L’ÉTRANGE POLITIQUE AFRICAINE DE SARKOZY

avril 2010

Les 24 et 25 février 2010, Nicolas Sarkozy effectuait son troisième voyage présidentiel en Afrique.

En mai 2006, alors ministre de l’Intérieur, préparant sa campagne présidentielle, il affirmait à Cotonou qu’il faut « tourner la page des réseaux d’un autre temps, des conseillers officieux, des officines, des émissaires de l’ombre ». Transparente allusion aux réseaux de Jacques Foccart, qui servirent sous De Gaulle et ses successeurs, ou au fantaisiste Christophe Mitterrand.

Qu’en est-il aujourd’hui ? Il existe toujours une cellule africaine à l’Élysée. Elle a été dirigée par Bruno Joubert, nommé au lendemain des élections présidentielles, puis révoquée le 19 septembre 2009. La nouveauté était qu’elle soit aux mains d’un ancien diplomate et soumise à l’autorité du conseiller diplomatique de la présidence, Jean-David Levitte.

La situation est-elle pourtant plus claire ? A l’Élysée, on voit que le jeu des « conseillers officieux » et des « émissaires de l’ombre » n’a pas cessé. Se pressent autour du Président quelques Messieurs Afrique : Patrick Balkany, Georges Ouégnin et Robert Bourgi.

Ce dernier, après la mort du Président gabonais Omar Bongo, a été jusqu’à dire pendant l’interrègne : « Au Gabon, la France n’a pas de candidat, mais le candidat de Robert Bourgi, c’est Ali Bongo. Or je suis un ami très écouté de Nicolas Sarkozy ».

Comme semble l’indiquer le récent déplacement présidentiel français au Gabon, Bourgi aurait dit vrai et, contrairement à ses promesses, Sarkozy n’a pas tourné « la page des réseaux ». Nous nous garderions bien de le regretter, car s’il convient d’impulser une nouvelle énergie à l’Afrique, il serait stupide de s’interdire des canaux de communication personnalisés avec les chefs d’États du continent.

La deuxième partie du voyage de Sarkozy, le conduisant au Rwanda, braquait les projecteurs sur un autre aspect de la politique africaine de l’Élysée. Ce pays, francophone depuis près d’un siècle, s’est décrété anglophone en 2003, sous l’impulsion de son Président, Paul Kagamé. Ce qui pourrait passer pour une stupidité revancharde est en réalité un acte d’allégeance aux États-Unis, qui se servent du Rwanda et de l’Ouganda (1), pour bouter les Français hors de l’Afrique équatoriale.

Étrangement, en janvier 2009, à la suite des affrontements causés par les amis tutsis de Kagamé au Kivu (à l’est de la RDC ou République démocratique du Congo), Sarkozy avait évoqué le Rwanda « pays à la démographie dynamique et à la superficie petite » comparé à la RDC, « pays à la superficie immense et à l’organisation étrange des richesses frontalières ».

Un soutien à peine déguisé à la pénétration du Rwanda en RDC, quand cette dernière est une alliée de la France. Confirmant implicitement cette inclination, à Kigali, Sarkozy a joué le rapprochement avec Kagamé, au prix de l’honneur de l’armée française (2), que ce dernier accuse honteusement d’avoir participé au génocide perpétré contre les Tutsis en avril 1994.

Au-delà des apparences gabonaises, Sarkozy s’inscrit-il bien dans la ligne de la défense des intérêts français en Afrique ? Au Rwanda, on est en droit de se le demander.


Notes

(1) Voir: Assaut américain sur les Grands Lacs.
(2) Voir: Que Justice soit faite.

Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001
 www.recherches-sur-le-terrorisme.com

 

 
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