qui était Litvinenko ? Un officier supérieur du FSB (l'ex-KGB), un tueur professionnel chargé de cibles diverses. Il y a six ans, se posant de plus en plus de questions sur les motivations réelles des missions très particulières qu'on lui assignait, il bascula dans l'autre camp. Après être passé
par Jérusalem, il se réfugia à Londres.
Il se mit sous la protection d'un autre dissident : Boris
Berezovsky, un des plus riches des oligarques, un de ces
douze ou quinze personnages affairistes, qui ont fait fortune
très vite grâce à l'argent du parti communiste
réparti entre eux en 1990, avec l'ordre de le faire fructifier
à travers la planète par des coups de bourse et
des achats d'affaires. Donc un dissident en rejoint un autre,
et tous deux commencent à combiner des "coups"
contre le régime de Poutine. En temps normal, on commenterait,
se demandant comment des ex ou " encore kgébistes
" peuvent circuler librement dans les pays de l'Ouest et
y préparer des coups d'État. Exit Alexandre Litvinenko dans
des circonstances non encore élucidées. Paul Klebnikov ( Collection de l'auteur ) Pendant trois ans, il fut le correspondant
en URSS de la célèbre revue financière Forbes.
Il y a cinq ans, il fut abattu à Moscou en bas de l'escalier
de son immeuble. Il croyait que son passeport américain
le rendait intouchable. L'assassinat de Paul Klebnikov a sombré dans l'oubli le plus total alors qu'il fût la première victime de la série des crimes en cours. En effet, ses recherches menaient à la fois sur les intrigues russes en Grande-Bretagne, en Allemagne, en France ; sur les intrigues des Tchétchènes dans le Caucase et sur les oligarques, dont une majorité des 250 000 Russes émigrés en Angleterre essaime aussi en Europe continentale. Une constatation importante permet
de comprendre la multiplicité des intrigues qui se nouent
aujourd'hui au Kremlin, leur complexité et leurs
conséquences à l'intérieur même de
la Russie, avec répercussions sur le monde extérieur.
Si Vladimir Poutine est parvenu à monter un gang qui a
mis la main sur la Russie, s'il croit avoir à son service
tous les anciens du KGB, puisqu'il a en personne recasé
nombre d'entre eux à la tête d'entreprises d'envergure,
il se trompe. Il est persuadé dominer une constellation
d'oligarques et de kgébistes. En fait, j'ai détecté
qu'en moyenne un sur trois d'entre ces hommes le dupent. Ils
marchent avec lui pour le moment, mais en même temps ils
combinent sa succession, puisqu' il doit être remplacé
à la présidence d'ici deux ans. C'est une réalité
dont nos hommes politiques et nos industriels devraient tenir
compte dans leurs rapports avec la Russie de Poutine. Nous reviendrons sur ces problèmes au fur et à mesure des événements. Un cas à part celui de Gary Kasparov, ex-champion du monde d'échecs. Ses cours dans le monde entier ont assuré sa fortune. Sommité indiscutable, il est assez populaire dans son pays pour y circuler jusqu'à présent à peu près librement, ainsi qu'à l'étranger. Il a créé " un comité de citoyens pour la démocratie " qui s'était branché sur Berezovsky et Litvinenko. Avec ces derniers, il a osé ressortir deux faits. D'une part le montage des centaines d'explosions dans les appartements des communautés tchétchènes installées en Russie, ce qui a provoqué en 1999 ce qu'on appelle la " deuxième guerre tchétchène. " D'autre part un dossier concernant le rôle trouble de Poutine au KGB de Saint-Pétersbourg de 1989 à 1994 (mélange de pénétration de l'Allemagne de l'Ouest par les affaires et l'espionnage). Symbolisant un autre courant d'opposition, Kasparov fait aussi campagne contre la reconduction de Poutine au pouvoir.
Pierre de Villemarest
|
www.recherches-sur-le-terrorisme.com |