Le 20 avril 2014, nous avons publié
un document émanant des services officiels syriens et
mettant en cause Jean Obeid, ancien député et ministre
libanais.
Ce document établissait l'existence
de relations secrètes, liées à des activités
de renseignement, menées par Monsieur Obeid au Liban en
faveur des autorités syriennes.
Il va de soi que nous avons longuement
réfléchi avant de publier ce document. Nous voulions
croire Monsieur Obeid innocent.
C'est pourquoi nous l'avions invité
dans notre article à éclaircir les choses en répondant
à quelques questions. Nous n'avons rien reçu directement.
Cependant, Monsieur Obeid a publié un message sur
Facebook. D'un ancien journaliste nous attendions mieux
!
D'autant plus, pardon de le dire, que
ses propos sont évasifs et frôlent l'injure quand
il nous accuse de "fabrication " et de "
trucage ". Néanmoins, il promet de nous poursuivre
en justice. Aussi nous étonnons-nous de ne pas avoir de
nouvelles des instances judiciaires qu'elles fussent françaises
ou libanaises.
Néanmoins, de toute cette affaire,
nous retenons une chose positive : Monsieur Obeid écrit
" je ne suis pas candidat à la Présidence
de la République (du Liban) dans la compétition
actuelle ". Si les liens qu'il semble avoir avec les
autorités syriennes étaient avérés,
il nous semble en effet peu souhaitable qu'il puisse être
un jour Président d'un pays, qu'en France, nous sommes
nombreux à chérir.
Pour bien prouver à Monsieur
Obeid que sa démarche sur Facebook ne nous
convainc pas, nous publions un autre document, envoyé
par une source syrienne, qui relance nos interrogations.
Nous restons pourtant prudents. A nouveau,
nous l'invitons à répondre à une question
:
- Monsieur Jean
Obeid, collaborez-vous avec les autorités syriennes
au point d'être considéré par elles, dans
leur jeu libanais, comme une pièce aussi importante que
le disent ces documents ?
Après tout, peut-être
les autorités syriennes ont-elles fabriqué un faux
et l'ont-elles fait parvenir à des opposants pour salir
l'honneur d'un honnête homme ! Encore une fois, à
Monsieur Obeid de nous éclairer.
TRADUCTION
République arabe syrienne
Palais Présidentiel
Service des renseignements extérieurs
Section des opérations 235/2
Date : 12/04/2012
N° : 29/8
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Issu du niveau le plus haut - Damas
Top secret- immédiat
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(Ordre d'action)
À Monsieur le Général de brigade : Hassan
Abdel Rahmane
Suite à notre lettre précédente datée
du 05/04/2012 et suite aux informations et suggestions émanant
de la section de reconnaissance en date du 06/04/2012
Il est recommandé ce qui suit :
1- Le renforcement des effectifs de la section des opérations
et celui de la section des renseignements de la région
libanaise zone de Tripoli.
2- L'exécution des suggestions de l'équipe de reconnaissance,
rapidement et secrètement.
3- Le maintien du contact avec les amis, surtout l'ami Jean Obeid,
tout en le maintenant hors des projecteurs.
4- L'assignation des ordres d'assassinat et de liquidation à
un officier d'expérience dans la région libanaise
pour une exécution parfaite.
5- Le maintien de l'état de tension à un niveau
élevé afin de brouiller les pistes en donnant un
aspect confessionnel aux événements.
Directeur du bureau de sécurité
Major général Bassam Merhej
signature
(tampon bleu circulaire)
Service des renseignements extérieurs
Section des opérations 235/2
(tampon bleu rectangulaire)
Secrétariat du Président de la République
N°29/8
date 12/04/2012
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NOTRE ANALYSE
Ce nouveau document, daté
du 12 avril 2012, est signé par le major général
Bassam Merhej. Celui-ci a été identifié
par ailleurs comme le directeur de la sécurité
et du bureau militaire de Bachar Al-Assad. Certaines informations
l'ont dit tué au cours de combats, en novembre 2013 à
Damas, par l'opposition de " l'armée syrienne libre
" (1).
Plusieurs points nous semblent importants
à noter dans cette lettre :
A/ Elle est rédigée comme
une suite d'ordres dont l'ensemble donne à penser que
la Syrie engageait une action d'ampleur, à la fois
secrète et violente contre le Liban, au printemps
2012.
B/ Que Monsieur Obeid est un
élément important du dispositif syrien au Liban,
semble-t-il pour des activités de renseignement ou d'influence.
Que, d'autre part, les Syriens cherchaient à éviter
de le compromettre.
C/ Que la décision de perpétrer
une campagne d'assassinats sur le sol libanais a été
prise par les autorités supérieures syriennes.
D/ Que les autorités supérieures
syriennes cherchaient à susciter un fort niveau de tension
au sein de la population libanaise. Qu'elles voulaient en outre
faire croire que cette tension était la conséquence
de différends d'ordre confessionnel.
Les violences qui se déroulent
à Tripoli, au nord du Liban, apparemment
sur des bases communautaires, en fait pour des raisons politiques,
les attentats qui à nouveau secouent le Pays du Cèdre
ou l'interpellation de Michel Samaha (2),
apparaissent comme un faisceau d'indices qui donnent de la crédibilité
à ce document.
La publication de cette lettre dépasse
donc largement le cas de Monsieur Obeid puisqu'elle révèle
les intentions, sinon les actions, agressives et déstabilisatrices
de la Syrie à l'égard du Liban. Il y va donc de
la sécurité de ce dernier et de la région.
Nous ne pouvions pas nous taire. Jean Obeid non plus !
Alain Chevalérias
Notes
(1) Pour ceux qui suivent le conflit syrien
de loin, nous rappelons que le soulèvement contre le régime
est divisé en deux tendances. D'une part les radicaux
islamistes, ou " jihadistes ", d'autre part
les partisans d'institutions démocratiques pour le pays.
L'armée syrienne libre appartient à cette seconde
tendance.
(2) Voir
notre
parution précédente.
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